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L'ANP est-elle une armée à craindre ?

par El Yazid Dib

L'Algérie est-elle vraiment menacée comme le chuchotent certaines sources étrangères ? Un vaste complot se dessine-t-il à son égard à travers la commercialisation d'un printemps algérien ?

Son statut géopolitique, les défis militaires et énergétiques ainsi que les multiples enjeux géographiques et démographiques font qu'elle constitue un axe important pour toutes les résolutions régionales. Elle attise les convoitises et fait nourrir les desseins malséants. L'Armée Nationale Populaire (ANP) est positionnée comme étant dans un classement général des puissances militaires mondiales la 31e dans le monde et la 2e armée d'Afrique. Ce classement se basant sur des critères spécifiques est réalisé par (GFP) Global Fire Power. D'habitude l'Algérie suscite très peu d'intérêts. Voilà que suite à une transformation radicale de la région dans ses paysages politiques, les yeux, les analyses, les classements et avec en évidence un intérêt grandissant commencent à s'y intéresser crument.

Avec un pourtour frontalier des plus provocateurs, des guerres un peu partout et à portée de jumelle, une politique nationale qui prête à explosion ; le pays n'est pas bien loti dans la case de pouvoir dormir sur ses oreilles. L'œil est à la vigilance permanente. Autant que le Tunisie s'apaise lentement et s'acharne à aller au devant des mauvaises choses, la Lybie s'affole et s'embrase. Le Sahel, poudrière non encore élucidée vient chaque jour confirmer le rôle prépondérant assigné malgré elle à l'Algérie. N'était-ce cette perspicacité ; la situation malgré l'effort timide des uns et l'involontarisme des autres aurait été plus dramatique et davantage complexée. L'Algérie est devenue, depuis l'indépendance du Sud Soudan, le 9 juillet 2011, le plus vaste pays d'Afrique de par la superficie.

Il est le deuxième pays arabe le plus peuplé après l'Égypte et partage ses frontières avec sept pays voisins (Libye, Maroc, république sahraouie, Mauritanie, Mali, Niger et Tunisie). Cette immensité territoriale densifie davantage le rôle de l'armée algérienne à sécuriser l'ensemble du pays. C'est à juste titre, par-devant la réplique des menaces et l'implantation du terrorisme d'Al-Qaïda sur son aile Sud (le Sahel), qu'elle s'est mise dans la permanence d'une vigilance accrue. Objectif fondamental : la défense du pays contre toute atteinte à son intégrité territoriale.

Ce qui allait accroître encore l'appréhension de cette menace, c'était assurément le conflit libyen. Les groupes de rebelles, dotés anarchiquement d'armes et de moyens de guerre, par la France, l'Italie et autres entités européennes, sont devenus pourvoyeurs de dangers. Le brouillard et l'anarchie qui sévit encore en ce pays constituent non seulement pour l'Algérie mais aussi pour les autres pays limitrophes, un risque permanent tant des armes de valeur destructrice circulent librement. L'Algérie, dans un passé récent, lors de la guerre des sables, eut à connaître un nuage agressif. Sans la mobilisation de ses énergies alors naissantes, sans l'engagement inébranlable de son armée sur le qui-vive, le pays aurait connu quelques sérieux démêlés.

Apres la participation de trois soldats algériens dans les festivités françaises le 14 juillet en cours, au lieu d'atténuer les réticences et les ardeurs alambiqués d'un climat déjà instable ; on l'exacerbe. Les juges français qui ont demandé dans un passé récent aux autorités algériennes de pouvoir enquêter sur place, sur une affaire qui est maintenant une affaire judicaire purement nationale, ne reculent pas. Elle était pourtant en son temps une opération d'authenticité de la souveraineté nationale. Un drôle de questionnement est venu quelque temps après pour l'on ne sait quel motif, frôler le sentiment national tentant au nom des principes du « droit international » de remettre sur le tapis une affaire vécue il y a plus d'une année. La France hardie croit jumeler Tiguentourine aux moines de Tibhirine pour donner de la bonne rime à l'affaire. Libérer tant d'otages, abattre tant de terroristes qui ont assassiné tant de personnes, n'est pas une équation difficile mais n'est-ce pas là un bilan professionnellement positif ? C'est la résultante d'une expérience. D'une icône. D'un déterminisme. L'ANP. Initialement armée populaire vouée à la libération, elle se transformera, avec doigté et dextérité vers la fin de la guerre de libération nationale, en une authentique armée de métier constituée de compétences, de corps d'élite et d'une solide expérience. De ce fait, et lorsque l'Etat s'est trouvé menacé dans ses fondements par les actes subversifs perpétrés par les groupes terroristes, l'ANP a été aux premières lignes de la lutte pour restaurer et maintenir la sécurité, la stabilité du pays et préserver la République et les institutions étatiques. Concomitamment, l'institution militaire a poursuivi dans un élan studieux la mise en œuvre du vaste programme de modernisation dans lequel elle s'est engagée pour répondre aux exigences de la défense nationale et être au diapason des armées modernes. Elle ne s'est point basée sur la dépense publique seulement comme le prétend le site en question, mettant ainsi hors circuit d'appréciation la compétence humaine et managériale des officiers algériens. Avant l'attaque des tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001, la notion de terrorisme n'avait pas la même définition. Les grandes puissances, l'opinion officielle internationale en faisaient un menu fretin, croyant à un brin local de révolte ou de soubresauts fiévreux d'ordre politique interne. L'Algérie ne cessait de déployer par preuve et conviction le caractère transnational de ce fléau, ses capacités de nuisance, sa connexion directe avec le trafic de drogue et les stupéfiants et son aptitude à frapper à tout moment et en tout lieu. Devant ces menaces constantes, l'Algérie commençait, par le biais de son armée, à exporter l'expérience acquise dans la lutte antiterroriste et l'ingénierie militaire et à contraindre à la réduction de ce potentiel criminel.

L'intérêt géopolitique, qui tend de plus en plus à gérer un monde par souci de domination, augmente au fur et à mesure que s'accroissent les convoitises stratégiques. Hier n'est pas aujourd'hui. La guerre pure et dure s'est raréfiée au profit d'une autre plus sournoise et fangeuse. Nonobstant quelques relents militaires encore en cours dans certaines régions, au nom d'une légitimité internationale trop controversée, la justification est loin d'être une conquête à un espace territorial. Les batailles des territoires étant révolues.

L'Algérie, apparaissant aux yeux du monde de par son héroïque histoire comme un symbole de la lutte pour l'autodétermination des peuples et de la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, n'est pas indemne des tentatives de déstabilisation. Enfin cette affaire de prise d'otages vient confirmer l'exercice de la souveraineté entière de l'Algérie sur son territoire. La menace est toujours de mise. Celle-là pourrait bien provenir de ces espaces ouverts aux mines confessionnelles et ethniques qui s'élèvent comme une poudrière.

L'exclusion à plusieurs formes reste une épreuve fort pénible à faire vivre à des pans de populations qui se sentent marginalisés ou carrément mis à l'index. De là se nourrissent les violences les plus aveugles et qui peuvent à la longue constituer un bon détonateur à une implosion sociale. Ghardaïa en demeure un exemple édifiant.

De nouvelles menaces de niveau stratégique apparaissent, telle la prolifération des armes nucléaires, bactériologiques, chimiques et balistiques, la grande criminalité organisée, le blanchiment d'argent, le financement des activités terroristes et leur soutien, la liaison connexe avec la drogue et les réseaux mafieux, l'immigration clandestine, les rapts, sont des créneaux potentiellement sérieux déjà pris en charge. Alors que viennent faire dans ce classement les critères de la grosse dépense publique ou des ressources en hydrocarbures dont dispose le pays ? N'a y-t-il pas là un certain dédain à bon escient ?

La presse française, relais classique d'un certain conglomérat toujours en porte à faux avec les émérites défenseurs acharnés de l'autonomie nationale et son corollaire de souveraineté, veut plus d'une année après l'événement fourrer son nez là où il ne faut pas. L'Algérie n'est ni le Mali, ni l'Afrique centrale. L'ère des colonies façon infanterie est révolue.

L'excès de patriotisme protège mieux l'indécision sentimentale. Il est une assurance réfléchie à l'égard de ce que l'on aime et l'on voudrait sauver et sauvegarder.

L' « Autorité de Gestion Sécuritaire » est virtuellement un organe unique de haute délibération. C'est une option qui s'est mise à jour dans des conditions extrêmement difficiles au point de vue de la décision à prendre. L'enjeu à l'époque n'était pas un simple jeu de stratégie mais s'inscrivait droitement dans une énergie radicale pour en finir à jamais avec l'hésitation qui ne pouvait avoir lieu en de telles circonstances. L'assaut final de Tiguentourine, chez les stratèges mondiaux a été une prouesse indéniable, au moment où chez les autres, envieux, antagonistes semblait excessif. La riposte à l'égard de cette option « AGS » n'est venue un peu contestataire que pour dévaloriser une marque déposée dans la vraie gestion des situations de crise. Elle tire, cette marque ses origines des lointaines luttes successives ancestrales qu'un certain premier novembre avait labélisé pour l'éternité ! L'option (AGS) unique au monde est une algérianité, une théorie patriotique mise en pratique par un homme pétri de courage, de nationalisme et de détermination.

L'acharnement à vouloir coûte que coûte terminer l'opération printanière arabe qui ne devrait à son origine épargner nul pays, y compris l'Algérie s'aiguise de jour en jour. Les tambours sont en constant éveil. . Ne dit-on pas que la guerre est un acte de violence qui tend à pousser l'ennemi à se plier aux ordres de son adversaire ? L'armée américaine en Irak en Afghanistan ou ailleurs a bien tenu à amadouer avec des chocolat et un large sourire les populations autochtones ? Les troupes françaises, que l'algérien connaît bien durant un siècle et demi, sont allées au mali faire des randonnées pédestres main dans la main avec les groupes qui leur sont hostiles ? Alors si l'on veut interdire à l'armée algérienne de défendre son sol, pourquoi ne le fait-on pas pour les autres ? Ces pays du golfe qui se découvrent après tant de léthargies des bons offices et s'installent comme interlocuteur exclusif dans la région ne nous ont pas dans le cœur. Pourtant notre soutien était sans failles pour les tout le Moyen-Orient, nous étions toujours à côté des palestiniens, syriens, libanais irakiens, tunisiens, libyens et autres?le contraire hélas n'est pas vrai, nous avions vécu seul notre calvaire décennal.

Par des relais, par des raccourcis, par des croisements d'intérêts ; l'acharnement jalousant se poursuit. A défaut la machine médiatique s'est mise en marche. Plusieurs journaux et chaines se sont alignés sur le plan de « résurrection de l'affaire Tiguentourine ». Des témoignages aux aveux de survivants, des fantasmes livresques sont mis en relief, par la parution d'un livre hypothétique ne disant pas ses arrière-lignes fantastiques. L'essentialité était de voir l'Algérie se plier au desideratum de corporations pétrolières afin de mieux cerner l'emprise des sites et partant favoriser l'installation d'une défense privée qui aurait en plus de la garde classique du site autre chose à faire. Surveiller le mouvement de l'armée algérienne. C'est ainsi qu'il y est dit «Et il y a aussi plein de zones d'ombre sur les conditions dans lesquelles les otages ont été exécutés, l'intervention de l'armée algérienne était assez musclée... Les familles doivent savoir ce qui s'est passé, pour faire leur deuil «, affirme Murielle Ravey lourde de sens cette pseudo-inquiétude quant à « l'intervention musclée de l'armée algérienne » c'est si comme une armée est faite pour jouer aux billes.

A une échelle réduite ou du moins en termes d'appréhension inquiétante ; le 11 septembre frappe quotidiennement à toutes les portes, sur les monts, les routes et ensanglante les douars et les dechras. Il dure chez nous depuis une vingtaine d'années. Ou étaient ces chantres antimilitaristes, ces Etats soucieuses des vies privées quand des algériens mourraient par centaines ? Qui a instauré la suspicion et semé le doute avant de jeter le discrédit sur nos forces de sécurité en charge de lutter contre le terrorisme, par cette foutaise de « qui tue qui ? ». Ainsi la question n'est plus à poser, c'est la réponse préétablie qui doit convaincre. La médiation entre le besoin sécuritaire qui présente à tous les niveaux des risques d'instabilité et des menaces territoriales et le respect de souveraineté imprescriptible et égal à tous les Etats, ne devait point faire dans les deux poids (pays) deux mesures (méthodes). La soumission à la domination internationalisée à contre sens historique, est subie plus par crainte que par adhésion au projet visant à éradiquer le terrorisme de la sphère terrestre.

Le Centre Français de Recherche sur le Renseignement affirme dans un récent document sur l'évolution de la politique de défense algérienne : « Aujourd'hui, l'Algérie est consciente que la persistance de l'instabilité régionale et la nature changeante de la menace exigent de mettre à niveau ses forces conventionnelles et de mettre en adéquation leur capacités opérationnelles avec l'usage d'équipements sophistiqués et la conduite des futures missions ». Désormais, renforcer la flexibilité, la mobilité et le déploiement rapide lors des opérations de contre-terrorisme, est devenu la principale priorité de la doctrine de défense de l'Algérie. Les autorités ont donc été amenées à faire preuve d'un plus grand pragmatisme dans leur stratégie d'acquisition d'armements, en diversifiant les fournisseurs, et en ciblant des matériels et des systèmes technologiques de pointe. C'est ça en somme cette armée algérienne qu'il faut craindre.