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Les immigrés clandestins, la vaccination et la santé scolaire

par A. M.

Selon le professeur Djamel Zoughailèche, médecin-chef du service d'épidémiologie et de médecine préventive du CHU de Constantine, les immigrants subsahariens qui affluent dans toutes les villes d'Algérie ne représentent pas de danger sanitaire autant que les pèlerins qui font régulièrement le Hadj et la Omra. « Il y a jusqu'à présent 160 morts du virus coronavirus. Et tous avaient séjourné en Arabie Saoudite. Donc, il faut contrôler plus sérieusement ces voyageurs à l'instar de ce qui a été fait pour la vaccination des supporters algériens qui vont aller au Brésil ». Malheureusement, dira-t-il, rien n'est fait pour ces immigrants qui sont marginalisés et cette situation de marginalisation est propice au développement de maladies en leur sein et à leur propagation dans le milieu où ils vivent. Et c'est là un des rôles essentiels de la médecine préventive, a estimé ce praticien qui répondait aux questions que nous lui avions posées, hier, en marge de la tenue de la 2ème conférence de médecine préventive organisée par le CHU à la faculté de médecine du Chalet des Pins à Constantine.

A propos du système de vaccination en Algérie, le Pr Zoughailèche a considéré que le risque de retour de certaines maladies qui ont été éradiquées en Algérie n'est pas écarté à cause du non respect de la chaîne du froid constaté dans plusieurs unités sanitaires chargées de la vaccination. « Il serait inadmissible que des maladies comme la polio qui est en phase d'éradication chez nous, la variole, la diphtérie, le tétanos et la coqueluche qui ont été éradiquées, puissent revenir à cause de ces pratiques irresponsables », a-t-il alerté. Il déplora l'absence de système d'évaluation de la couverture vaccinale en Algérie et l'interruption de la formation des vaccinateurs. « L'Algérie, rappelle notre interlocuteur, était le seul pays au monde à former des médecins pour la santé scolaire. Et j'étais l'initiateur de cette formation au CHU de Constantine, période durant laquelle, en l'espace de quatre ans, nous avons formé 200 médecins spécialisés. Malheureusement, cette formation a été interrompue et on ne sait pas pourquoi ».

Faisant encore un état des lieux de la médecine préventive, il déplora encore qu'au niveau de la santé scolaire, par exemple, les résultats obtenus n'ont pas été à la hauteur des investissements colossaux consentis par l'Etat. « On a mis en place des PMI, des UDS, des services d'épidémiologie, mais ces structures ne sont pas sous-tendues par une stratégie, une politique ». Et de faire la jonction avec le thème de la rencontre du jour en considérant que la vraie médecine, elle est préventive. « Hippocrate, Ibn Sina et d'autres l'ont dit bien avant nous. Et la nouvelle définition qu'on fait maintenant de la médecine c'est des technologies adaptées et aux services dont la vocation est la prévention, ensuite la guérison. Mais au départ c'est d'abord prévenir », a expliqué ce professeur. Il s'est interrogé pourquoi un Algérien sur quatre est hypertendu. Et de penser que la chose est inadmissible. « Est-ce que cela va durer ? Il faut que d'ici dix ans il y ait un hypertendu sur cinquante ou un sur cent, mais qu'il n'y ait plus cette prévalence ».

En conclusion, l'organisateur de la journée sur la médecine préventive dira : « Nous sommes à un stade d'insatisfaction générale au niveau de notre système de santé. Et moi je pense que cette insatisfaction est un bon indicateur pour améliorer les choses ». Donc, pour lui, cette conférence représente une alternative, parce que le secteur manque de débats sérieux entre experts et professionnels. Souvent, a-t-il déploré, on assiste à des débats qui sont organisés « pour justifier une situation mais non pour renforcer et faire avancer la réflexion ou pour faire l'évaluation d'une situation ». Et de promettre que cette question sera soumise dans un document qui sera déposé devant les assises nationales de la santé qui se tiendront le 17 juin prochain.