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CHRONIQUE MAUVAIS ESPRIT : La race des cinéphiles Algériens

par T. H.

Qui a eu l'idée saugrenue de choisir comme thème du jour pour la chronique un thème aussi surréaliste que les cinéphiles d'Algérie? Déjà qu'on commence à fatiguer grave pour remplir ces deux pages en direct de Cannes, s'il faut en plus nous imposer des missions impossibles ce n'est pas drôle, pensez à tous les films que votre envoyé spécial adoré (ou détesté, c'est kif kif) aurait pu s'enfiler au lieu de perdre son temps à inventer des choses à dire sur une race qui n'existe pas. Elle est bien bonne celle-là, les cinéphiles d'Algérie... Et pourquoi pas une chronique sur les cosmonautes de Hadjout ou mieux une étude approfondie sur les touaregs qui font du patinage artistique ??? Les cinéphiles d'Algérie, on rêve ! Êtes-vous sûr que vous ne confondez pas avec les «sinophiles» ou les «cynophiles»? Des algériens qui aiment la Chine (sans être racistes vis-à-vis des chinois) ou qui aiment les chiens (sans leur donner des coups de pied pour un Wah Wah ou pour un Woh-woh) on peut peut-être encore en trouver en cherchant bien, mais des «cinéphiles» faut pas pousser non plus. Enfin, bref, maintenant que la chronique est déjà avancée, il faut aller jusqu'au bout de l'ennui...

C'est une affaire culturelle, la preuve on ne trouve pas l'équivalent en arabe du mot «cinéphiles». Essayez voir... «3ouchak essinéma»? Non, ça veut dire les passionnés du cinéma, ce n'est pas la même chose. «Mouhibines Essinéma»? Idem, ça veut dire les amoureux du cinéma, et cela n'a rien à voir avec la cinéphilie, qui comme chacun sait veut dire..., euh, attendez, je vais consulter Wiképedia deux seconds et je reviens, bougez pas. Ah, voilà: « La cinéphilie, dans son sens étymologique, est l'amour du cinéma. Le terme est apparu en France dans les années 1910, se diffusa dans les revues cinématographiques des années 1920 et servit d'abord à désigner un mouvement culturel et intellectuel français qui durera jusqu'en 1968. Depuis le terme s'est émancipé pour caractériser toute passion du cinéma, quelles que soient son expression et son organisation.» Un cinéphile algérien serait donc un agent d'un mouvement culturel français qui n'existe même plus. On comprend pourquoi ils se cachent les derniers cinéphiles algériens, et ils ont intérêt à se cacher les traites, has been qui plus est... Toujours Wikipédia: «Les cinéphiles revendiquèrent la qualité artistique du cinéma à une époque où celle-ci ne faisait pas l'unanimité. Leur engagement fut déterminant. En 1959, Godard dira, au nom des cinéphiles :

« Nous avons gagné en faisant admettre le principe qu'un film de Hitchcock, par exemple, est aussi important qu'un livre d'Aragon. Les auteurs de films, grâce à nous, sont entrés définitivement dans l'histoire de l'art». Heureusement, personne en Algérie n'a tenté de faire admettre qu'un livre de Hamid Grine était aussi soporifique qu'un film de Mohamed Chouikh, tellement que c'est évident. Nos écrivains et nos réalisateurs veulent entrer dans un gouvernement et non pas dans l'histoire de l'art, ça ne se fait pas chez nous, ça paye que dalle...

 Soyons un peu sérieux maintenant, un peu d'info: le webzine « Ubu mag », via son ciné-club « Ciné Qua None », veut « faire rentrer les grands films dans une petite salle » et propose en ce moment le cycle « Les longs métrages au Moyen-Orient », avec au programme un film afghan produit par la France («Syngué Sabour» d'Atiq Rahimi), un film qui se passe en Iran («Une séparation» d'Asghar Ferhadi), un film libanais («Et maintenant on va où ?» de Nadine Labaki) et enfin un film de la région dont la spécificité est de ne jamais mentionner exactement le lieu de l'action («Incendies» de Denis Villeneuve et Wajdi Mouawad). Et le Moyen-Orient c'est où? Ce n'est pas pour être méchant, mais ils sont un peu nuls en géographie les ubuesques cinéphiles de la salle Zinet. Toujours à Riadh El Feth, un autre collectif organise des projections de films moins «auteuristes», cela n'empêche pas Cilima, c'est le nom de l'association, d'avoir pour but « d'introduire la culture du cinéma auprès de la société algérienne tout en vulgarisant cet art». Le principe est de projeter un film parmi d'autres proposés par le collectif, et ce sont les internautes qui choisissent. On n'y croit pas une seule seconde mais l'idée est sympathique...