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Alger : Peur sur la ville

par Zahir Mehdaoui

La capitale algérienne est devenue jeudi dernier une caserne à ciel ouvert. Des milliers de policiers étaient déployés à travers toutes les communes à l'occasion des élections présidentielles. Les services de sécurité ont «troqué» leurs matraques et leurs boucliers contre des kalachnikovs et des fusils à pompe.

En effet, les agents en faction devant les institutions de l'Etat, au niveau des barrages routiers et même devant les bureaux de vote, étaient tous munis d'armes de guerre. Le décor rappelle étrangement celui des années 1990 où l'Etat voulait montrer sa force devant les hordes terroristes.

A l'entrée de la capitale, des camions chasse-neige, des fourgons cellulaires, des véhicules 4x4 appartenant à la police étaient stationnés, formant une file visiblement ostentatoire alors que tout l'Algérois était calme durant toute la journée.

Le message est en fait clair et l'ancien coordinateur du FLN, Abderrahmane Belayat, l'a clairement déclaré sur une chaîne privée, à la veille des élections: «Nous avons l'armée et les services de sécurité», a-t-il clairement fait savoir.

Comme il fallait s'y attendre, le pouvoir a joué à fond la carte de la peur des citoyens et, contre toute attente, annonce le «succès» de Bouteflika dans une élection qui s'est déroulée dans un climat extrêmement tendu, même si aucun incident majeur n'a eu lieu dans la capitale.

Il reste à savoir maintenant quelle sera la réaction de Ali Benflis, qui passe pour être le plus grand perdant de ce scrutin. «Aujourd'hui, il y a eu violation de la volonté populaire. Je condamne ce complot colporté par des mains algériennes contre la volonté du peuple. J'ai toujours défendu le changement pacifique. Je ne reconnais pas ces résultats. Je condamne la fraude», a-t-il réagi à l'annonce des résultats partiels.

La véritable question en fait est de savoir si Benflis pourra «contrôler» ses troupes s'il s'avère réellement qu'il y'a eu fraude massive jeudi ?

Dans certaines wilayas de l'est du pays l'ancien chef du gouvernement est arrivé largement en tête. C'est le cas notamment à Bejaia où il a supplanté le candidat Bouteflika, avec plus de 68% de voix en sa faveur.

En fait, le combat, comme l'ont rappelé certains analystes durant la campagne électorale, a commencé à partir d'hier vendredi, après l'annonce officielle des résultats par le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales.

Les élections ont été l'occasion pour l'opposition de constituer une sorte de «front uni » contre le système et cela n'a jamais existé dans le passé.

Ceux qui jubilent de la victoire de Bouteflika ne semblent pas mesurer la portée d'un tel front qui a, à la fois, rassemblé les démocrates, les islamistes, les communistes et le mouvement nationaliste autour d'une même idée: changer le régime et installer une transition démocratique à même de sortir le pays de sa léthargie et d'un demi-siècle de despotisme et d'exclusion d'une frange importante de la société.