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L’OMC malgré tout…

par Akram Belkaïd, Paris

Encore quelques jours et il est possible que l’on n’entende plus parler de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), du moins pas dans sa forme et sa mission actuelles... C’est hier mardi qu’ont débuté dans l’île indonésienne de Bali les négociations ministérielles pour un accord sur la libéralisation des échanges mondiaux et personne ne croit à un résultat positif. En effet, il n’y a même pas de projet de texte à discuter et ce n’est donc pas ce neuvième round de pourparlers qui va faire aboutir le cycle engagé lors de la Conférence de Doha en 2001.
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LA QUESTION DES SUBVENTIONS
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Une chose est certaine, et de l’aveu même de Roberto Azevedo, le nouveau directeur général de l’OMC, la portée des discussions est limitée puisqu’elles ne concernent plus que 10% du projet initial concocté à Doha. Mais même les thèmes retenus (facilitation des échanges, agriculture et développement) posent problème surtout en ce qui concerne le volet agricole. L’objet de la discorde entre pays en développement et les grandes puissances ainsi que l’OMC concerne les stocks agricoles. Ce bras de fer met d’ailleurs en relief l’inanité du dogme libre-échangiste que ses fidèles partisans continuent de présenter comme la solution absolue aux problèmes économiques de la planète. L’un des arguments en la matière est de répéter à l’envi que l’accomplissement du cycle de Doha créerait 34 millions d’emplois sans que l’on soit vraiment sûr de la pertinence et de la fiabilité des études qui ont conduit à ce chiffre…

D’un côté, les pays en développement veulent avoir la capacité de constituer des stocks pour contrôler les prix et éviter que les populations pauvres ne soient pénalisées par une hausse des cours des produits agricoles comme ce fut le cas entre 2007 et 2009. De l’autre, l’OMC se cantonne dans une position rigide estimant que l’existence de stocks gérés par les Etats s’apparente à des subventions. Or, comme chacun sait, la pensée néo-libérale abhorre les subventions et ne croit qu’à l’efficience du marché (même quand ce dernier se dédouble entre un marché physique et un marché financier où les quantités de produits échangées – qu’il s’agisse de pétrole ou de café – n’ont rien à voir avec la moindre réalité…).

Le plus étonnant dans l’affaire, c’est que les pays riches ne se privent pas de subventionner leurs agricultures. L’Europe et sa politique agricole commune en est un exemple flagrant. Aux Etats-Unis, les cotonniers savent se faire entendre du Congrès et qu’importe si les subsides qui leur sont alloués provoquent la ruine de leurs homologues du Sahel. Enfin, de nombreux experts reconnaissent aujourd’hui que l’une des pires mesures prises concernant le cacao ivoirien fut de supprimer la capacité de l’Etat à faire jouer des mécanismes de compensation pour les cultivateurs.
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UNE DISPARITION NON-SOUHAITABLE
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Faut-il pour autant se réjouir de l’enlisement de l’OMC ? L’une des grandes tares de cette organisation est son incapacité à penser l’échange commercial dans un autre cadre conceptuel que le libre-échange à tous crins. On l’a vu dans certains cas, à l’image du fameux « oignon indien » (la protection de la production intérieure a évité la faillite de nombreux producteurs) ; une certaine dose de protectionnisme est nécessaire, ce que refuse d’entendre cette institution. Mais, aussi défaillante soit-elle, l’Organisation mondiale du commerce a cela de positif qu’elle repose sur le multilatéralisme. Son échec définitif signifierait le retour en grâce des traités bilatéraux où c’est la loi du plus fort qui s’impose. Qu’ils le veuillent ou non, les pays en développement ont ainsi intérêt à ce que la bataille des négociations commerciales continue de se dérouler au sein de l’OMC.