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«La Kabylie orientale dans l'histoire. Pays des Kutama et guerre coloniale» : Une fresque de la Numidie hors champ

par A. Mallem

Voilà que la Kabylie orientale révèle son historien. C'est dans le prestigieux musée Cirta Constantine, que Kitouni Hosni a présenté son livre «La Kabylie orientale dans l'histoire. Pays des Kutama et guerre coloniale», consacré à ce que les natifs du pays appellent «El Kabaile El Hadra» cette région de hautes cimes enclavée entre Jijel et Collo et dont la limite sud est Mila. Paru à Paris chez L'Harmattan, le livre vient de faire l'objet d'une nouvelle édition chez Casbah Edition à Alger. Mais quid de la Kabylie orientale ? Nous n'en savons pratiquement rien pour la simple raison que ni les historiens français, ni les auteurs arabes ne lui ont consacré d'étude digne d'intérêt. Connue à travers quelques stéréotypes aussi mal venus que flairant le mépris, cette région est pourtant d'un point de vue historique une riche contrée qui a apporté son obole de hauts faits d'arme et de singulier héroïsme. Tacfarinas et Firmus (ces deux héros de la guerre contre les Romains) sont passés par là et tout récemment encore, la guerre de libération nationale en a fait le fief imprenable de ses Djounouds. Rattachée à la Grande Kabylie par sa géographie, elle s'en distingue pourtant par tout le reste : c'est ce à quoi nous invite Kitouni Hosni : découvrir comment une identité propre s'est construite sur les pitons boisés de ce pays du chêne.

S'attaquer à un sujet aussi complexe quand on manque à ce point de sources n'est pas une mince affaire. «Pourquoi, s'interroge l'auteur, la Kabylie orientale, le pays des Kutama, berceau d'évènements historiques considérable dont les répercussions ont touché tout le Maghreb et le Moyen-Orient, est-elle restée hors du champ des études historiques ?». C'est pour réparer cette «injustice» que l'auteur s'est attelé «durant cinq années», nous dit-il, à compiler les rares sources, sillonnant le pays, récoltant la tradition orale, fouinant dans les archives des communes et de la wilaya de Constantine, pour reconstituer le puzzle de la grande histoire du pays des fameux Kutama. Le résultat semble être une réussite. «La Kabylie orientale dans l'histoire», nous fait découvrir une magnifique fresque allant des premiers habitants de la Numidie jusqu'à la conquête coloniale.

En tous les cas, le public convié à la rencontre de l'auteur n'a pas manqué de manifester son intérêt pour un travail d'une importance décisive pour la recherche historique. «Voilà enfin un ouvrage qui rend justice à une région de notre pays dont on a si peu parlé», nous a confié un professeur de littérature qui enseigne dans un lycée de Constantine. «Le mérite de cet ouvrage n'est pas seulement d'exister, et en cela l'auteur mérite les remerciements, mais aussi et surtout d'avoir posé les questions de fond sur le territoire, l'origine, l'identité, la langue et les coutumes, et enfin de montrer comme les faits historiques ont façonné ces catégories de populations», une ancienne journaliste à la retraite. Et un professeur de langues, originaire de la région de Jijel, de conclure. «Ce qui est remarquable dans ce travail ce que l'auteur, dans sa recherche, combine une méthodologie de recherche historique à l'approche anthropologique. C'est donc une approche globale. Et à ce titre, le livre de M. Kitouni constitue incontestablement un évènement éditorial».

L'ouvrage est partagé en deux parties. La première est consacrées à démontrer comment s'est constituée à travers l'histoire, l'entité «K'bailes Hadra», avec ses particularités, et où l'auteur traite de la constitution des tribus selon des sources et références différentes, mais où l'oeuvre de Ibn Khaldoun a une place prépondérante. La seconde partie est consacrée à la conquête coloniale, la résistance à la pénétration française et les terribles répressions qu'ont eu à subir des populations qui n'ont jamais accepté d'abdiquer et toujours prêtes à se soulever, seules ou avec d'autres régions du pays.

Notons, pour terminer, que l'auteur a été l'invité du dernier salon international du livre d'Alger (SILA) où il a signé son livre et qu'il prépare actuellement une rencontre avec les lecteurs de Jijel.