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Tout en affirmant n'avoir rien contre Rebrab -Benyounès : L'usine Michelin a été cédée à un prix sous-évalué

par Salem Ferdi

Les actifs de Michelin Algérie ont-ils été sous-évalués comme cela se passe en général en Algérie dans les transactions immobilières avec un prix déclaré chez le notaire et une grosse partie versée en dessous de table ?

Pour la seconde fois au moins en quelques semaines, le ministre du Développement industriel et de la Promotion de l'Investissement Amara Benyounès a réitéré implicitement l'accusation d'une cession sur le modèle informel dominant dans le secteur de l'immobilier. Une raison suffisante, selon lui, pour que l'Etat mette en œuvre son droit de préemption. Le gouvernement, a-t-il indiqué, exercera son droit de préemption en cas de «cessation d'activité» d'une entreprise ou lorsque le prix de la transaction est «sous-évalué». A la fin du mois dernier, le ministre avait révélé que le montant de la transaction entre Cevital et Michelin Algérie était de 1,7 milliard de dinars. Un montant qu'il a estimé très bas. Si Michelin veut vendre à ce prix, l'Etat est prêt «donner les 1,7 milliard plus les 10% du droit de préemption sur cette usine ». Le prix de cession est effectivement bas pour un bien immobilier se situant à Alger. Ce qui a amené certains à suggérer l'explication de ce prix que le passif de l'entreprise et l'indemnisation des travailleurs n'ont pas été pris en compte. A l'évidence, les autorités ne sont pas convaincues par l'argument. Pas plus sur l'argument qu'une augmentation de capital n'entre pas dans le cas de cession d'actifs prévus par la LFC 2009.

ARTIFICES

Les pouvoirs publics considèrent que l'entrée de Cevital par le biais formel d'une augmentation de capital n'est qu'un artifice pour masquer une cession d'actifs entrant dans la configuration du droit de préemption. Pour Amara Benyounès, un «libéral» qui se retrouve à mettre en œuvre une disposition dite «anti-libérale», le prix de cession de l'usine Michelin de Bachdjarrah, à Alger, est «très insuffisant». Sans compter - et c'est l'argument qui avait été avancé dès le début - qu'il s'agit d'une «désindustrialisation» puisque la «nouvelle» société Michelin Algérie passe de la production au commerce. Amara Benyounès insiste sur le fait que le recours au droit de préemption n'a pas pour objectif de brider M.Issad Rebrab et qu'il n'existe pas une cabale contre le plus grand patron privé algérien. « Nous exerçons le droit de préemption sur la vente de l'usine de Michelin et peu importe qui est l'acheteur. Ce qui nous intéresse, c'est le vendeur et le prix de vente», a-t-il indiqué. Et pour preuve de sa bonne foi, Amara Benyounès a annoncé qu'il a signé, mardi, à cinq renonciations à la mise en œuvre du droit de préemption pour des cessions d'actifs. Cela concerne, a-t-il indiqué, des petites entreprises « qui ont vendu à un prix raisonnable et dont l'activité n'a pas cessé». Dans le cas de Michelin Algérie, il y a effectivement un arrêt de l'activité industrielle doublé d'une cession à un prix « non-raisonnable ». «Nous n'avons aucun problème avec le groupe privé Cevital mais nous avons un problème avec les (modalités) de cette transaction».

ARGUMENTAIRE VICTIMAIRE

Il s'agit, à l'évidence, de prendre à rebours l'argumentaire victimaire régulier d'Issad Rebrab, dirigeant du plus grand groupe privé algérien, qui critique régulièrement des entraves des pouvoirs publics. Le patron de Cevital cultive en effet cette image d'un entrepreneur entravé et parfois même discriminé en faveur des étrangers comme pour le choix de Qatar Steel pour le lancement d'un complexe sidérurgique à Bellara. Et il y a, bien entendu, ses critiques récurrentes sur les entraves de la Banque d'Algérie à ses projets d'investissements à l'étranger. Récemment, Issad Rebrab, a indiqué qu'il n'attendra pas indéfiniment la Banque d'Algérie pour réaliser ses projets à l'international. Il a indiqué que son groupe pourrait lever des prêts chez les Brésiliens et les Chinois pour le faire. D'où l'insistance de Benyounès sur le fait que Cevital n'est pas visé mais que l'Etat conteste les modalités de la transaction sur le cas de Michelin Algérie et le prix de cession.