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La honte des hôpitaux algériens : «pas de place, allez voir ailleurs»

par Dr Benzaghou Tarik *

A l'heure des réformes du système de santé tous azimuts, et à l'heure des milliards dépensés pour des projets pharaoniques, je voudrais attirer l'attention de notre cher ministre et autres bureaucrates sur une réalité qu'affronte n'importe quel Algérien n'ayant pas de carte d'accès au Val de Grâce présentant une pathologie grave dans nos hôpitaux mais qu'affronte aussi nos médecins surtout les résidents qui sont en première ligne pour recevoir la détresse humaine.

Imaginez un instant qu'arrive aux urgences un cas médical grave ou parfois un cas nécessitant une hospitalisation et vous vous savez que vous n'avez pas de place d'hospitalisation alors comment faire ? dans un pays qui se respecte et respecte le droit d'être soigné, une solution doit et va être trouvée mais qu'en est-il chez nous ? comment est-on arrivé au point de faire balloter de pauvres citoyens de wilaya à wilaya et d'hôpital à hôpital sans états d'âme ?

UNE COMMUNICATION CATASTROPHIQUE

La logique voudrait que quand un malade doit être évacué ou quand in juge que les moyens dont on dispose soient insuffisants, on va rapidement contacter d'autres hôpitaux afin d'évacuer celui-ci et là premier obstacle de taille, la communication. Tout le monde s'accorde sur la mal communication entre nous alors imaginez si ça concerne une vie humaine. Les hôpitaux disposent de standard avec des personnes payées pour recevoir les appels. c'est un miracle pour que quelqu'un daigne vous répondre et après faut trouver le service qui nous intéresse et là c'est au bon vouloir des personnes qui reçoivent l'appel, décrocher ou pas est le dernier de leurs soucis. Alors deux solutions : centraliser les appels des services hospitaliers sur un seul centre qui contactera directement le service concerné et attention, tout est enregistré, analysé et les sanctions tomberont sur les indélicats qui se désintéressent de cet aspect, du directeur d'hôpital au chef de service et autres administratifs sensés répondre à la demande. Autre solution, des lignes spécifiques reliant tous les services et urgences du pays avec un code à quatre chiffres par exemple.

Revenant au cas du médecin décidé d'évacuer son malade vers un autre hôpital. J'ai souvenir d'avoir entendu parler d'une circulaire ou d'une instruction interdisant l'évacuation d'un malade sans accord préalable d'une autre structure mais souvent , sous la pression parfois de la famille, le malade est évacué par ses propres moyens et aucune ambulance n'est utilisée permettant de contourner cette interdiction. Le ministère doit créer une structure s'occupant de ces cas carrément de liquidation humaine où des sanctions doivent être prises à l'encontre du médecin et du directeur d'hôpital qui doit veiller à éviter ce genre de pratiques.

Qui dit communication dit bien sur structures d'accueil disponibles et médecins s'occupant de ce type de demandes. Il ne faut pas que ce soit des parents de malades qui cherchent désespérément une solution en devenant parfois agressifs et le dialogue doit demeurer strictement médical.

DES MOYENS DERISOIRES

C'est vrai que beaucoup de choses ont été amélioré. L'argent du pétrole aidant, des services peu fréquentés se retrouvent avec plus de moyens qu'un CHU saturé. Ceci amène à douter des fois de l'adage populaire comme quoi les grands hôpitaux notamment dans la capitale ont tout et les autres villes rien. Il faut que des études sérieuses soient faites sur les vrais besoins en tel et tel service dans telle région selon les standards internationaux et non selon les milliards dont on dispose. Oui, il arrive dans des endroits où le médecin est démuni, souvent par son plateau technique que ce soit les bilans biologiques ou radiologiques et c'est là où il faut évaluer et faire évoluer les choses. Ceci est de la responsabilité de l'administration centrale qui doit gérer cette disparité de moyens financiers et humains

LE SAMU C'EST POUR ?

Le service d'aide médicale urgente doit exister et bien exister. Si un médecin dans n'importe quelle région est confronté à un malade pour lequel une prise en charge rapide et une réanimation sont nécessaires. Le SAMU est fait pour ça !!!! Ce sont des équipes d'urgentistes chevronnés qui vont réanimer et stabiliser le patient et s'occuper de son transfert vers la structure adéquate et là, un centre de contrôle central est encore une fois nécessaire pour trouver une place le plus tôt et à l'hôpital le plus proche. Ce n'est pas au médecin de la petite structure initiale qui va se démener pour que quelqu'un quelque part décroche, c'est une vie humaine bon sang !!!! Tout doit être bien et rapidement fait et on se retrouve avec des catastrophes où un malade présentant une urgence vitale est évacué par une ambulance ou parfois par sa famille dans des urgences bondés et il va décéder faute de prise en charge immédiate.

HOPITAUX SATURES, JUSQU'A QUAND ?

Deux aspects sont à considérer : d'abord le constat dans de nombreux services que beaucoup de malades viennent de bourgades situées à des centaines de kilomètres alors même que plusieurs hôpitaux sont beaucoup plus proches. Y a-t il manque de confiance entre médecins ? Imaginez un pauvre malade qui habite en face de l'hôpital et qui le jour où il consultera pour une pathologie grave nécessitant une hospitalisation s'entend dire : pas de place, allez voir ailleurs. Peut-il l'accepter ? Peut-on décemment refuser un malade de son secteur pour garder des malades pouvant être pris en charge ailleurs ? Faut des lois, des décrets pour organiser et obliger les structures à répondre aux besoins de la population, cette situation perdurera.

Deuxième aspect et là on touche au point sensible : les limite de la gratuité !!!! Oui les urgences sont saturées par de faux malades, de simples consultants qui viennent profiter du tout gratuit. On trouve plus d'espace pour examiner, stabiliser des urgences, trouver le temps pour évacuer des malades dans les normes, demander des avis spécialisés. Aucun système de gestion des urgences n'a montré son efficacité dans nos hôpitaux et ceci est loin d'être réglé.

POUR CONCLURE

Aucun médecin ne pourra renvoyer un malade grave sans se dire " que suis-je entrain de faire ? " " Comment ce système de santé m'a perverti à ce point ?" " Est-ce que ma conscience me le pardonnera un jour ? " on est tous responsable car nous taire et pointer juste le système est la meilleure façon d'essayer de nous déculpabiliser. A quoi sert des syndicats professionnels si ce n'est pour faire pression pour le bien du malade ? Gageons que le peu d'humanité qui nous reste nous permettra de changer les choses.

* Médecin