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Et que perdure l'esprit de la gagne !

par Abdelkader Khelil *

Quelle arrogance ! Ils ont osé porter la barre au plus haut niveau de la performance du huitième de finale de la Coupe du monde, ces " guerriers du désert " comme nous aimons les appeler ! Si cela nous a plu et nous a réjoui tout à la fois, c'est que la hargne de la gagne a été cette fois-ci au rendez-vous ! Fini ce petit tour laborieux du rituel obsessionnel de la langue tirée, et puis s'en vont !

L'image de victoire inachevée, véhiculée depuis (32) ans comme un signe indien, a été effacée par les " gladiateurs " du " one-two-tree " viva l'Algérie, ces jeunes " fennecs ", à maturité pourtant pas tout à fait totalement accomplie ! Gloire à vous, enfants de mon pays ! La sueur de vos maillots imbibés a empli durablement nos cœurs de joie et de bonheur ! Vous êtes notre fierté et la meilleure expression de l'honneur préservé d'une nation, en ces temps de vaches maigres.

QUAND LES JEUNES INDIQUENT LA VOIE !

Merci aussi, pour nous avoir indiqué à votre manière, la voie du sérieux qui tranche avec celle de ces ainés peu raisonnables et avides de pouvoir, qui s'offrent en spectacle, non pas comme vous, pour la course derrière un trophée à offrir à tout un peuple, mais plutôt pour accéder par la force des muscles, par la violence et par la salive copieusement déversée, à un strapontin dans une arène de " fauves ", alléchés par l'odeur de la rente et sa déclinaison en une multitude de privilèges.

Oui ! Fennecs du désert ! Vous êtes tout à l'opposé de ces " canassons " pitoyables, de ces gens manipulateurs par vocation, qui retardent l'émancipation de notre société et s'entre-déchirent en portant atteinte à l'ameublement de cet hôtel " Aurassi " récemment relooké qui les abrite le temps d'une " messe " à huis clos et de la cogitation d'un coup fourré pour nuire à la partie adverse de ces frères ennemis, pourtant nourris du même sein et abreuvés d'une même idéologie, qui fait de ses adeptes, des planqués dans la proximité du " mangeoire " et des sphères distributives. Cette joie n'est pas la votre, esprits maléfiques et saprophytes ! Honte à vous, troubles fête de mauvaise augure !

Elle est celle de cette jeunesse qui est allée la chercher au pays de la samba, au prix d'un voyage éreintant, d'un déficit de sommeil, d'un risque majeur dans les ruelles peu rassurantes des favelas pour ceux qui s'y aventurent, d'une angoisse et d'un stress difficilement supportables dans des gradins chauffés à blanc, entonnant haut et fort l'hymne national, rythmé par le frémissement de notre étendard porté par un vent juste caressant, dans le ciel brésilien qui nous a porté bonheur, en mettant la chance de notre côté ! Quelle belle image, que celle de ces gradins totalement dédiés à la mixité des genres et à la beauté de ces filles de mon pays venues d'ailleurs, dans leur accoutrement bariolé en tricolore, comme pour nous dire : " nous sommes cette autre " moitié-Algérie " d'outre-mer sur laquelle vous devriez compter, chaque fois que sollicitée pour servir une bonne cause, celle de l'Algérie éternelle qui fait courir les foules, de continent à continent " et non d'hôtel à hôtel sur les hauteurs d'Alger, où naissent et se développent les magouilles. Oui ! Qu'importe leur double ou triple nationalité, ils sont les enfants de cette Algérie qui a tant besoin de sa diaspora, pour oser accomplir d'autres victoires hautement plus significatives, pour le bien-être et la prospérité de la collectivité nationale, en faisant taire à jamais, ces bagarreurs qui n' apportent rien à ce pays-continent, qui a besoin d'un peu de génie et de beaucoup de labeur.

Cette victoire est aussi, celle de ces palestiniens de l'économie souterraine des tunnels de la mort, de ces braves " taupes " du sous-sol au peu d'oxygène, qui s'ingénient à approvisionner leur peuple meurtri au plus profond de sa chair. Ils ont pleuré de joie pour souligner fortement leur arabité et leur appartenance à l'esprit guerrier, fusse t-il symboliquement sur un terrain brésilien gazonné, et ce, malgré leur souffrance et leur misère collectives.

Bien d'autres arabes et africains outrés par le carnage des hordes sauvages salafistes et autres boko-haram, ceux sont identifiés dans cette victoire qui est celle de ce frère qui leur fait honneur, en apaisant quelque peu, leurs peurs et leurs angoisses. Cette communion est le fait de la magie du foot qui procure tout à la fois, de la joie aux uns et de la tristesse aux autres. Il donne bien des satisfactions aux désespérés et aux laissés pour compte, dans le monde cruel d'aujourd'hui, fait de pertes et de profits, dans une sordide comptabilité du plus et du moins. Moralité ! Dans ce monde qui nous rassemble, il n'y a de place, que pour ceux qui réalisent des performances et enregistrent des victoires, mais pas seulement dans le foot ! C'est cela qu'il faille retenir comme enseignement !

LA PEUR VAINCUE DU PAS EN AVANT !

Oui ! La peur de gagner, cette phobie bien nationale, voire arabe (cf. la guerre du Sinaï contre Israël) a été vaincue, comme démontré sur le terrain par cette pléiade de jeunes revigorés par leur coach, pour avoir enfin compris que chez ceux qui avancent, la différence ce fait par l'offensive habilement orchestrée par un esprit stratège, tout en préservant ses arrières. C'est là une règle vérifiable non seulement dans le domaine du sport, mais aussi, dans celui de la stratégie militaire et de dans l'économie. Le " Khair Men Walou ", qui avec le temps devient " Walou " n'a pas cette fois-ci prévalu, et c'est tant mieux !

Cette mentalité de gagnant, inspirée par un bosniaque, puis patiemment transmise, trois années durant à des habitués de la performance, a été payante et c'est là déjà une grande victoire, non pas uniquement sur la Corée du Sud, la Russie et peut-être encore une autre fois sur l'Allemagne, qui vit déjà dans ses rêves d'avant match le cauchemar de 1982, mais surtout sur nous mêmes, habitués que nous étions, à bivouaquer ou à errer au milieu du champ d'action, tous sports et bien d'autres choses confondues, par peur d'avancer dans le camp adverse. Oui ! On est indépendant et c'est toujours çà, pour ne pas dire c'est déjà beaucoup, disent ceux pas encore affranchis de cette mentalité sous-développée du minimum acceptable de survie en tout, par peur de ne pouvoir garder l'avantage de notre gain, en cas de succès. Oui ! C'est comme une fatalité ! Nous avons peur de gagner et de capitaliser quelques progrès ! Si c'est ainsi, c'est que quelque part nous doutons en nos propres capacités !

Pour nous maintenir dans ce statut peu reluisant d'assistés, ils nous ont toujours dit par le discours pompeux et vaniteux : " El Hamdou Allah ! Notre sous-sol est gorgé de gaz et de pétrole ! Et d'ajouter avec fort argumentaire, que même si cela venait à manquer un jour proche, nous disent les experts, le gaz de schiste pourrait compenser cette crainte du pas en avant, qui nous a été inculquée et de surcroît couplée à une mentalité de " paresse légendaire ", qui nous est attribuée pour mieux crédibiliser l'argumentaire d'un peuple, pas toujours à la hauteur des efforts fournis par ses gouvernants.

C'est tout comme si on nous disait, qu'on a intérêt à rester au milieu du gué et qu'il n'est point besoin d'avancer afin de ne pas ce faire remarquer, dés lors que nous disposons de quoi pouvoir tout acheter ! El Hamdou Allah ! Que Dieu nous préserve du mauvais œil ! Dans ce cas, il nous est suggéré que nous soyons à peine visibles pour les autres, nous les gens pacifiques qui ne cherchent à nuire à personne ! C'est dire, que le traumatisme du printemps arabe à la peau dure ! Il est même paralysant ! Mais est-ce raisonnable d'inscrire la dynamique de notre société dans ce schéma de profil bas, qui équivaut à une insulte pour bon nombre de nos concitoyens qui disposent de toutes les capacités pour tirer leur pays vers le haut, tout en restant nous mêmes, c'est à dire des gens proches des intérêts de leur peuple ?

Non déplaise à ceux qui doute de ce potentiel humain non négligeable, nous disposons de bien des atouts pour prétendre à mieux, autrement dit à l'émergence, pour peu que nous voulions se donner la peine pour mériter cette place honorable, en y travaillant sérieusement des deux côtés de la méditerranée, dans les propres normes managériales de ceux que nous avons battu, en l'occurrence : la Corée du Sud et la Russie. C'est dans ce contexte du compter sur soi, que la victoire de nos jeunes sur ces pays émergents, prend valeur d'exemple à suivre. Il faut juste éviter que cette victoire ne soit encore une fois utilisée pour maintenir davantage notre société dans un état de dormance, à défaut d'imagination pour inscrire son évolution dans un vrai et un authentique point départ dans tous les domaines de la vie économique, sociale, culturelle et scientifique ! Oui ! Il y a réellement un risque à sombrer dans la facilité, dans la mesure où à défaut de projet de société raisonné sur des valeurs productives, le foot est constamment convoqué pour résoudre toute une gamme de problèmes sociaux et politiques.

Il attire tous les antagonismes et est souvent, l'objet de tentations de manipulations et de détournement de joie. Alors ! Faisons en sorte que la " dormance " tri-décennale de l'après 1982 de l'épopée allemande et la sacralisation en héros nationaux de Belloumi, de Madjer et tout le reste de l'équipe, à défaut d'autres repères et valeurs, ne puisse être rééditée ! Il faut donc éviter que ceux qui ont en charge la chose publique et son corolaire, l'avenir de nos enfants, ne puissent s'agripper autour de ce succès footballistique, pour en extraire des bribes de son gigantesque écho. L'on doit donc rester vigilant afin de ne pas tomber dans le travers de la facilité, si nous tenons absolument à construire cette fois-ci, l'Algérie des victoires.

LE BESOIN D'AUTRES VICTOIRES !

La meilleure manière d'y parvenir est d'inscrire la dynamique d'évolution de notre société dans la capitalisation d'autres victoires, tous secteurs confondus. Dans un article précédent (voir quotidien d'Oran du jeudi 26 juin 2014) j'ai eu à souligner, au titre d'un hommage aux sapeurs-pompiers, le niveau de performance atteint par ce corps constitué. D'autres secteurs et institutions devraient suivre ce si bel exemple. Mais qu'elles seraient pratiquement, les types de victoires à rechercher, selon la spécifique à chacun des secteurs ?

La victoire de l'eau est en grosse partie gagnée, tout au moins en termes d'infrastructures de mobilisation, au regard de l'effort colossal réalisé durant la décennie 2010. Mais cela ne saurait suffire si nous restons dépendants des technologies des autres, pour ce qui concerne tout particulièrement les stations de dessalement sur lesquelles repose dans de larges proportions, l'alimentation en eau des populations des régions du Nord, et d'épuration des eaux usées. La victoire attendue dans ce domaine vital, est celle de la maîtrise des process technologiques et bien plus, la fabrication chez nous, d'équipements parmi les plus essentiels à l'économie de l'eau.

Cette de la sécurité alimentaire peut l'être aussi dans de larges proportions, est l'enveloppe de (9) Milliards de dollars pourrait être ramenée raisonnablement à (3) ou (4) Milliards de dollars, si de nouvelles dispositions sont prises pour améliorer de façon significative, les performances de ce secteur le moins doté en eau d'irrigation de tout le monde arabe (à peine 5.OOO m3 par hectare et par an). Pouvoir disposer d'une irrigation d'appoint équivalente à 200 mm de pluie en période de stress hydrique (mars-avril) sur à peine une superficie de 1.100.000 d'hectares emblavés en céréales, équivaut à assurer une couverture de nos besoins à près de 8O%, à raison d'un rendement de 50 quintaux à l'hectare, ce qui peut-être une grande victoire au regard de notre dépendance actuelle, à hauteur de 70%. C'est là première performance attendue de ce secteur. La deuxième serait celle de la résorption de la jachère estimée à 3.000.000 d'hectares, qui doit être occupée par les légumes secs et les fourrages afin de réduire notre dépendance en protéines végétales et en lait dans de très larges proportions.

Bien d'autres victoires sont à viser, comme celles de meilleures performances du système hospitalier dans ses volets accueil et prise en charge des patients, en mettant le personnel médical dans des conditions optimales qui soient à hauteur de la qualité de soins attendue. Il convient aussi, d'assurer une plus large production de médicaments au niveau local, tout en axant l'importation sur des médicaments de pointe, tels les anticancéreux qui font appel à des techniques difficilement maitrisables dans l'état actuel des choses.

L'autre victoire à cibler est celle qui consiste à assurer la meilleure adéquation possible entre l'éducation, la formation et l'emploi. Le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche se doit aussi, de tendre vers de meilleurs classements au niveau international. Il faut en quelque sorte, que chacune de nos institutions puisse devenir dans les meilleurs délais possibles, cette équipe de performance qui ne peut être portée au podium de la performance, que par de véritables managers. Saurions-nous réunir les conditions de cette politique de l'excellence !

* Professeur