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marche de L immobilier a L est D alger : L influence du metro et du tramway

par S. Kebbab

A la faveur de la mise en circulation du tramway et de la première tranche du métro, les prix de l’immobilier à l’est d’Alger, qui étaient plus ou moins abordables, observent une tendance haussière. Et les nombreux projets mis en place par l’Etat dans cette partie de la capitale ont amélioré la cotation des logements. Toutefois, spéculation aidant, ils arrivent à rivaliser avec ceux des onéreux quartiers du Centre-ville et des hauteurs d’Alger.

Les nouveaux modes de transport rapides, qui ont permis de rapprocher un tant soit peu le Centre ville d’Alger à sa banlieue, ont insufflé les cours de l’immobilier dans la région Est de la Capitale. Et les nombreux projets d’embellissement entrepris par l’Etat, à l’Est d’Alger, ont amélioré le cadre de vie des habitants du secteur et la cotation des logements. C’est du moins ce que nous ont révélé plusieurs intervenants dans le créneau de l’immobilier. Cette hausse, observée depuis l’avènement du métro et qui s’est accrue avec l’arrivée du tramway, porte beaucoup plus sur les appartements que sur les villas, les terrains à bâtir ou encore les locaux commerciaux, constatent-ils.

A ce propos, M. Mohcine, courtier dans l’immobilier, estime que le tramway d’Alger vient, indubitablement, d’apporter ses bienfaits pour les citoyens. Cependant, signale-t-il, ‘‘le rail urbain’’ a eu des répercussions sur les cours de l’immobilier, au niveau de plusieurs sites d’Alger-Est. Ordinateur et chiffres à l’appui, il nous révèle qu’en l’espace d’une année, les coûts des appartements ont augmenté de 30 à 40% sur l’axe du tramway, entre Bab Ezzouar et Bordj El Kiffan.

Tandis que sur l’axe du métro, d’Hussein Dey à Hai El Badr, les chiffres ont presque doublé, remarque-t-il. Plus explicite, A. Nait Yahia, gérant d’une agence immobilière qui a «pignon sur rue» et activant depuis plus de vingt ans sur le grand Alger, nous confie que par rapport à la région Centre et Ouest, les prix des logements à l’Est d’ Alger, ont de tout temps été plus accessibles. Cependant, constate t-il, les cours ont subi une légère hausse, à la fois compte tenu de l’implantation des grands centres commerciaux et autres hôtels de renom, mais aussi, après l’entrée en service du métro et du tramway.

Sur ce point, il faut souligner que le «tram», qui longe tout le secteur Est d’Alger, a changé le décor «amorphe» de la région. Il lui a donné le cachet de modernité dont elle avait tant besoin. Cela, remarque notre interlocuteur, a fait que «beaucoup de gens fuient aujourd’hui le Centre et les hauteurs d’Alger, entre autres à cause du problème de la circulation». Et d’ajouter : «étouffés et à la recherche d’espaces, ils jettent leur dévolu sur le côté Est de la Capitale pour y habiter». Et comme il fait désormais bon de vivre du côté Est d’Alger, ceci eu égard à son agencement et qu’en plus les prix sont à «bon marché» ; cela, explique-t-il, a créé une tension sur l’immobilier de la région. Avant de conclure : «Malheureusement et comme à l’accoutumée, l’entrée en scène des spéculateurs a fait que les prix des appartements flambent non seulement dans les quartiers bien cotés d’Alger-Est, comme Dar El Beida, Mohammadia ou Bab Ezzouar, généralement ciblés par une clientèle aisée ; mais cela s’est répercuté sur la cotation de l’immobilier dans les faubourgs et autres quartiers populaires environnants».

«CHERTE» A L’OUEST, «VETUSTE» AU CENTRE ET «TRANSPORT DE PLAISANCE» A L’EST

A cela, nous avons confirmé qu’effectivement, la tendance haussière est bien perceptible dans les quartiers populaires, particulièrement ceux situés dans les communes dites Intra-muros comme Bachdjarah et El Maqaria (ex- Leveilley), soit celles qui ont la double particularité d’être proches d’Alger-Centre et des ‘‘voies électrifiées’’. Le cas d’un F2 vendu au mois de novembre dernier à la populeuse cité ’’Diar Djemâa’’ entre Bachdjarah et El Harrach, à 620 millions de centimes, alors qu’il n’y a pas longtemps, des F3 dans cette même cité se négociaient entre 500 et 600 millions, est plus qu’édifiant. L’exemple de cette cité, située à quelques encablures du point d’arrêt du tramway ‘‘La Glacière’’ et qui est en même temps bordée par les gares ferroviaires d’El Harrach et du Caroubier, dénote bien l’influence des moyens de transport modernes sur le marché de l’immobilier. Il faut convenir que les habitants de cette immense cité, implantée à l’embouchure de Oued El Harrach, ont l’avantage de se passer de «l’encombrante» automobile. Aussi, ils auront bientôt le privilège de l’harmonie puisque l’embarrassant Oued sera purifié. Il sera même navigable, en 2016, affirment les autorités de la Wilaya d’Alger. Une première en Algérie, qui verra l’ouverture des voies du «transport de plaisance» et de «l’habitat paysager». Non loin de cette cité, au quartier ’’Djenane El Mabrouk’’, où les travaux d’une station de métro sont en cours d’achèvement, le propriétaire d’une maison composée de 3 pièces, qui peinait à trouver acquéreur au prix souhaité (650 millions de centimes) l’a vendu, tout récemment, au prix «inespéré» de 850 millions. Un habitant de ce quartier au courant de cette transaction, nous apprend que l’extension du métro, de Hai El Badr à El Harrach, avec en sus une station tout près de la maison, a séduit le nouvel acquéreur. Cette seconde tranche du métro qui sera opérationnelle d’ici la fin de l’année 2014, selon le ministre des transports, Amar Ghoul, a beaucoup influé sur le prix de la vente. «Le fait de pouvoir rallier le centre ville en 20 minutes, tout en évitant les interminables embouteillages, a finalement convaincu l’ancien habitant de Draria», explique ce riverain.

L’autre fait nouveau qui mérite d’être signalé et qui vient s’ajouter à ce renversement des valeurs, est qu’au moment où les coûts des appartements à l’Est d’Alger sont en continuelle augmentation, ceux des quartiers huppés de l’Ouest et des hauteurs observent, depuis quelques mois, un certain «immobilisme». Ceci, bien évidemment, avec une barre infranchissable pour le commun des citoyens. Pourtant, dans ces luxueux quartiers, il est connu qu’un simple F2 passe, inconcevablement, du milliard de centimes au double, en un clin d’œil. De même, les quartiers populaires du Centre ville ont vu leur cote s’infléchir, sans nul doute à cause de la vétusté des immeubles. A Bab El Oued et Belouizdad, pourtant réputés pour leur cherté, des F3 sont proposés à 800 millions de centimes, soit à un prix moindre qu’à Bachdjarah et Bourouba (ex-La Montagne). En témoignent les prix affichés dans les journaux et les sites internet spécialisés dans l’immobilier qui indiquent, qu’il n’y a plus d’écarts tarifaires entre les appartements de l’Est et de l’Ouest d’Alger. Beaucoup plus, dans les communes ‘’Extra-muros’’, les prix affichés pour Rouiba et Ain Taya, à l’Est, dépassent ceux de Douéra et Zéralda, à l’Ouest ; ceci pour le même type de logement, a-t-on constaté.

L’IMPACT DU «RAIL URBAIN» SUR L’HABITAT, LE TRANSPORT ET LES ACTIVITES PROFESSIONNELLES

Dans le même registre, la tension sur les logements de l’Est d’Alger ne concerne pas uniquement le volet habitation. Les appartements sont aussi pris d’assaut pour l’usage professionnel ou l’exercice d’une activité, bouleversant ainsi la traditionnelle estimation de l’habitat à Alger. Cette dernière, longtemps basée sur le zonage et l’habitabilité du quartier, semble désormais s’établir sur la disponibilité et l’accessibilité aux nouveaux moyens de transport rapides. C’est le cas d’Hussein-Dey qui est dotée de deux stations de métro et qui est aussi traversée par le tramway, du «Caroubier» jusqu’à «Lafarge», le long de la rue Tripoli. Les habitations sont courtisées, dans cette commune, par une clientèle venant pour la plupart des hauteurs d’Alger. Ils convoitent (pour achat ou pour location) des appartements situés sur les axes Ruisseau - Hai El Badr et Ruisseau- Mohammadia aux fins d’y exercer une profession ou pour installer leurs bureaux, nous apprend Fadila N., gérante d’un bureau d’affaire à Hussein-Dey. Elle évoque le cas d’un directeur d’une entreprise de communication, à la recherche d’une location d’un F4 dans les environs. Ce client, affirme-t-elle, veut transférer le siège de sa société, basée à Dely Brahim, car il doit être constamment au Centre ville où se trouvent la plupart des administrations et des clients avec lesquels il collabore. «Hussein Dey est le meilleur endroit pour régler ses affaires, puisqu’à Dely Brahim, un aller-retour en ville, en plus des aléas du stationnement, lui coûte plus d’une demi-journée et donc un énorme manque à gagner», explique-t-elle. En fait, les citoyens qui optent pour ces endroits, soit pour la «demeure» ou le «gagne-pain», les nouvelles ‘‘rames’’ leurs permettent d’atténuer en partie le stress des éternels «bouchons» qu’ils endurent quotidiennement. Pour le gouvernement, le problème des embouteillages, à l’instar de celui du logement et de l’emploi, reste un véritable casse tête, au point q’un conseil des ministres lui sera consacré, dit-on. A cet effet, la zone Est d’Alger serait-elle la clé pour concilier logement, travail et transport ?

L’ETAT REHABILITE LA REGION EST EN «NEW ALGIERS»

Sur ce point, il faut souligner que le terminus du tramway est connecté à la station de métro «les fusillés», au niveau Du carrefour de Ruisseau dans la circonscription d’Hussein Dey. Les usagers de ses deux types de transport peuvent faire la correspondance, par bus ou au moyen des 3 téléphériques, pour rejoindre en un laps de temps très court soit leurs domiciles et lieux de travail ou encore se déplacer dans les différentes régions d’Alger. Cela fait de Ruisseau un véritable Centre d’Alger et la Capitale semble ainsi s’excentrer vers l’Est. Toutefois, avec les travaux d’extension du métro jusqu’à Ain Naâdja, au Sud-Est d’Alger et du tramway au-delà de Bordj El Bahri, à l’extrême Est, et en dehors de toute inspection des prix, tout porte à croire que les prix vont encore flamber dans les communes «Extra-muros». . Néanmoins, cela va tirer leurs habitants de l’isolement et des affres du transport dont ils ont tant souffert. Les souscripteurs de la formule AADL qui viennent d’acquérir les clés de leurs logements à Heuraoua, n’en demandent pas autant. Il en sera de même pour ceux des Eucalyptus, où la grande gare ferroviaire d’Alger est prévue au quartier Kourifa, sur la route d’El Harrach.

En tout cas, longtemps considéré comme zone défavorisée et à hauts risques durant la décennie noire, le flanc Est, qui ne compte pas moins de 15 communes de la Wilaya d’Alger et qui par ailleurs le plus peuplé, est entrain de reprendre sa cote d’antan. Dans ce sens, le marché de l’immobilier s’en trouve fortement influencé. Car tout est fait par l’Etat pour réhabiliter et améliorer le cadre de vie dans cette région. Cela explique surement le choix porté sur plusieurs communes de l’Est d’Alger, telles que Rouiba et Réghaia, pour la construction des logements sous les différentes formules (AADL, LPA…). Aussi, la transformation de la décharge publique de Oued Smar en lieu de villégiature, l’aménagement d’une partie de la corniche d’Alger en ‘‘promenade des Sablettes» ainsi que l’édification des «grands» mosquée et stade d’Alger, sis à Mohammadia et Baraki, portent un autre regard sur Alger- Est. Et d’après certaines sources, le transport maritime, via la baie d’Alger, est même envisagé ; ceci pour une meilleure connexion entre les deux et pour la fluidité de la circulation. Parallèlement à ces projets, de nombreuses opérations d’éradication de l’habitat précaire, qui a proliféré à l’Est d’Alger, sont entreprises par les services de la Wilaya d’Alger. Les assiettes foncières seront remplacées par des buildings à la «New- Yorkaise», affirme-t-on. Cela rentre dans le cadre du plan (2012- 2029) de développement de la ville d’Alger qui aura le standing des grandes villes du monde, a tenu à nous déclarer R. Zhigha, architecte-urbaniste parmi les concepteurs de ce projet. Le seul point noir à signaler, est qu’aucun projet d’implantation du siège d’une grande administration ou d’un ministère n’est prévu à l’Est d’Alger, pour le moment tous concentrés au centre et sur les hauteurs d’Alger.

POUR UNE DIRECTION «DES PRIX DE L’IMMOBILIER» AU MINISTERE DU COMMERCE

Malheureusement, face à toutes les infrastructures qui sont mises par l’Etat au profit des citoyens, force est de constater qu’elles sont, à chaque fois, traduites par les réseaux mafieux du foncier et de l’immobilier, à leurs vils desseins. En effet, près avoir surhaussé les prix de l’immobilier dans les hauteurs puis à l’Ouest d’Alger, devenant hors portée même pour les nantis, les barons de l’informel se tournent maintenant vers l’Est de la Capitale. Comme nous le confirme H. Sofiane, promoteur immobilier, au courant de leur astuce : «Ils utilisent l’argument du développement d’Alger-Est pour élever les taux de l’immobilier. Le but est de récupérer le déficit de la «chkara» qui leur file de l’autre côté d’Alger dû fait de la chute du pouvoir d’achat des citoyens. Pour cela, ils standardisent les prix sur tout Alger, explique ce polytechnicien. Sur ce dérèglement du marché de l’immobilier à Alger, il nous indique qu’ en dehors d’autres paramètres, la logique voudrait «que dans une ville, les prix de l’immobilier varient selon la zone et au sein même de la zone selon le quartier». Il est vrai que toute ville au monde qui se respecte, doit préserver ses quartiers résidentiels ; pourvu qu’il n’y ait pas de précarité de l’habitat. Le citoyen quant à lui, a droit au luxe ou au confort du logement, selon ses moyens. «C’est comme acheter la même paire de chaussure dans un magasin de luxe ou dans une grande surface. Il n’y a que le prix qui différe», nous dira un ancien habitant du chic quartier du Télémly qui vient de bénéficier d’un logement AADL au vétuste quartier de Oued Ouchayeh, à l’Est d’Alger.

En attendant le relogement des habitants de ce dernier quartier, l’institution d’une direction des prix de l’immobilier, au niveau du ministère du commerce, est plus que nécessaire, estime M.Ouchène, professeur à l’université d’Alger et spécialiste en marketing. Cela au vu que dans tout marché, il y a «l’élasticité» de l’offre et de la demande et que par ailleurs les intervenants dans le domaine de l’immobilier doivent opérer dans un cadre légal et surtout réglementaire ; ceci pour barrer la route aux perturbateurs du marché et à l’informel, note-t-elle.