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Batna n'a pas voté Benflis

par El Yazid Dib

Si les premiers résultats annoncés par le ministère de l'Intérieur donnent, pour la wilaya de Batna, une victoire à Benflis avec 51% contre Bouteflika classé second avec un peu plus de 38%, l'explication est ailleurs que dans ces chiffres. «Benflis n'a pas vaincu Bouteflika, il a battu Sellal», estocadait sèchement un médecin retraité de 65 ans autour d'un café. En fait, selon plusieurs observateurs de la scène locale, le vote des Aurès aurait été une réplique à la mauvaise blague de Sellal. Un vote-réponse, une parole adressée à travers les urnes. Avec un taux de participation avoisinant les 42.27%, la capitale des Aurès aurait amadoué sa colère face à ce que certains qualifient de «déni d'identité» ou de «dépassement langagier». Si ce n'était par ailleurs la candidature de deux personnalités issues de la région (Benflis et Belaïd) la donne statistique aurait été tout autre. Soit, les 51% de voix exprimées en faveur de Benflis, une fois défalquées auraient ramené le taux de participation à moins de 20%. C'est ce rapport électoral dans son sens le plus politique qu'il faudrait tenir. Il tend à se justifier beaucoup plus par une abstention qu'un rejet de candidature.

C'est cette «Erreur fatale de Abdelmalek Sellal qui (a) fait basculer le pays chaoui dans l'anti-bouteflikisme au profit de Ali Benflis ; elle a fait basculer le pays dans la dissidence, un changement qui profite d'abord au principal rival de Bouteflika», notait récemment un confrère. Depuis cet instant, la ville, voire toute la région, s'est installée dans un climat d'ire, d'inquiétude et de sentiment d'avoir subi un affront. Des manifestions, des grandes et consistantes marches, des sit-in répétitifs et sans répit ont émaillé la quotidienneté locale. La population, suite aux diverses rumeurs de troubles, de fraude et d'appels à la violence, tenait mordicus à sa sécurité. Il n' y eut en fait rien de tout cela. Aucun acte de violence, ni agissement incivil ou autre dépassement du genre ne furent constatés durant ces marches ou ces diverses manifestations estudiantines et associatives. Tout le scrutin du jeudi s'est déroulé sans incidents. Pourtant, cette partie généreuse du territoire national, haut lieu de grands faits historiques mérite grandement du respect, et ce à l'instar de toutes les villes. La «fierté» chaouie, algérienne en somme, a tenu par ce minima d'expression électorale à brandir un état de mécontentement. Le 17 avril a été ainsi à Batna un vote-réaction, tant par un abstentionnisme que le ministre de l'Intérieur qualifiait de «phénomène qu'on retrouve un peu partout dans le monde. Il n'est pas le propre de l'Algérie» que par une bifurcation de voix vers Benflis ; considéré comme «l?homme du changement». Au regard du taux de participation enregistré dans la wilaya (42,27) «le vainqueur n'a même pas pu drainer la majorité du corps électoral dans son propre fief, pourtant doublé d'un Belaïd», déclarait R. Rabah aussi un vieux retraité, paraissant, à son enthousiasme affiché, pro-bouteflika et anti-Benflis. Pour lui, «Batna n'a pas voté Benflis» a donc voté Bouteflika.