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Les enjeux d’une indépendance de l’Ecosse

par Akram Belkaïd, Paris

C’est un thème qui ne fait pas encore beaucoup parler de lui mais cela va changer d’ici l’été prochain. Il s’agit du référendum qui doit avoir lieu en septembre à propos de l’indépendance de l’Ecosse. A ce jour, les deux camps, indépendantistes et partisans d’un maintien au sein de la Grande-Bretagne, sont à couteaux tirés et les sondages demeurent très incertains quant à l’issue du scrutin. Du coup, Londres alterne menaces et nouvelles propositions afin d’empêcher que l’Ecosse ne recouvre une indépendance perdue depuis le 18ème siècle.
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CAROTTE ET BATON
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Sur le plan de la carotte, Londres propose à Edimbourg d’avoir enfin une souveraineté monétaire même si cette dernière sera limitée. En cas de défaite des indépendantistes, l’Ecosse pourrait donc lever ses propres fonds sur les marchés internationaux pour un montant maximal de 2,2 milliards de livres (2,6 milliards d’euros). Une manne qui permettrait de financer la construction de routes et d’infrastructures publiques comme les hôpitaux ou les écoles. Autre proposition susceptible de convaincre les Ecossais partisans d’une plus grande autonomie sans pour autant aller jusqu’à l’indépendance, celle qui donnerait à l’Ecosse la possibilité d’établir sa propre politique fiscale (ce qui lui permettrait, par exemple, de rivaliser avec l’Irlande pour attirer les multinationales).

A l’inverse, les autorités britanniques agitent comme bâton l’interdiction qui sera faite à une Ecosse indépendante d’utiliser la livre sterling. Cela obligerait les autorités écossaises à battre monnaie (ce qui, au passage, est un signe de souveraineté) et donc de veiller à ce que celle-ci ne soit pas bousculée sur les marchés internationaux. Mais la menace la plus sérieuse reste celle qui concerne le statut d’une Ecosse indépendante au sein de l’Union européenne (UE). En février, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a estimé qu’une adhésion serait « très difficile voire impossible ». Il faut savoir à ce sujet qu’un pays comme l’Espagne s’activera en coulisse pour empêcher une telle adhésion qui créerait un précédent susceptible de donner des ailes aux indépendantistes catalans. Autre point à relever, si d’aventure l’Ecosse devient indépendante, le scénario suivant reste très probable : d’un côté, une Grande-Bretagne (Angleterre et Pays de Galles) europhobe et susceptible de quitter l’Union européenne après un référendum et, de l’autre, une Ecosse europhile mais condamnée à rester aux portes de l’UE…

Sur le plan économique, cette impossibilité d’accéder à l’UE ne sera pas neutre. Cela privera l’Ecosse indépendante de ressources financières importantes, notamment les fonds structurels communautaires. Cela l’obligera aussi à négocier avec l’UE toutes sortes d’accords allant de la libre-circulation des personnes et des marchandises à la possibilité pour les entreprises écossaises de bénéficier du label « made in EU ».
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UNE DETERMINATION SOLIDE
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Tous ces obstacles ne découragent pourtant pas les indépendantistes qui voient leur pays comme une future Suisse ou Islande. Il faut dire qu’ils comptent sur une assurance de taille à savoir les revenus tirés de l’exploitation des champs pétroliers et gaziers de la mer du Nord. Et c’est d’ailleurs là que résident les raisons de l’hostilité de Londres à l’indépendance de l’Ecosse. Privées d’une partie de la manne pétrolière, la Grande-Bretagne perdra en aisance financière et la livre sterling, souvent considérée comme une monnaie « pétrolière » en sera nécessairement affectée. Dans un contexte européen incertain sur les plans économique et politique, la possible indépendance de l’Ecosse ne sera donc pas un événement anodin.