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«Dieu, je suis fatigué»

par Mimi Massiva

«Je suis né fatigué», écrivait le poète Senghor pour se soustraire à l'école coloniale qui a fait pourtant sa gloire. La fatigue, un état d'âme bien partagé dans un monde dirigé par des Obama, des Hollande, des Bouteflika et le «Jurassic Park » des Ibn Saoud. Elle se lit dans les yeux des pistonnés, des humiliés, des touts et des riens; des fatigués d'être fatigués. Elle s'imprime en rides, brûlures caniculaires sur les visages las de camoufler des nerfs malades.

Il n'y a pas de remède à moins d'en finir. Les farceurs parlent de l'espoir, du verre à moitié plein et ils ont raison car pour eux le vide a été gommé. Quand on les questionne, ils nous montrent le ciel et à la longue, le bras n'arrive plus à viser. Pour échapper à la pression, en Algérie on a ajouté à nos fêtes, en sus des youyous et des klaxons, des pétards et des armes à feu. Feu d'artifice et explosion pour entretenir la nostalgie des bombes qui ont toutes éclatées, dit-on.

Un spectateur étranger assistant à la fiesta pensera avec envie que nous sommes libres? à nous auto-terroriser. Fin août dernier, période de forte audience des télés, notre écrivain national Rachid Boudjedra déclarait avec un sérieux digne de la Bibliothèque Médicis que les journalistes algériens jouissent d'une liberté totale. L'auteur de la Répudiation, livre censuré en Algérie, se montre aussi convaincant qu'un Yasmina Khadra un Khaled ou une Bayouna. Des célébrités qui ont fleuri sous le drapeau bleu-blanc-rouge à défaut du vert algérien, mais ils compensent en aimant l'Algérie comme les désœuvrés des banlieues parisiennes.

Aux USA, pays du Watergate, on ne trouvera pas aujourd'hui un seul journaliste qui oserait se vanter de jouir de l'aubaine de nos professionnels en la matière. Pour Alain Soral, expulsé du métier après avoir tout compris à l'Empire, seules deux possibilités sont envisageables dans la corporation : la mort ou la prostitution. Les satellites espions ont fait de l'autocensure la meilleure des censures. L'information et la rumeur sont détenues par un groupe de plus en plus restreint et de plus en plus puissant. On n'a pas besoin d'étrangler le vilain petit canard pour le faire taire. Si on cherche, on trouve.

On a tous un cadavre caché dans le placard d'après la reine du crime, Agatha Christie. Qu'a-t-elle fait la presse algérienne de sa totale liberté? Il a fallu le coup de gueule d'un Le Pen pour découvrir la maladie du «Père» soigné dans les hôpitaux d'une France qu'il venait de critiquer la veille etc. Que peut-on faire d'une grotte d'Ali Baba dans un désert où il n'y a ni à boire ni à manger ? On peut toujours s'amuser à fabriquer un sarcophage en pièces d'or et pierres précieuses si elles ne sont pas fausses. La fatigue du monde dit arabo-musulman vient de ce triangle des «Bermudes» soumission violence et indifférence.

L'une pond l'autre et la dernière n'existe pas, elle est feinte pour soutenir les deux autres. Pour un psychologue, le trio est logique.

Faut-il maudire octobre 88 et pousser loin dans notre passé la malédiction jusqu'au rêve mort-né d'un Massinissa. Dans son livre Le Jour où l'Histoire a Recommencé, Alexandre Adler parlant du printemps arabe 2011 a évoqué celui plus prometteur et éphémère des années 1950-1960 torpillé par un Nasser, un Boumediene et toute la smala. «?parmi les livres qui se publient en arabe beaucoup d'œuvres locales consacrées à l'Islam et sa doctrine, beaucoup à l'histoire et à ses gloires passées, mais peu à l'organisation politique proprement dite. Rien en tout cas qui donnerait l'impression que l'Occident soit imité sur le plan intellectuel?

La Tunisie a donc réussi particulièrement vite sa révolution, parce qu'elle jouissait d'une forme de liberté sociétale de style européen?» Voilà un monde stérile qui fantasme sur la démocratie européenne en rejetant l'Europe.

Il faut beaucoup moins pour transformer un moine en serial killer. Continuer de se mouvoir dans les eaux troubles de l'incertitude de l'à peu-près. Ballotté d'une fatwa à une autre d'un kamikaze à l'autre. Le meilleur moyen de détraquer le cerveau, seul organe qui se dérobe à la greffe.

L'Islam est la seule religion au monde à n'avoir pas perdu ses ouailles, elle ne cesse de les multiplier même si la loi de la nature impose que la qualité ne puisse se développer qu'au détriment de la quantité et vice-versa. Et les seigneurs arabes n'ont jamais douté que le sabre soit plus efficace que le livre; ils n'aiment pas l'écriture. Ces signes vieux de plus de 5000 ans ce n'est pas leur truc. Il fallait attendre 100 à 250 ans après la mort du Prophète pour écrire le Coran. Inimaginable dans une contrée comblée de livres saints et encensée d'un chapelet de prophètes reconnus. L'écriture du Livre n'était pas une priorité pour les héritiers. La parole d'Allah, le Clément, le Miséricordieux devait se contenter de la mémoire des Qoreichs. Pas facile aujourd'hui de soumettre à la science le Coran alors qu'aucun chroniqueur aucun rapporteur n'a été témoin du fait religieux. La parole divine passera alors par la parole du calife.

C'est Untel qui le dit à Untel grâce à Untel et les Untel seront des courtisans avant d'être croyants. Toutes les études de la police scientifique ont démontré que 100 témoins de bonne foi en bonne santé jouissant d'une bonne vue donneront 100 versions différentes d'un crime. Aujourd'hui dans les pays démocrates on n'accuse plus sans avoir recours aux preuves scientifiques. Pour couronner le tout, le wahhabisme après avoir détruit ce qui restait des mausolées et structures historiques de l'Islam des origines a eu un trait de génie avec sa fatwa : tout croyant doit obéissance à son émir. Aujourd'hui c'est les archéologues qui écrivent certifie ou dénie l'histoire.

C'est ainsi que l'Islam des pa-rents n'est pas celui des enfants ne sera pas celui des petits-enfants. Si Dieu ne change pas, le Rais change et en ce 21e siècle, le monde arabe patauge dans les mêmes interrogations qui remontent au 6e siècle avec un niveau de matière grise qui n'a guère évolué pour éviter le verbe dévaluer. Il reste l'ennemi juré des livres et de l'écriture c'est-à-dire de tout ce qui est intellectuel savant, ennemi à tous les pourquoi : pourquoi on n'est pas libre comme les autres, pourquoi on est obligé de s'arabiser en cocufiant notre ADN ?...

Ce n'est pas en construisant des écoles en envoyant les enfants par millions apprendre les maths la Physique la littérature les Sciences naturelles qu'on accède au niveau de l'homme civilisé.

Le monde arabe a vaincu des civilisations en les pulvérisant sans avoir pris la peine d'étudier au moins leurs débris. Résultat, il est resté le chaudron d'amas d'éclatés et d'ignorants névrosés dès qu'on y touche ça explose.

Dans son livre, Je Veux regarder Dieu en Face, Michel Lancelot parle du phénomène hippie. Comment des jeunes ont dit non à la vie de leur papa. Tout a commencé avec une drogue, une herbe qui provoque des «visions fantastiques et colorées». Le phénomène a vu le jour grâce à la complicité de l'auteur du Meilleur des Mondes, Aldous Huxley et un jeune docteur en psychologie, ancien catholique converti à l'hindouisme et travaillant au Centre de Recherches sur la Personnalité de l'université d'Harvard. Les sujets, des étudiants devenus hippies en créant une nouvelle génération nommée God-intoxication.

La presse mondiale de 1968 les a classés parmi les 10 plus importants événements de l'année. La folie des hippies n'a pas mis les USA en danger, sans doute certains d'entre eux ont même eu le prix Nobel sachant que pas mal de génies ont été des toxicomanes, des ivrognes. Après la fermeture des bars, l'Algérie a trouvé son nirvana dans la « douceur » des nouvelles drogues à la mode à la seule différence qu'il n'y a que cela pour tuer ressusciter le temps.

C'est logique, mathématiquement le commerce de la drogue est infiniment plus rentable que celui de l'alcool. 20 ans après la naissance des hippies, les jeunes Algériens envahissaient les rues pour crier «famine» pendant que les imans des pays arabes, une année à peine après le sacre de Khomeiny, se recrutaient à tour de bras pour enseigner l'Islam aux petits musulmans de France. On a vu le résultat quand les salopards accaparent l'Histoire et assassine l'innocence dans l'œuf.

L'homme est le seul mammifère qui tarde à sortir de l'enfance, le seul dont le cerveau achève sa croissance en dehors du ventre maternel, vraiment mineur donc. Le slogan des hippies «faire l'amour, mais pas la guerre», celui des nos hippies djihadistes «faire la guerre, mais faire l'amour dans l'autre monde». Certes on ne donne que ce qu'on a reçu et les dictatures arabes n'enfantent que des tueurs et des zombies.

Elles s'accaparent même le privé déchirent les voiles jusqu'au squelette détruisent l'humain, caractéristique inconnue dans les autres dictatures qui se contentent généralement d'éliminer toute opposition politique.

Il existe donc plusieurs espèces d'êtres humains. Il suffit de voir le flegme et la zen attitude des Anglais qui risquent dans quelques jours de perdre l'Ecosse: 1/3 de leur territoire,60% du pétrole européen 25% de la pêche européenne et qui chaque année accueille 15 millions de touristes alors que sa population ne dépasse pas les 5 millions. Une expérience américaine a prouvé que les races étaient acquises.

Pour cela on a utilisé un groupe composé de Blancs et de Noirs qui devaient s'entretenir avec une personne qui pouvait leur être hostile. Généralement, le cobaye blanc ressentait un sentiment d'infériorité vis-à-vis de cette hostilité, c'est en lui qu'il cherchait la cause.

Contrairement au cobaye noir qui l'attribuait automatiquement à sa couleur de peau.

Là où le Blanc pouvait espérer en faisant des progrès, le Noir d'emblée se sentait coincer par la pigmentation de son épiderme. D'autres études universitaires confortent les résultats de cette expérience pour expliquer le pourquoi du «blocage» des Noirs Américains. Certains ethnologues affirment que c'est les esclavagistes qui ont inventé le racisme en dressant l'esclave blanc contre l'esclave noir pour prévenir d'éventuels Spartacus.

Aujourd'hui on voit comment les politiciens véreux surtout dans le monde arabo africain fabriquent des racismes à la chaîne pour miner toute révolte populaire, plomber même les impasses.

On a eu les Kabyles et les Arabes, les femmes et les hommes, les arabophones et les francophones, les moudjahidins et les harkis, aujourd'hui on a ajouté les mozabites les chaouis les salafistes les frères musulmans les antis et les pros Bouteflika pour que la camera filme un vote «normal» et finir par admirer une photo, une image d'archives. On devrait demander aux Japonais de nous fabriquer un robot, c'est moins coûteux qu'une autoroute. Un robot reste beau jeune et en bonne santé si la mécanique est bien huilée?

Quand on est fatigué, les maladies en profitent. Récemment, la presse israélienne a parlé d'une Africaine soupçonnée de porter le virus d'Ebola, décidément c'est sadique d'affoler une population traumatisée par les roquettes du Hamas. Notre presse libre pourrait-elle un jour nous certifier l'inverse c'est-à-dire qu'aucun refugié Africain sur notre sol ne présente de danger. L'Etat veille à notre protection comme d'habitude. Les spécialistes soulignent que ce vicieux virus sommeille 15 jours dans le corps avant d'être détecté.

Largement le temps de faire les 4 points cardinaux du bled surtout que l'hospitalité algérienne n'est pas offerte à n'importe qui. Mais pourquoi se fatiguer inutilement, l'Ebola comme la canicule, le choléra, le paludisme, le terrorisme, les inondations, le séisme ne frappent que les individus sans aucun intérêt journaliste au-delà de la profondeur de la fosse commune. Emile Zola a dit qu'aucun bonheur n'est possible dans l'ignorance, nous c'est dans l'ignorance qu'on est condamné à trouver non pas le bonheur, mais une chance de survivre comme des moutons.