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Un vaste chantier qui fait jaser

par Abdelkrim Zerzouri

Les nombreux chantiers ouverts simultanément dans le centre-ville de Constantine provoquent amertume et indignation au sein de la population. «C'est un massacre, la ville est totalement défigurée !», constatent avec peine des riverains du centre-ville ainsi que d'autres passagers et visiteurs de la ville des ponts. « Il est très difficile, voire très risquée, de se mouvoir à travers des rue défoncées, des trottoirs transformés en tranchées, des tronçons routiers labourés, de gros engins qui passent et repassent au-dessus des têtes, des escaliers détruits et abandonnés dans un état de ruines. C'est vraiment insensé de lancer, au même moment, pleins de chantiers dans un endroit réputé très exigu», estiment des avis largement partagés par la population.

Pris dans l'engrenage de l'événement «Constantine capitale de la culture arabe 2015», les autorités mettent les bouchées doubles pour achever les travaux de réalisation de plusieurs projets initiés dans ce cadre, ainsi que d'autres menés en parallèle et qui figurent sur le chapitre du plan communal de développement. Pour en citer quelques chantiers importants, constituant de véritables plaies béantes au cœur du centre-ville, la réhabilitation du centre culturel Med El Aïd Al Khalifa en palais de la culture, l'aménagement des espaces en vue de la création d'un nouveau paysage au centre-ville (dont le rasage complet de la place «dounia taraef»), la réfection des trottoirs, la consolidation de la route du boulevard Belouizdad, le décapage de la rue du 19 Juin, la réhabilitation des bâtisses au centre-ville avec installation de longs échafaudages au long de la route? effectivement essoufflant rien qu'à énumérer tous ces travaux. Et, si le fait est encombrant pour les visiteurs et les passagers, que dire des locataires du centre-ville ?

«Nous n'avons pas fermé l'œil dans la nuit d'hier (ndlr, du jeudi au vendredi)», se sont lamentés hier les habitants de la vieille Casbah, notamment ceux logés sur le boulevard Belouizdad, à cause des travaux de creusement de larges tranchées, engagés en nocturne, pour l'installation de gros tuyaux des réseaux assainissement. Pareil pour d'autres habitants qui subissent tous les désagréments liés aux nuisances générées par les travaux menés à la hussarde, bruits, poussières et autres difficultés dans les déplacements. «Fatalement, si l'on n'y prête pas attention, c'est un grand piège dans lequel on risque de s'enfermer à la limite. Trop de chantiers ouverts, c'est comme si l'on courait plusieurs lièvres à la fois, et ne rien attraper en bout de piste», préviennent sur des airs ironiques des citoyens.

Dans l'ensemble, on aborde la question avec moquerie pour apaiser les crises de nerfs et l'on entend de temps à autre des gens lancer dans ce sillage, «patience, on nous promet une transformation extraordinaire de la ville, d'ici peu, elle tiendra tête aux endroits les plus réputés sur la planète». Oui, mais, en attendant, certains émigrés de retour cet été dans leur ville natale ne reconnaissent plus leurs quartiers. «Je ne sais pas ce qu'on est en train de faire, en tout cas c'est un véritable saccage de la ville», considère un Constantinois vivant au Canada, revenu au bercail passer quelques jours avec ses proches. Un sentiment exprimé d'ailleurs par tous les visiteurs de passage dans la ville des ponts. Tant de dépit, et des appréhensions à l'approche de la rentrée scolaire font le lot des lamentations de la population constantinoise. «On risque la catastrophe à la moindre précipitation de la pluie», prévient-on encore. Du côté des autorités locales, on ne semble pas trop se tracasser de ces réactions. Seul but, ou préoccupation, qui hante les esprits des responsables, être au rendez-vous et livrer les projets avant le mois d'avril 2015. Une véritable course contre la montre. Le ton rassurant, toutefois, le chef de l'exécutif local ainsi que la ministre de la Culture annoncent des taux d'avancement de 70%. «Excepté quelques réalisations dont la réception peut encore tarder, tous les projets de «Constantine capitale de la culture arabe 2015» seront achevés dans les délais requis», soutient-on au niveau local et central. Souffrir pour être belle, tout le monde espère que la devise soit vérifiée à l'issue de l'épreuve. Quoique l'on demeure sceptique quant au résultat escompté, croyant dur comme fer que de par sa nature, Constantine est une ville envoûtante, ayant déjà bénéficié de nouvelles réalisations qui la renforcent dans sa beauté, à l'exemple du nouveau pont «Salah Bey», le tramway, le téléphérique, et il ne fallait pas plus que de l'arranger sous quelques aspects, liés aux espaces verts et à la propreté notamment. Pas plus d'efforts en profondeur, ni trop d'argent à dépenser.