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Le brut baisse

par Akram Belkaïd, Paris

Est-ce un simple trou d’air ou une glissade qui va durer ? En trois mois, les cours du pétrole brut ont perdu 15% de leur valeur sur les marchés de Londres (pour le Brent) et New York (pour le West Texas Intermediate ou WTI). A ce jour, aucun producteur, surtout les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), ne semble s’inquiéter outre mesure même si l’Arabie Saoudite a légèrement diminué ses pompages en août. Un signal discret adressé aux marchés à terme pour rappeler que le premier producteur mondial a toujours les moyens de fermer les vannes et de peser sur les prix.

L’effet pétrole de schiste

Il reste qu’un grand nombre d’experts sont persuadés que les cours vont continuer de se replier. A l’appui de cette prévision, ils citent plusieurs facteurs baissiers plus ou moins pertinents. Parmi eux, on recense le tassement de la croissance mondiale avec un ralentissement marqué de l’activité industrielle en Chine. Dans ce cas précis, il faut tout de même insister sur le fait que cette production industrielle ne baisse pas mais que c’est son rythme de progression qui faiblit un peu ( 6,9% en août contre 9% en juillet). On retrouve là un travers habituel des marchés qui consiste à considérer qu’une augmentation moins forte que précédemment – on ne parle même pas de baisse ( !) – est anormale voire inquiétante.  Cela vaut ainsi pour les résultats d’entreprises où la moindre érosion du bénéfice fait oublier qu’il y a tout de même bénéfice…

En réalité, l’explication la plus importante concernant la faiblesse relative du marché pétrolier est à rechercher du côté des Etats-Unis. En effet, la montée en puissance du pétrole de schiste contribue clairement à augmenter l’offre de brut ce qui, mécaniquement, pèse sur les prix. De nombreux producteurs comme l’Angola, la Guinée équatoriale ou le Nigeria ont perdu des parts sur le marché américain et sont obligés de se rabattre sur l’Europe en proposant des rabais sur leurs cargaisons. Il faut savoir que les Etats-Unis produisent actuellement 8,6 millions de barils par jour (mbj) et qu’ils devraient atteindre 9,5 mbj en 2015. C’est la première fois depuis 1986 que la production américaine atteint un tel niveau et la dépendance de sa consommation aux approvisionnements étrangers est passée de 60% à 30%. C’est là, peut-être, le fait le plus marquant dans l’histoire récente de ce pays.

De nombreux spécialistes se sont interrogés à propos de la viabilité de l’industrie du pétrole de schiste aux Etats-Unis, s’inquiétant notamment de la faiblesse financière de certains producteurs. L’idée qu’une bulle spéculative s’est développée autour de ce secteur est régulièrement traitée par la presse spécialisée qui craint un violent coup d’arrêt au cas où les cours viendraient à baisser au-dessous de 90 dollars le baril (un niveau qui rendrait les extractions de pétrole de schiste peu rentables). Mais, pour le moment, l’or noir américain est bel et bien présent sur le marché, et cela influe directement sur les prix.

Un baril à 80 dollars ?

Bien entendu, la question reste de savoir jusqu’où cette baisse va se poursuivre. Va-t-on assister à un effet de pallier autour de 95 dollars pour le Brent et 85 dollars pour le WTI ? Ce serait un niveau susceptible de satisfaire les pays producteurs tout en permettant aux consommateurs de relancer leur économie grâce à une énergie moins chère. Il faut toutefois préciser que de nombreux économistes n’écartent pas l’hypothèse d’un repli plus sévère des cours avec un Brent compris dans une fourchette entre 80 et 85 dollars. Si cela se vérifie, il constituerait un sérieux signal d’alarme pour des pays mono-producteurs comme l’Algérie.