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La Chine, première puissance commerciale du monde

par Akram Belkaïd, Paris

Il y a dix ans, on attendait cela pour 2020, mais la Chine aura, finalement, été en avance sur ce rendez-vous hautement symbolique. En effet, et selon les statistiques publiées par Pékin, le pays que l’on désignait, jusque-là, comme étant le plus grand atelier du monde, est devenu la première puissance commerciale du globe, à la place des Etats-Unis. Les chiffres des Douanes chinoises sont en effet éloquents : en 2013, les flux commerciaux (somme des exportations et importations) ont atteint 4.160 milliards de dollars soit une hausse de 7,6% par rapport à 2012 (le gouvernement espérait un taux de 8%).
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APRES LE COMMERCE, LE PIB ?
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En 2009, la Chine avait déjà ravi à l’Allemagne la place de premier exportateur mondial et cela est resté le cas depuis. En 2013, ses ventes à l’étranger ont progressé de 7,9%, à 2.210 milliards de dollars, soit l’équivalent de dix fois les réserves de change de l’Algérie ou 80% du Produit intérieur brut (PIB) français…

La nouveauté réside dans le fait que Pékin maintient ses importations, à un niveau élevé. Ces dernières ont progressé de 7,3% à 1.950 milliards de dollars et, plus important encore, les experts insistent sur le fait qu’il ne se s’agit pas, uniquement, de matières premières destinées à alimenter les usines mais aussi de biens et produits manufacturés. Bien entendu, le solde commercial chinois reste impressionnant à 260 milliards de dollars ( 12,8%) mais la diversification des importations et la progression du flux total des échanges donne du crédit à l’idée qu’après les Etats-Unis (et, il y a très longtemps, la Grande-Bretagne), la Chine est, désormais, le nouveau géant commercial de la planète. Et la prochaine étape est connue de tous. D’ici 2020, peut-être même avant, le PIB chinois dépassera celui des Etats-Unis. Ce jour-là, il y a fort à parier que Pékin revendiquera un leadership mondial plus accru même s’il conviendra de relativiser cette prééminence puisque exprimé par tête d’habitant, le PIB des Etats-Unis restera plus élevé.
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UN ENTHOUSIASME FORCE ?
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En attendant, de nombreux experts ont été surpris par le caractère très démonstratif de la satisfaction chinoise. Jusque-là, Pékin a toujours fait preuve de retenue, expliquant, à qui veut l’entendre, notamment ses voisins asiatiques, qu’elle ne se voit pas en tant que grande puissance, capable de rivaliser avec les Etats-Unis, avant plusieurs décennies. Parfois, les dirigeants chinois en font, tellement trop, en matière de modestie, qu’ils ont même tendance à agacer (ou inquiéter) leurs interlocuteurs. Alors pourquoi faire montre d’autant de joie pour des chiffres du commerce extérieur qui risquent d’être corrigés ou relativisés par ceux – non encore publiés – des Etats-Unis ?

A en croire plusieurs spécialistes de l’ex-Empire du milieu, ce serait la preuve de l’inquiétude des dirigeants chinois, en ce qui concerne l’évolution de leur économie. Crise de l’endettement des provinces, doutes sur la solidité du système financier, perspectives de croissance morose pour les pays développés qui restent les premiers clients de la Chine (au premier rang desquels se trouve l’Union européenne, devant les Etats-Unis) : tout cela laisse entrevoir une année 2014 plutôt incertaine. Est-ce donc pour se rassurer que Pékin triomphe ? Est-ce pour renforcer la confiance des opérateurs locaux ? On le sait, l’économie est aussi affaire d’état d’esprit et les mois prochains diront si ce titre de champion numéro un du Commerce mondial a porté chance à la Chine ou si cette dernière a crié victoire trop tôt.