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Malgré d’importants investissements, la menace hydrique plane encore

par Aymen Zitouni

Malgré les assurances du ministre des ressources hydriques, M. Hocine Necib, à la veille de la saison estivale, que des mesures ont été prises pour assurer un bon approvisionnement en eau potable, la distribution connaît encore de sérieux problèmes.

Selon les chiffres rendus publics cette semaine par Hocine Necib, 75% des Algériens ont accès à l'eau quotidiennement, dont 24% 24h/24h, 16% un jour sur deux et 9% un jour sur trois. Mais la saison estivale est venue rappeler que le spectre des pénuries d’eau frappe encore dans de nombreuses régions du pays. Même la capitale, qui dispose des ressources hydriques abondantes (barrage de Taksebt, stations de dessalement, forages d’appui), avec une gestion assurée par l’entreprise française Suez, n’a pas été épargnée cet été. Des régions de l’intérieur du pays n’ont pas d’eau courante depuis des semaines. La frustration des populations donnent parfois lieu à des émeutes de «l’eau».

30 NOUVEAUX BARRAGES EN PROJET

L’Algérie peut certes s’enorgueillir d’avoir réalisé les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations unies en 2011, dans son volet eau potable, mais cela ne concerne que les raccordements (avec un taux de 95 %). En matière de mobilisation des ressources hydriques, l’Algérie a réalisé près 40 barrages au cours de ces 15 dernières années, tandis que le nombre de stations de dessalement d'eau de mer a été porté à 9, avec une capacité cumulée d'environ 1,5 million de m3. Le gouvernement compte poursuivre cette politique de réalisations dans les années à venir, avec pas moins de 30 nouveaux barrages totalisant une capacité de près de 1,5 milliard de m3, inscrits dans le plan quinquennal 2015-2019.

Les ressources hydriques disponibles et mobilisables en Algérie sont estimées à 19,2 milliards de m3, dont 12 milliards de ressources superficielles, et 2 milliards de ressources souterraines dans le Nord, et 5,2 milliards de m3 dans le Sud (superficielles et souterraines).

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE

Aux projections optimistes du gouvernement, basées sur la réalisation de nouvelles infrastructures d’exploitation de l’eau, l’avenir «climatique» de l’Algérie oppose une autre réalité. L’Algérie étant située dans la région où l’indice de changement climatique est le plus élevé au monde, selon le Groupement international des experts sur le changement climatique (GIEC), des hausses de températures de 2 à 4° ainsi qu’une baisse de la pluviométrie de 4 à 30 % sont prévues à l’horizon 2050. Et par ricochet, une baisse significative des ressources en eau est prévue. Les bassins d’Algérie seront les plus touchés, selon le GIEC qui estime dans son scénario le plus pessimiste une diminution de plus de la moitié des ressources en eau.

La croissance démographique et urbaine ainsi que celle de la production agricole devraient accentuer la pression sur cette ressource vitale. Une augmentation de la demande jumelée à des ressources limitées aura des impacts en termes de disponibilité. La Banque mondiale estime que la disponibilité de l’eau par habitant baissera de moitié en Méditerranée en 2050.

Selon des chiffres publiés par l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPMED), la disponibilité de l’eau par habitant passera de 527 m3/habitant en 1997 pour une population de 28.1 millions d’habitants à 313 m3 en 2025 pour une population de 47.3 millions d’habitants.

RATIONALISER LA RESSOURCE HYDRIQUE

Au-delà de la stratégie du gouvernement axée sur la mobilisation de ressources hydriques et leur diversification, l’Algérie devra faire beaucoup d’effort en matière de rationalisation de la ressource hydrique. Le gouvernement devrait faire face aux défis du gaspillage, induit par le problème des fuites d’eau en raison de la vétusté du réseau de distribution, et un prix subventionné de l’eau qui ne permet pas aux ADE de couvrir les dépenses d’exploitation. Devant cette situation, investir lourdement encore et toujours dans la mobilisation des quantités supplémentaires d’eau serait vain et contreproductif pour le secteur.

Le gouvernement devra aussi définir une stratégie d’allocation des ressources hydrique pour l’irrigation qui prend une dimension très importante en termes de mobilisation de l’eau, en augmentant notamment l’utilisation des eaux usées épurées, souvent rejetées dans la nature. Selon la Banque mondiale, l’agriculture accapare 65 % des ressources hydriques disponibles en Algérie.

L’autre grand défi du secteur sera l’amélioration de la gestion et la distribution de l’eau qui a subi une nouvelle orientation. Après l’avoir confiée à des entreprises étrangères, la gestion déléguée a été convertie en «gestion technique» avec des partenaires étrangers. Une décision prise après les insuffisances constatées dans l’ancienne formule.