Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Service public : Le permis et des points noirs

par Ghania Oukazi

Les récépissés sont devenus un moyen des plus simples qui explique l'inefficacité de l'administration publique à établir les documents nécessaires dans les temps requis.

Annoncé il y a plus d'une année par Amar Tou alors ministre des Transports, le permis à points est une pièce qui se veut rare en ces temps d'inertie de l'administration publique. «Le ministre avait, en son temps, choisi même le partenaire qu'il faut pour faire imprimer les nouveaux modèles et les établir comme document officiel pour la conduite des véhicules particuliers, mais à ce jour, on n'a rien vu venir», nous dit un cadre du ministère des Transports. Il faut reconnaître, renchérit son collègue, que «c'est un marché bien juteux au regard du nombre effarant de permis qui doit être imprimé, donc, les choses ont dû se compliquer à ce niveau». Au passage, on apprend en effet qu'une fois installé en remplacement de Tou, Amar Ghoul a pensé à changer «le prestataire imprimeur» dudit document, mais à ce jour, il n'a pas réussi à le faire. Ce sont en tout cas certains de ces cadres qui l'affirment en soutenant que «le marché» reste bloqué. D'ailleurs, des indiscrétions du côté du Palais du gouvernement rapportent des propos que Ghoul a tenus il y a quelques jours à cet effet, en Conseil du gouvernement. Il a fait savoir, nous dit-on, au Premier ministre qu'il n'était pas d'accord de faire imprimer le permis à points comme déjà «dessiné», c'est-à-dire, expliquent nos interlocuteurs, «avec trois grands volets». Le ministre a trouvé que le document n'était pas «maniable». Il a même, toujours selon ces cadres, proposé de trouver «un juste milieu» entre le maintien du système régissant le document encore en vigueur et celui devant être introduit à travers l'adoption du permis à points. «On ne comprend pas pourquoi les responsables cherchent à tant compliquer les choses alors que c'est un document qui est en vigueur dans de nombreux pays étrangers, on n'a rien à inventer, on n'a qu'à copier le procédé», suggèrent nos sources. Si l'actuel ministre des Transports a déclaré, il y a à peine quelques jours, réfléchir à la forme que doit prendre ce permis à points et même à sa couleur, c'est que l'administration publique ne sait pas encore de quoi il en retourne. D'ailleurs, depuis plus d'une année, ses services excellent dans la délivrance des récépissés et la prorogation de leur délai d'utilisation. «Il n'y a pas un jour où je ne passe pas à la daïra pour demander si mon permis est prêt ou pas, mais on me dit toujours pas encore», nous dit un citoyen qui exhibe son récépissé datant de 2013. Une jeune fille s'est plainte, elle, de la file de personnes qui attendent pour se faire proroger ce fameux document à chaque fois qu'il arrive à expiration. «Je suis obligée d'avoir ce cachet miraculeux de la prorogation au niveau de la daïra parce que les policiers m'arrêtent souvent et ils me l'exigent», nous dit-elle. «Alors, comptez combien de fois j'ai fait la queue à la daïra pour le faire, ceci sur plus d'une année», ajoute-elle dépitée. Au fait, le contrôle quasi systématique des femmes au volant, notamment celles jeunes, au niveau des barrages de police et de gendarmerie, est devenu pesant tant il est fréquent. «Nous avons intérêt à avoir tous nos papiers, autrement ce sont les interminables questionnements parfois hors sujet», lâchent des femmes.

QUAND LE PREMIER MINISTRE VEUT MODERNISER L'ADMINISTRATION

Pour l'anecdote, on racontait, il y a près de deux années de cela, qu'interdiction a été donnée aux policiers de ne plus arrêter des femmes au volant au niveau des barrages de contrôle parce qu'un agent venait de le faire et est tombé sur la progéniture d'un grand responsable dans les arcanes du pouvoir. Résultats, l'agent s'est fait taper sur les doigts et les femmes ne devaient plus être embêtées «sauf pour cas de violation flagrante de la loi». Il semble que l'instruction a été levée. Mais ceci doit être une autre histoire de sexisme qui ne relève pas du seul fait de la police?

Le Premier ministre doit se mordre les doigts pour avoir pris une décision pour l'exécution et le contrôle de laquelle il n'a ni les hommes qu'il faut ni les moyens adéquats encore moins la culture. Ses promesses concernant la réhabilitation du service public, qu'il a faites dès sa nomination en tant que Premier ministre, n'ont pas été tenues. Les récépissés des daïras faisant foi. Ceci pour n'évoquer que le fameux permis à points, entre autres documents administratifs manquants. Autre préoccupation citoyenne, Abdelmalek Sellal devrait faire des tournées inopinées dans les hôpitaux pour jeter un œil sur le fonctionnement des urgences. C'est à en pleurer de désespoir. Au fait, annoncé par voie de presse il y a quelques semaines, le manque de plusieurs médicaments persiste. Le ministère de la Santé nous a rassuré que le problème sera réglé de suite. Mais l'on défie ses responsables de trouver une seule boîte de Stagid 700 (pour les diabétiques) dans une des pharmacies algéroises. Ceci est un test d'efficacité. Il ne sert à rien que le Premier ministre instruise son gouvernement pour moderniser l'administration. L'entrée de l'outil informatique n'a fait qu'alourdir les bourdes. Celles qui émaillent les documents d'état civil, là aussi, font foi.