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Evolution positive et stabilité , that's the question ?

par Kamel Kacher *

L'Algérie, dit-on, est un pays exportateur net de stabilité !

Cependant, à nos différentes frontières et au-delà, dans la région MENA existe un réel et dangereux sentiment d'insécurité. Cette situation critique, les physiciens la nomment comme état d'équilibre instable ou position du perchiste sur une corde raide.

Par ailleurs, les islamistes algériens ou ceux qui se prévalent de cette mouvance de " l'islam politique " sont en embuscade, au sens figuré du terme et attendent leur heure de gloire pour prendre leur revanche politique sur la République, ils se positionnent en régime de stand-by et de wait and see, tout en ayant accaparé des pans entiers de secteurs névralgiques pour le pays.

Ils ont compris que le nerf de la guerre est l'économie (l'argent) et le spirituel, ou l'endoctrinement de la société est systémique, sachant que les sentiments de mal vie et d'abondant jouent comme lame de fond dans la société algérienne.

On les trouve dans l'économie informelle, les mosquées, les écoles, les universités et dans beaucoup d'autres secteurs, occasionnant des dégâts que l'Etat est dans l'obligation de prendre en considération. Constatant aussi que la société algérienne est faible, enfermée dans la violence gratuite et la corruption primaire, accusant un déficit de sociabilité et de vivre ensemble. Dans la sérénité et le calme, une évolution positive du système est possible. Sans printemps et sans révolution. Tout en restant stable.

Le pays sera incapable de supporter une nouvelle fois la dérive et le coup d'octobre 1988. Il faut juste changer les paramètres de gouvernance ou la médiocratie sera remplacer par la méritocratie, la gérontocratie par la jeunesse, l'opportunisme par la compétence et le tribalisme par la diversité nationale. Une évolution positive sereine dédiée à la refondation effective de toutes les institutions pérennes de l'Algérie, aussi bien civiles, que militaires et paramilitaires, ou la justice sociale et la moralisation de la vie politique serait le plus important chantier. Par ailleurs, le coût de l'instabilité politique et sécuritaire pour l'économie nationale et la vie sociétale, l'Algérie connait le prix : Les chiffres les plus crédibles de la décennie noire et des vingt cinq dernières années font ressortir pour le pays des pertes d'actifs et de manque à gagner de plus de 40 milliards de Dollars US , la perte de 200 000 morts en vies humaines, soit 200 milliards d'Euros en assurance-vie, la prédation de plus de 70% de l'économie algérienne par la sphère informelle, comme conséquence directe de la tragédie nationale.

La mise en jachère, le détournement criminel et la déperdition de millions d'Hectares de terres agricoles, l'exode rural sauvage de millions de familles, dépassant celui de 1962, vers les grandes villes, avec toutes les conséquences calamiteuses sur le cadre de vie, la ruralisation forcée et l'urbanisme sauvage qu'on leur font subir.

La perte de plus d'1 million d'emplois qualifiés et la fermeture de milliers d'entreprises publiques, pourvoyeuses d'emplois stables et rémunérateurs, l'augmentation conséquente d'un chômage endémique, la division par 3 de la part de l'industrie dans le PIB algérien. L'émigration " forcée " de l'élite algérienne, bien formée et compétente, par centaines de milliers, vers des cieux plus cléments, ce qui chiffrée, donne une perte estimée au bas mot à trois cent cinquante(350) milliards d'Euros en manque à gagner.

Sans oublier les sommes colossales dédiées aux corps constitués, englouties ces vingt cinq dernières années, pour défendre la république d'abords, puis depuis 2005, pour combattre " le terrorisme résiduel ", la criminalité et le banditisme et pour le maintien de l'ordre public, estimées à au moins 30 milliards de Dollars US par an, ce qui donne une somme de trois cent (300) milliards de Dollars US sur les vingt cinq dernières années.

L'Algérie a perdu donc plus de 1100 (mille cent) Milliards d'Euros, en vies humaines, en dégâts matériels, en manque à gagner. Sans parler des dommages collatéraux et du retard en développement pris depuis 1985 et jamais rattrapé à ce jour, soit prés de 1500 Milliards de Dollars US. Soit presque deux fois de ce que l'Algérie a engrangé comme recettes depuis 1999 à ce jour. Cette somme colossale économisée et investit aurait pu propulser l'Algérie sur l'orbite du progrès et du développement durable. La réalité, est toute autre.

La régression du pays est visible à l'œil nu sur tous les plans, moral, économique, éducatif et culturel, urbanistique et qualité de vie, sans parler des séquelles psychologiques irréparables, subies, et qui auront des répercussions pénibles sur plusieurs générations d'algériens. L'Algérie, pour les trente années à venir, à l'horizon 2040, n'a d'autre voie que de passer d'une économie de subsistance à une économie de développement avec un mode d'investissement social. Depuis l'indépendance, le temps perdu est colossal, un énorme gâchis. Alors que l'Algérie avait tout, pour réussir un décollage fantastique. Pour sortir de l'agonie généralisée et comateuse dans laquelle se trouve l'Algérie et afin d'avoir une vision positive, en même temps que la refonte institutionnelle préconisée, il faut proposer au peuple un projet structurant et sociétal consolidant. Ce projet peut être la réalisation de Pôles d'intégration et de recherches appliquées et technologiques d'excellence scientifique (PIRATES), des technoparks, en lieu et place de zones industrielles(ZI) dépassées par le temps et archaïquement en retard sur le plan technologique et aménagement du territoire à l'exemple de la ville Sidi Abdallah. Ces pôles PIRATES seront dédiés essentiellement à la fabrication industrielle, R&D, bureaux d'études, à la conception et la réalisation industrielle prototypée, à l'obtention de licences de fabrication et de brevets d'inventions, aux chaines de fabrication de produits finis, de composants, d'accessoires et de services , particulièrement performants et innovants, à la commercialisation et marketing, à la recherche de partenariat et de financement public privé. La faisabilité de ses pôles pirates sur une dizaine de Wilayas sur une période de cinq années est réelle, par un montage financier bancable et un investissement raisonnable, avec toutes les commodités de vie et de travail pour les personnels et leurs familles, dans les meilleures formes de ce qui se fait de part le monde, du point de vue architectural, aménagement du territoire et de bien être.

Des villes équipées et dotées des meilleurs équipements urbanistiques et de loisirs. A l'image de la Silicone Valley aux Etats Unis et Sofia Antipolis en France. Sur le plan financier et fiscal, ces pôles activeront comme des zones franches sur une période de vingt années minimum, avec un statut juridique et législatif particuliers de villes stratégiques, incubateurs de développement durable.

Les domaines privilégiés doivent être choisis minutieusement, mais la possibilité de donner un aperçu est comme suit :

L'industrie pharmaceutique, la biotechnologie, le génie génétique, la nanotechnologie et ses applications immédiates en médecine et dans l'industrie électronique, la robotique et les TIC, la conception informatique, supports et création de logiciels , les nouveaux matériaux de construction et la signalétique routière informatisée , la conception et la fabrication des équipements pour l'industrie énergétique (conventionnelle et renouvelable), les équipements aéronautiques, les équipements et accessoires pour tous les moyens de transport usités, l'industrie électronique de pointe et l'équipement électrique industriel, etc. Cette liste est non exhaustive.

Ces activités permettront de créer, étalées sur les 10 Wilayas choisies, et après les cinq années de réalisation, pas moins d'1 million d'emplois permanents et hautement qualifiés, des milliers de PME/PMI en aval et permettront de remplir le carnet de commande d'une centaine de milliers (100 000) d'entreprises sous-traitantes sur le territoire national. En sus qu'en amont, ses activités donneront un vrai départ à l'agriculture en boostant l'industrie agroalimentaire, la création d'infrastructures d'accueil, l'hôtellerie, le BTPH, les activités touristiques, culturels et de loisirs, le transport et la restauration, etc.

Pour les 10 Wilayas choisies, pour accueillir ces pôles, elles doivent être réparties stratégiquement avec une vision sur 50 années. Les mieux indiquées parmi ces Wilayas sont : Tipaza, Djelfa, Ouargla, Ghardaïa, Oran, Annaba, Boumerdès, Timimoune, Bechar et Tamanrasset. D'autres choix peuvent faire l'objet éventuellement. Ainsi sortira de terre dix villes- Pôles d'excellence, nouvelles, d'une capacité de 150 000 à 200 000 âmes, réparties équitablement sur le territoire national. Alors seulement on pourra envisager le retour au bercail et la récupération de nos contingents d'élites émigrées de la diaspora et les compétences nationales marginalisées, en leur offrant les mêmes conditions de vie et de rémunération que dans leurs pays d'accueil respectifs, sinon meilleurs, vu qu'ils vivront et travailleront dans leur pays d'origine. L'impact psychologique positif et l'effet pédagogique sur le reste de la population, habituée par la politique post-indépendance d'assistanat et d'aide sociale sans contrepartie ni effort consenti seront incommensurables, voyant que le travail, le mérite et la compétence sont compensés à leur juste valeur, que la réussite ne peut être obtenue que par l'effort fourni. La refonte du mode de gouvernance est réalisable en commençant par diminuer progressivement, pas plus de 10%/an, le budget sécuritaire et son transfert vers la sphère civile. La somme annuelle ainsi économisée sera dédiée exclusivement au développement économique et social.

Il faut aussi diminuer progressivement les achats groupés d'équipements, d'accessoires et de pièces de rechanges, civils, militaires et sécuritaires et leur remplacement graduel par des produits fabriqués ou montés localement, avec un taux d'intégration non inférieur à 70%, en créant des usines, des industries militaires pour les besoins de tous les corps constitués. Les économies ainsi faites iront renforcées les efforts déjà fournis en éducation, en santé publique et en infrastructures .Les recettes fiscales et les revenus financiers, engrangés, par l'exportation d'hydrocarbures doivent non pas rester une rente classique, mais une réelle source financière, parmi d'autres, dédiée au développement économique.

Le secteur énergétique doit être une branche industrielle comme les autres, ou la rentabilité des projets est primordiale, afin de développer une industrie énergétique performante, avec un taux d'intégration technologique maximal et la création de valeur ajoutée optimale, en fabricant et commercialisant des produits finis, de qualité mondiale et hautement concurrentiels sur les marchés internationaux. A l'image des grandes compagnies énergétiques de par le monde.

Cela permettra l'adhésion franche et enthousiaste des forces saines du pays pour un véritable envol économique et social. L'histoire particulière d'un pays comme l'Algérie, ou le peuple a tant souffert, pendant des siècles de vassalisation, de privations, ensuite du colonialisme français, donc du déni de droits humains les plus élémentaires, a aujourd'hui un besoin vital de reconsidération, d'estime de soi et de développement réel et effectif. Des tentatives de politique de développement tout azimut ont été essayées pendant l'ère Boumédienne, mais sans réelle réussite. La cause était simple et limpide et persiste à ce jour dans les différentes institutions de l'Etat, aussi bien civiles que militaires. La loyauté politique primait sur la compétence et l'intégrité morale, la cooptation, le copinage et le tribalisme prévalaient sur la méritocratie. C'est devenu une seconde nature, pour ne pas dire une mentalité. Pour les spécialistes de l'économie politique ce type de système a pour nom le féodalisme, version 19éme siècle. Les conséquences du " changement " politique brutal, imposé par la rue, pour les pays voisins de l'Algérie (Tunisie, Libye, Maroc et Egypte), depuis 2011 à ce jour, nous interpellent. Selon que le changement a été relativement Soft (le Maroc, la Tunisie un peu moins) ou Hard (L'Egypte, la Libye).

Sur une période de 3 années seulement, la Tunisie a vu son PIB divisé par 3 et ne pourra revenir à celui de 2010, en valeur équivalente, qu'après quatre décennies, selon un pronostic optimiste, le Maroc, quant à lui a perdu le 1/6 du PIB sur la même période : retour à la norme 2010 dans 3 décennies.

Pour l'Egypte, la déperdition du PIB est plus forte, puisqu'il a été divisé par 4 et le retour à la normale ne se fera qu'à l'horizon 2060, soit après 50 ans. La Libye, comme cas particulier et comme pays non " industrialisé " de la zone MENA, ne peut être soumis à aucun pronostic économique, par manque d'éléments et de données crédibles et valables, pour une analyse scientifique et argumentée.

Ce qu'on peut dire, c'est que rien ne présage à un optimisme béat et que les horizons socio-économiques et politiques sont très sombres pour les prochaines 50 années. L'Algérie, pour sa part, a subit des " changements " sanglants et dramatiques dans les années 90, et subit toujours les retombées économiques néfastes, dues à la crise financière de 1985 et a payée un tribut énorme. Les pays voisins traversent aujourd'hui, ce que l'Algérie malgré elle, a déjà subit, avec des fortunes diverses. Le niveau du PIB algérien, en pouvoir d'achat équivalent, d'avant 1985, n'a été atteint que très récemment, soit trente années(30) après, sans parler des autres préjudices négatifs subis par la société algérienne et qui n'ont pas encore trouvés solutions. Au lieu de perdre du temps précieux pour la Nation à la recherche perpétuelle d'un compromis instable pour le partage du pouvoir, aux décideurs de trouver une issue raisonnable, valable et honorable. Il faut être à la hauteur des sacrifices de tout un peuple et des responsabilités dévolues pour la gestion d'un grand pays comme l'Algérie et avoir la crainte de Dieu pour ce qu'à subit ce peuple et entrain de subir. Donner de l'espoir aux algériens, primer l'intérêt suprême de l'Algérie.

* Global Risk Management Expert Director of the Kasher Institute of