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Réussir à réformer le système éducatif algérien

par Pr. Hassan Tsaki *

Réformer le système éducatif algérien n'est rien d'autre qu'arriver à faire adopter consensuellement un réel projet de société en Algérie ; ce qui semble faire défaut au pays depuis de très longues décennies, pour ne pas diredepuis le recouvrement de son indépendance.

Il faudrait peut-être , en préalable, préciser que La réforme du système éducatif ne peut être la panacée et expédients des seuls gestionnaires du secteur de l'Education nationale ou même des institutions de formation supérieure et de formation professionnelle réunies dans un cadre de vacation globale et complémentaire. La remise en question critique et réellement constructive de ce secteur appelle toute la société algérienne, citoyenne, politique et civile à prend part au débat et à se positionner clairement pour la mise en place d'un consensus et véritable socle d'achoppement institutionnel qui garantirait la durabilité, dans le temps, et l'efficience d'une réforme dans ce secteur essentiel de la vie d'une société et nation.        En termes clairs, réformer le système éducatif algérien, ne peut concerner seulement le ministère en charge de la gestion de ce secteur, mais toute la société algérienne dans ses multiples composantes et sensibilités politiques, économiques et culturelles.

Au passage, il faut reconnaitre à Mme Nouria Banghebrit, un courage intellectuel et politique et une indépendance d'action sans aucun précédent par rapport aux mœurs dont nous ont habitué ses anciens ou nouveaux collègues, pour avoir , dès son intronisation en qualité de Ministre de l'Education nationale, courageusement et volontairement engagé le débat, du moins pour ce qui concerne les prémices de celui-ci, en signalant d'emblée que le secteur connaissait une crise importante et multidimensionnelle. Cette disposition de véritable souveraineté chez un de nos ministres est honorable est salutaire et participera certes à unecrédibilisation de cette fonction qui a été souvent été entachée de servilité tout le long des derniers et successifs exécutifs gouvernementaux algériens.

A-t -elle bénéficiée d'un quitus ou chèque en blanc préalable à son initiative ? La question reste posée et l'avenir nous le confirmera ou pas ! Toujours est-il, qu'un tel engagement pris, avec ou sans autorisation de qui de droit, constitue déjà à son actif de Ministre un louable état de service, du moins, une volonté honorable et véritablement respectueuse, et à la hauteur, de la fonction qu'on est en droit d'attendre d'un chef de département ministériel algérien.

L'Ecole ou, ce qui est appelé communément aujourd'hui, le Système éducatif englobe véritablement tout ce qui va participer à la formation, construction et cristallisation de la société en avenir c'est-à-dire celle qui sera de fait dans la vie active dans 15 ou 20 ans Et ce, sur les plans et déterminants citoyen, politique, économique, culturel, cultuel et même idéologique. L'Ecole, n'est rien d'autre que la ''Fabrique''ou le Logiciel qui ''formatera''des citoyens accomplis dotés du sens de leurs responsabilités collectives et solidairesleurs permettant d'accepter et de réaliser l'exercice de leurs obligations autant que de jouir de leurs droits. Selon , ses constantes et leurs prolongements , elle contribuera à former soit de véritables citoyens responsables ou, bien, des sujets exempts de part de souveraineté dans l'émanation et l'exercice des pouvoirs politique, et exécutif qui font la bonne marche et la vie de la nation.

L'ECOLE EST LE CREUSET, ET VERITABLE MOULE, DE FORMATION DES INDIVIDUS ET DE LEURS INSTITUTIONS FUTURES DE FONCTIONNEMENT REPUBLICAIN

En un mot, l'Ecole est le creuset, et véritable moule, de formation des individus et de leurs institutions futures de fonctionnement républicain de la société de demain.

Et si, aujourd'hui , on reconnait officiellement, la crise multidimensionnelle que connait ce secteur, il faudrait rappeler ,que jusqu'à nos jours , on n'a pas osé mettre sur le tapis cette question et la traiter, par de nécessaires débats aussi publics qu'élargis à toutes les sensibilités de la société, d'une manière aussi responsable, transparente que démocratique pour une réelle efficience en vue de parfaire l'édification d'une nation forte et de renouvellement qui puisse résister au temps, aux hommes et aux conjonctures et influences de l'extérieur.

C'est dire la complexité, sensibilité et les multiples implications du débat qui s'impose à nous ; faisant ainsi une suite logique à ces premières assises de l'Education nationale entamées le 20 et 21 Juillet 2014 au Lycée de Mathématiques de Kouba (Alger).

Continuer, plus d'un demi-siècle après le recouvrement de l'indépendance et la restauration de l'Etat algérien, à escamoter, colmater au jour le jour les brèches de ce système éducatif qui a montré ses limites ou différer un tel débat toujours à plus tard, bien que celui-ci reste aujourd'hui impératif au développement même de la société algérienne, pour des considérations pseudo-unitaires ou sécuritaires, serait une pure fuite en avant qui ne contribuerait point à l'épanouissement et protection de la nation algérienne dans l'avenir, mais plutôt à sa régression programmée, l'exposant , ainsi, aux aléas du temps et des hégémonismes multiples portés aujourd'hui, çà et là, par les soubresauts effectifs ou potentiels de la mondialisation et globalisation.

Que seront nous demain, et qu'adviendra-t-il de notre nation algérienne, si on continue, consciemment ou inconsciemment, à ne pas préparer clairement et consciencieusement nos enfants et générations montantes par une Ecole, des universités et des formations professionnelles efficientes et, surtout, en adéquation avec les exigences du 21ème et 22ème siècle ?

" Vos enfants, ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même " avait enseigné au peuple d'Orphalèse, Khalil Jibran Khalil par la bouche de son sublime personnage El Mustapha. Et précise-t-il, un peu plus loin,vous êtes les arcs, par qui vos enfants, comme des flèches vivantes sont projetées. (?) l'Archer voit le but sur le chemin de l'infini.

De même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'Arc qui est stable".

Comment réussir à faire du système éducatif algérien un Arc stable, juste, innovant et surtout égalitaire qui projetterait les générations montantes vers un avenir radieux, prospère et épanouissant pour tous.Là, est la Question, qui se pose à nous tous aujourd'hui, et avec la plus viveacuité, vu l'état du secteur face à l'importance des enjeux futurs.

NON, A UNE ECOLE «GARE DE TRIAGE» ET DE REPRODUCTION SOCIALE

Le système éducatif et de formation algérien a, aujourd'hui, tendance insidieusement à devenir un système de reproduction des couches sociales en place au lieu d'être un véritable ascenseur social, démocratique et égalitaire.

Nous devons, à tout prix, éviter que le système éducatif national , cesse d'être le moyen autant juste, moral que légal de réelle promotion sociale, pour redevenir, comme par le passé précolonial et colonial, une simple Gare de triage où les pauvres reproduisent des pauvres et les privilégiés, des privilégiés !

Aussi, devrons-nous persister à privilégier et à construire, un système éducatif et de formation, bâti sur l'économie de la connaissance et des savoirs plutôt qu'un système tributaire de la répartition de la rente, comme cela a tendance à se faire aujourd'hui.

En effet, ce ne sont pas les valeurs de réelles qualifications et de compétences qui sont aujourd'hui les vrais critères de recrutement des diplômés, mais, le plus souvent, il faut le reconnaitre, bien d'autres aspects et considérations qui rentrent sournoisement en ligne de compte et s'avèrent même décisifs, entre autres, le relationnel, la communauté d'intérêt, la filiation et les puissances d'influence dont disposent généralement les couches sociales privilégiées.

Faudrait-ilvraiment signaler, cette évidence d'aujourd'hui, qui fait que les enfants des couches bourgeoises, aisées ou technocratiques ne connaissent pas de problèmes de recrutement dans les services et institutions publiques.

Les diplômés-chômeurs concernent plutôt les personnes d'origine modeste sinon socialement précaire. Afin de pouvoir corriger ces disfonctionnements injustes et contre-productifs pour le pays, Il nous faudrait, sans susceptibilité ni fausse complaisance, oser mener des enquêtes et études sociologiques sur ces situations et phénomènes de ségrégation sociale et inégalitaire à la formation et à l'emploi sinon notre système d'éducation et de formation continuera à perdre en crédit, en moralité et en éthique, ce qui est, malheureusement, le cas aujourd'hui. En effet, le système éducatif et de formation s'est progressivement glissé de l'institution de préparation à l'économie du savoir et à l'exercice de réelles qualifications et de compétences vers un système hors champs économique figé en une simple structure diplômante (et seulement émettrice de diplômes !) donnant un moyen d'accession sociale au statut de rentier ou de pensionné du système de la rente économique pour ne pas dire, plus précisément, de la rente uniquement pétrolière. Que serons-nous, et que deviendraient nos enfants, dans 20 ou 30 ans, quand ces gisements, qui font la rente globale d'aujourd'hui, ne suffiraient qu'à répondre à la demande énergétique nationale en progression.

Le cas des salaires de pré-emploi sont là pour attester ce genre de disfonctionnement et de dérive économique particulièrement grave pour un pays riche de sa jeunesse et de son réel potentiel non qui reste non valorisé mais tué dans l'œuf ! Cinquante-deux ans, après la Révolution de Larbi BEN M'HIDI qui rêvait sereinement et légitimement de nous doter d'avions et non de couffins vides ou de mains tendues, notre pays et système éducatif et de formation ''fabrique'' essentiellement des Assistés et Pensionnés de la rente !

Faudrait-il, pour terminer en guise ou mode d'électrochoc, nécessaire de nos jours à une prise de conscience citoyenne générale de l'état préoccupant de notre système éducatif et de formation qui nous impose impérativementà revoir sérieusement notre copie pour une utile et véritable refonte du système et de notre stratégie nationale en la matière, serait de s'amuser à rechercher ou deviner, à travers le millier de laboratoire de recherchesagrées et en fonctionnement sous perfusion budgétaire publique depuis bientôt quatorze années pour certains, lesquels ou combien d'entre-eux arrivent vraiment et réellement aujourd'hui à s'assumer financièrement et moralement par leurs propres travaux, brevets ou prestations?

Faudrait-il, encore, préciser, pour le contexte évoqué, qu'il s'agit là, des personnes les plus accomplies et diplômées de notre système d'éducation et de formation. D'où, une légitime interrogation : A quand, encore, la société de la connaissance et de l'économie des savoirs ?

* Université d'Oran