Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Crise des pays émergents, suite (et pas encore fin…)

par Akram Belkaïd, Paris

La crise était annoncée depuis l’été dernier et elle ne devrait donc surprendre personne. Alors que celles des Etats-Unis et de l’Europe demeurent convalescentes, les économies émergentes affrontent une tempête monétaire qui, de l’avis de nombreux experts, ne fait que commencer. L’Argentine, la Turquie, l’Indonésie, l’Afrique du Sud mais aussi le Brésil, l’Inde et la Russie : tous ces pays voient ainsi leurs monnaies nationales plonger. Plus grave encore, ils affrontent aussi une fuite de capitaux libellés en devises fortes notamment en dollar américain.
------------------------
LA FAUTE A LA FED
------------------------
D’Ankara à Buenos Aires, c’est la panique et les Banques centrales tentent vaille que vaille d’arrêter le mouvement soit par le biais d’achats sur les marchés de monnaie locale (ce qui revient mécaniquement à en augmenter la valeur, du moins pour un temps), soit par un relèvement des taux d’intérêt. La Turquie vient ainsi de faire passer son taux de base de 7,75% à 12%. Mais il n’est pas sûr que cela arrête l’hémorragie. Dans les marchés où il n’existe pas d’obstacle aux flux des capitaux, ce qui est la caractéristique peu ou prou des principaux pays émergents, les dollars investis hier dans ces places reprennent en masse le chemin des Etats-Unis.
 
La raison en est connue. La Réserve fédérale a enclenché la réduction de ses achats mensuels de créances douteuses des banques qui sont passés de 75 à 65 milliards de dollars dès ce mois-ci. Du coup, les marchés spéculent sur une prochaine hausse des taux de la Fed et se disent qu’il sera bien plus rentable de placer leurs capitaux sur le marché américain.

Cela d’autant que la faible inflation ne devrait pas altérer la valeur de leurs placements. Et les pays émergents ont beau protester, l’institution monétaire de Washington continuera à appliquer sa stratégie de pilotage des taux avec pour seuls objectif et préoccupation celui de garantir la croissance de l’économie américaine.
------------------------------------------------------
VERS UNE NOUVELLE CRISE FINANCIERE ?
------------------------------------------------------
La période qui s’ouvre est donc un test. Il s’agira de voir si oui ou non les pays émergents ont la capacité d’encaisser le choc et de réagir. Certains pourraient être tentés par une remise en cause de la convertibilité de leur monnaie ce qui leur fera perdre leur attractivité. D’autres vont certainement jouer la carte de la hausse des taux au risque de freiner leur propre économie et de pénaliser leurs entreprises. Enfin, reste le recours à la dévaluation.

C’est ce qui se passe dans certains pays comme l’Argentine, la population n’ayant pour seule issue que d’acheter des dollars, légalement ou au marché noir, afin de se prémunir contre la chute du peso. Plus de douze ans après une terrible crise, le pays se voit obligé ainsi d’accepter une «re-dollarisation» de son économie.
 
Quelles seront les conséquences de ce qui apparaît être comme une nouvelle crise des pays émergents ? Pour répondre à cette question, il faudra suivre de près l’évolution du secteur financier. De nombreuses banques ont financé l’essor de ces économies et vont peut-être essuyer des pertes importantes dans les prochains mois comme ce fut le cas avec la Russie ou le Mexique dans les années 1990. En clair, de nouvelles turbulences dans le secteur bancaire globalisé ne sont pas à exclure dans les prochains mois.