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Parmi les rares pays au monde qui N ont pas de conseil de L ordre des vétérinaires : A quand L autorité vétérinaire «morale» en Algérie ?

par Salim Kebbab

Un membre du syndicat national des médecins vétérinaires fonctionnaires de l’administration vient de nous apprendre que l’Algérie est parmi les rares pays au monde qui ne possède pas encore un conseil de l’ordre des vétérinaires. Cette situation, unique au monde et contraire aux règles de l’éthique et de la déontologie envers le respect de l’animal et de la santé publique en général, pousse certains vétérinaires à se poser plusieurs questions.

Voulant savoir les raisons de cette situation, un vétérinaire exerçant à titre privé, qui a préféré garder l’anonymat, nous apprend que des «vétérinaires puissants et proches des centres de décisions au ministère de l’agriculture et du développement rural, se sont accaparées de la profession et font tout pour bloquer la création d’un conseil de l’ordre pour les vétérinaires. Ce sont généralement des vétérinaires qui travaillent avec de grands opérateurs économiques si ce n’est eux-mêmes qui détiennent une grande part du marché relatif à l’importation du bétail, de son alimentation et de ses médicaments ainsi que celui de l’agroalimentaire et de la transformation des aliments, nous confie-t-il. Ils n’ont rien à voir avec la médecine vétérinaire et la santé animale, tout ce qui les intéresse est le gain, s’offusque-t-il. Même l’ancien ministre de l’agriculture (le Dr Rachid Benaissa : ndlr) un des premiers vétérinaires de l’Algérie et qui normalement devait défendre la corporation ou du moins participer en facilitant les conditions pour la création de notre ordre, n’a malheureusement rien pu faire dans ce sens. Par un tel geste, il aurait pu marquer son passage à la tête du département de l’agriculture, remarque-t-il. Ils ne manquent pas d’interpeller l’actuel ministre de l’agriculture, M. Abdelouahab Nouri, pour que ce conseil puisse voir le jour.

Pour un autre médecin vétérinaire, il cite le cas des vétérinaires marocains et Tunisiens qui, lors de chaque congrès régional ou international, abordent le cas de l’Algérie. Nos voisins trouvent cette situation anormale puisque d’après eux, nous explique-t-il, elle constitue une contrainte lors de la prise de certaines décisions communes qui intéresseraient le Maghreb, telles que les épizooties transfrontalières ou la protection des espèces animales en voie d’extinction dans le Maghreb comme le fennec, la gazelle, l’outarde et le guépard. D’ailleurs, nous voulions soumettre des propositions concernant les textes en matière de législation vétérinaires à nos autorités, notamment l’inspection vétérinaire au niveau des frontières, mais il n’y avait aucune autorité «morale» du côté algérien, contrairement aux marocains, Tunisiens et même mauritanien.

En effet, il faut reconnaitre qu’à l’instar du conseil de l’ordre des médecins, des pharmaciens et des chirurgiens dentistes voire même celui des avocats et des architectes, un tel conseil pour les vétérinaires aura un droit de regard sur la santé animale ainsi que la pratique de la médecine et de la pharmacie vétérinaire et la création de cette assemblée, qui veillera sur l’éthique et la déontologie en sein de cette corporation, pourra surtout prêter main forte aux pouvoirs publics notamment lors des épizooties ou encore lors des intoxications alimentaires collectives, estiment nos interlocuteurs. En plus, ajoutent-ils, le conseil de l’ordre des vétérinaires pourra s’impliquer afin d’améliorer la politique nationale en matière de sécurité alimentaire des citoyens notamment la dépendance de l’Algérie envers l’importation des aliments d’origine animale (viande, poisson, lait) qui, de surcroit, n’arrêtent pas de saigner les caisses de l’Etat.

Par ailleurs, ce même conseil de l’ordre pourrait structurer la profession de médecine vétérinaire, partie intégrante de la santé publique qui, d’après ces mêmes spécialistes, vit une anarchie totale actuellement.

En effet, comme nous l’apprend un médecin vétérinaire exerçant à titre privé dans la wilaya de Mascara, le plus grave aujourd’hui est que l’éleveur se sert lui-même du médicament et d’autres produits destinés à la santé de l’animal. Il n’a pas besoin du vétérinaire pour traiter ses bêtes ou son élevage. Pour la volaille par exemple, dont la wilaya de Mascara est réputée, certains éleveurs achètent les médicaments comme dans une superette. Un conseil de l’ordre pourra mettre fin aux pratiques de certains vétérinaires qui ne respectent pas l’éthique et que seul le gain les intéresse sans se soucier de la santé humaine. Lorsqu’on injecte un produit, dont le délai d’attente avant abattage est de 15 jours, à l’animal destiné à la boucherie, le vétérinaire doit revoir le même animal au bout de ce temps. Il doit alerter les autorités si l’aviculteur a vendu commercialisé le ou les sujets, indique ce vétérinaire. Et de rajouter que des études médicales viennent d’incriminer la filière des médicaments vétérinaires dans la hausse du nombre de cas de certains cancers chez l’homme puisque des traces du médicament vétérinaire injecté à l’animal sont retrouvés dans les viandes (rouges et blanches) mais aussi dans les œufs et le lait que l’on consomme, alerte-t-il. D’où l’apport «moral» du vétérinaire pour conjurer les efforts de l’autorité responsable de cette profession !