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Gaza : Israël veut détruire définitivement le Hamas

par Pierre Morville

Netanyahou : «Nous nous préparons à une longue campagne». Quel qu'en soit le coût humain pour les Palestiniens.

Gaza ou Gazza en araméen, signifie la forte, la forteresse Aujourd'hui, la ville est en ruine. Hier, alors que l'armée israélienne entamait sa quatrième semaine d'opérations, on décomptait plus de mille deux cents Palestiniens tués et plus de sept mille blessés depuis le début de l'opération israélienne « Bordure de protection » dans la bande de Gaza. Pendant la même période, trois civils et cinquante-trois soldats israéliens sont morts, le bilan le plus sérieux depuis la guerre contre le Hezbollah libanais en 2006 (118 soldats israéliens tués).

Alors que l'intervention militaire d'abord purement aérienne est devenue une intervention terrestre, le 1er Ministre Benyamin Netanyahou l'a répété le 28 juillet : « une longue campagne » se profile pour « achever l'objectif de l'opération : détruire les tunnels ». Mais cet objectif n'est plus, désormais, que « la première étape et la plus cruciale pour la démilitarisation de Gaza ». Or les coups portés aux capacités opérationnelles du Hamas n'ont pas permis, en vingt et un jours d'opérations, d'imposer le « calme pour le calme ». On appréciera la manière israélienne d'imposer le « calme »?

L'opération « Bordure de protection » s'engage donc pour être l'une des plus longues opérations militaires externes d'Israël : la guerre de 1967 avait duré « six jours », la guerre de Kippour en 1973, 22 jours, La Deuxième guerre du Liban a duré 33 jours et l'opération « Plomb durci » contre Gaza en 2009, 21 jours avec 1314 morts palestiniens et 13 morts israéliens. Seule exception, la 1ère guerre du Liban qui dura de 1975 à 1991. Elle couta un milliers de morts aux Israéliens et 150 000 aux Libanais et Palestiniens.

A Gaza, quelques trêves humanitaires ont bien été annoncées mais elles n'ont duré que de brefs instants. Il n'existe aujourd'hui aucune possibilité de cessez-le feu à moyen ou long terme. Les civils continueront donc de mourir.

Sur le plan militaire pourtant, « la phase actuelle de la guerre est épuisée, constate le commentateur israélien Yossi Melman, l'armée de l'Air israélienne a de moins en moins de cibles significatives à bombarder. L'objectif déclaré de l'opération terrestre était d'éliminer la menace des tunnels ?offensifs? menant en territoire israélien. Cet objectif a été atteint. L'armée a découvert 32 tunnels et ils ont tous été détruits ou le seront bientôt. Il y en a peut-être davantage, même quelques tunnels supplémentaires ne sont pas une raison suffisante pour continuer de faire couler le sang ».

Israël a conquis une bande de terre large de 1 à 3 km, la moitié de l'arsenal de roquettes du Hamas aurait été soit déjà utilisé, soit a été détruit entre 200 et 500 combattants, tués.

Pour l'ancien journaliste du Haaretz, c'est le moment des choix, « le risque est le suivant : plus Israël se maintiendra à Gaza sur des lignes statiques, plus grand sera le risque d'opérations coup de poing du Hamas et de pertes israéliennes. Israël pourrait se retrouver de plus en plus ensablé dans les dunes de Gaza. C'est le bon moment pour réfléchir rapidement à une stratégie de sortie ».Yossi Melman, pour qui la poursuite de l'opération comportent beaucoup plus de risques que de gains potentiels, suggère qu'Israël pourrait reprendre à son compte l'idée proposée par le sénateur américain George Aiken dans les années 1960 concernant le fin de la guerre du Vietnam : « Déclarons la victoire et ramenons nos troupes à la maison », suggérait à l'époque l'élu du Vermont.

«UN A DEUX ANS D'OCCUPATION»

Ce n'est pas du tout l'option prise actuellement par le gouvernement Netanyahou. Yuval Diskin, ancien responsable du Shin Bet et conseiller écouté, dessine ce que serait la véritable orientation du pouvoir israélien : « Israël a la possibilité de poursuivre et même d'élargir l'opération au sol dans les zones peuplées, où se cachent les dirigeants du Hamas et les lance-roquettes. Une telle pression militaire pourrait réduire considérablement et même stopper les tirs de roquettes de façon significative, et créer plusieurs options pour mettre fin à la crise, allant jusqu'à une occupation totale et un nettoyage de la bande pour mettre fin à l'opération dès que le Hamas commencerait à sentir la pression et accepterait d'arrêter les hostilités. Une telle opération pourrait être menée en deux étapes : la première serait la prise de contrôle du territoire, qui pourrait durer plusieurs semaines ; la deuxième étape serait le nettoyage de la zone, dans laquelle nous pourrions neutraliser des terroristes et les tunnels, ce qui peut pourrait durer entre plusieurs mois et une ou deux années ». L'ancien responsable du service de renseignements israélien reconnait « qu'une telle initiative aura un prix très douloureux en pertes humaines » et que « le crédit international relatif dont l'État d'Israël bénéficie aujourd'hui peut s'évaporer rapidement ». Mais «Israël devra se montrer résolu et poursuivre son opération, et même occuper la bande de Gaza et détruire le Hamas ». Opération difficile sauf à tuer beaucoup, beaucoup de civils.

Quand aux puissances occidentales, elles « déplorent ». Et l'ONU a comme d'habitude, lancé une commission internationale « d'urgence » pour enquêter sur l'offensive israélienne. Plus tôt, le haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Mme Navi Pillay, a exprimé ses craintes quant à la possibilité qu'Israël commette des crimes de guerre dans la bande de Gaza. Mais l'on connait l'extrême attention portée par Israël à la centaine de résolutions de l'ONU condamnant ses pratiques depuis plusieurs décennies?.

Hier matin, à l'aube, au moins vingt Palestiniens réfugiés dans une école ont été tués mercredi 30 juillet lors d'un bombardement, certainement très sélectif. Il s'agissait d'un abri de l'ONU, situé dans le camp de Jabaliya.