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En Algérie, la Turquie détrône la Chine : La contrefaçon change de look

par Moncef Wafi

La chute des saisies de produits contrefaits de 51,6%, l'année dernière par rapport à 2012, n'est nullement un indicateur du recul du phénomène de la contrefaçon en Algérie.

Un constat dressé par Fadila Ghodbane, sous-directrice chargée de la lutte contre la contrefaçon à la Direction générale des douanes (DGD), qui a précisé que 378.208 articles contrefaits ont été saisis en 2013 contre 781.653 l'année d'avant. La DGD explique cette forte baisse de volume des marchandises imitées sur le marché algérien par un contrôle douanier amoindri affecté par le manque de coopération des propriétaires de marques. Autre raison de cette statistique, le désintéressement des importateurs nationaux qui se sont détournés des marques de références « protégées » par des conventions pour s'orienter davantage vers des labels inconnus des services des douanes. Par ailleurs, la Turquie a détrôné, avec 46,66% de produits de contrefaçon, la Chine, avec 36,66%, alors première au rang des pays d'origine des articles contrefaits. Arrivent ensuite l'Espagne, la France et l'Allemagne, selon les statistiques douanières. Parmi les produits incriminés, un hit-parade où on retrouve les produits cosmétiques avec 70,93% des saisies (268.280 articles), suivis par les articles de sport avec 22% (83.500 articles), l'outillage électrique avec 6,72% (25.424 articles) et les produits électriques (1.004 articles).

En juin 2011, et à l'occasion des travaux de la cinquième conférence nationale des cadres de l'administration des douanes qui s'était tenue à Tlemcen, le directeur général des douanes, Mohamed Abdou Bouderbala, a rappelé que 60% des produits importés en Algérie destinés à la revente en l'état sont contrefaits. Une estimation faite sur la base du taux des saisies des articles contrefaits par rapport au volume global des produis importés pour la revente chaque année. Ainsi et depuis sept ans, les douanes algériennes ont saisi plus de sept millions d'articles contrefaits. Qualifié de véritable fléau et de gangrène de l'économie nationale, mettant la santé et la sécurité du consommateur en danger, la lutte contre ce phénomène reste pourtant loin des standards internationaux. En 2009, un rapport annuel établi par les services du Représentant au commerce international (USTR), un organisme américain qui établit, chaque année et depuis 21 ans, une liste de pays « mauvais élèves» en matière de lutte contre la contrefaçon, classait l'Algérie à la troisième sur une liste rouge de onze pays dite «de surveillance prioritaire» de la contrefaçon. En d'autres termes, après la Chine et la Russie, l'Algérie serait le pays qui lutte le moins contre la contrefaçon dans le monde. Cette faiblesse confessée trouve son explication, selon le ministère du Commerce, dans l'absence d'un système de contrôle adéquat et le manque d'outils d'analyse. Tout en reconnaissant la limite logistique de ses services, le manque de moyens modernes d'expertise comme les laboratoires de contrôle au niveau des frontières ou l'insuffisance des agents douaniers, formés sur plusieurs marques de produits pour intercepter les articles contrefaits, le DG des douanes incitera toutes les parties engagées dans le combat à intensifier la lutte contre ces importateurs-fraudeurs. Il citera nommément les propriétaires de marque, les associations de protection des consommateurs, comme les services des douanes ou du commerce. Ainsi, et en 2013, plusieurs actions ont été engagées par la DGD avec notamment des formations spécialisées au profit des agents des douanes sur les techniques d'identification des produits contrefaits et des protocoles de coopération avec les autres institutions de l'Etat et les détenteurs de marques. Dans cette optique, un protocole d'accord a été signé entre la DGD et l'Office national des droits d'auteurs et des droits voisins (Onda) pour renforcer la lutte contre l'atteinte aux droits de la propriété intellectuelle et artistique alors que d'autres protocoles de coopération sont attendus le courant de cette année entre les douanes algériennes et l'Institut national algérien de la propriété industrielle (Inapi) et le ministère du Commerce. Un comité interministériel regroupant les secteurs concernés par la lutte contre la contrefaçon sera installé prochainement pour débattre de cette problématique, a encore indiqué Mme Ghodbane.

Dans un autre registre, la DGD a indiqué que les importations de l'Algérie en janvier dernier se sont établies à 4,31 milliards de dollars (mds usd) contre 4,69 mds usd le même mois de l'année écoulée, en baisse de 8,06%. Un recul dû en grande partie à une diminution des importations des groupes des « biens destinés à l'outil de production» (barres en fer et en acier, des huiles destinées à l'industrie alimentaire et le bois... etc.), et les « biens de consommation non alimentaires » (médicaments, véhicules de tourisme, meubles, tissus et appareils et dispositifs électriques... etc.), avec respectivement -23% et -21%.