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L'acte d'apprendre, une réponse

par L. Kherzat *



En date du mardi 27 août 2013, dans débat, page 6, monsieur le Professeur Abdelkader Khelil a fait paraître une analyse judicieuse sur la jeunesse et l'école algérienne, portant comme titre : «De l'école citoyenne à celle de nos espoirs déchus».

Le Professeur a certes fait une analyse très pointue mais qui a pêché par une insuffisance totale de l'apport de certains aspects non reconnus des jeunes de son âge qu'il loue peut-être un peu trop.

Que Monsieur m'excuse, j'ai sensiblement son âge et peut être je le dépasse de quelque dizaine années. Venons au travail d'analyse de Monsieur Le professeur:

1.- votre analyse ne se charge que de ce qui est négatif et ne mobilise à aucun moment le bon côté de la chose étudiée. D'une manière générale et d'emblée, vous généralisez, ce qui est faux. Vous pensez que l'ensemble des jeunes " réprouvent d'une façon inconsciente l'acte d'apprendre", il me semble que vous avez trop tiré sur l'élastique et votre jugement a perdu de sa valeur parce qu'il est d'abord général, et ensuite, nous sentons qu'il ya là une absence prolongée de l'activité auprès de ces jeunes. Disons seulement, vous êtes trop longtemps resté éloigné de ces jeunes.        Le vrai problème est à voir dans une autre facette qui est probablement due à la personne adulte que nous sommes : en effet, comment voulez-vous responsabiliser un jeune de moins vingt ans, quand l'état lui donne à gérer des milliards ?  Vous me comprenez Cher Monsieur Le professeur ! C'est vrai Hier la responsabilité et le partage s'acquièrent à la première enfance par une morale judicieusement orchestrée par les parents, les enseignants et leur milieu. Mais aujourd'hui, nous appliquons l'adage du Curé : " faites ce que je dis et ne faites pas ce que je fais " Nous ne donnons plus l'exemple à prendre. Chacun sait où rechercher l'exemple : l'internet, chose qui n'existait pas du temps de votre jeunesse. Rappelez-vous : il fut un temps proche où nous ne savions point pianoter sur une Remington pour faire un texte. Mais aujourd'hui, notre enfant est capable de vous montrer des choses dont vous n'êtes point capable de savoir utiliser. Quant au gain facile, est ce que nous ne sommes pas responsable de cet état de chose ? Il est peut -être vrai que l'illettrisme est devenu la chose facile à conquérir et c'est aussi dû à nos fameux exemples que nous fournissons à nos enfants. Il suffit de regarder dehors pour s'apercevoir de cette réalité amère : Le fils de X se balade en bagnole extra luxe alors qu'hier, toute sa famille n'avait rien ou presque rien. Ne me comprenez pas d'une manière gauche et ne me taxez point d'envieux ou de jaloux. Il faut apprendre à nos enfants à verser dans la légalité et ne leur montrer que ce qui est bien : l'œuvre produite par les efforts de soi.

Revenons un peu sur ce qu'il y a de bon chez ces jeunes : vous savez que nos jeunes aujourd'hui sont capables d'apprendre plus par leurs propres moyens que d'attendre que vous puissiez leur en communiquer. Ils se sont constitués en réseaux sociaux et communiquent entre eux mieux que jadis, nous.

Le monde d'aujourd'hui est plus ouvert pour eux que pour nous. Les jeunes d'aujourd'hui voyagent plus que nous et nous savons que les voyages forment la jeunesse. C'est vrai qu'il nous semble que notre jeunesse était plus une jeunesse dorée, que celle des jeunes d'aujourd'hui. C'est vraiment le contraire, hier, nous étions obligés de prendre le bus, le train ou l'avion pour voyager alors que les jeunes d'aujourd'hui, voyagent à travers les zones hertziennes : le monde entier est à leur disposition.           Cette expérience les exposent à d'autres types de réflexions que nous n'avions pu obtenir qu'à un âge assez vieux et par des apprentissages qui nous ont coûté énormément d'efforts et d'énergie.

Je voudrais dire que les jeunes d'aujourd'hui, sont plus nantis que ceux de la dernière génération ; ils sont plus au fait de tous les événements que nous ne le fûmes hier, vu l'extrême vitesse à laquelle l'information circule et surtout c'est parce qu'ils possèdent un esprit qui parvient à saisir très rapidement ce que nous ne pouvions le faire hier. Donc, Cher professeur, n'allez pas pleurer sur leur sort et dites tout simplement que leur génération est différente de la nôtre. Essayons - donc de nous mettre à la page pour acquérir les outils que ces jeunes utilisent pour développer leur raisonnement. Ne sommes-nous pas dépassés par les événements ? Ne nous ont-ils pas appelés d'un mot parfois comique : "périmés", donc " dépassés par les événements ".

C'est vrai la société de notre génération avait besoin de connaitre certains auteurs qui agrémentaient nos soirée d'hiver autour d'un feu. Mais aujourd'hui, c'est l'âge de la découverte du futur et non l'analyse du moment par des outils dépassés. En effet, l'informatique suit un régime nouveau, les découvertes avancent d'une manière exceptionnelle. Parfois, je me pose la question : est-ce que ces jeunes ont un esprit normal comme le nôtre ou bien différent ?

S'il est normal, donc, ils sont plus intelligents que leurs ainés puisqu'ils parviennent par des voies détournées à comprendre l'enfer du monde moderne avec tous ses attirails électroniques et qui ne peuvent être compris que par eux-mêmes. Enfin ce qui est certains le double défis dont parle notre aimable professeur, à, savoir : "acquisition du savoir universel et préservation de notre authenticité " ne peut aller de paire avec le monde moderne, la mondialisation. Nous ne pouvons avoir un esprit capable de réunir ces deux éléments venant de types d'horizons très divergents.

On opte soit pour la mondialisation ou on demeure à l'extérieur de la sphère déjà tracée par les grands de ce Monde.

L'ECOLE D'AUJOURD'HUI A-T- ELLE FAILLI A SA MISSION OU REGARD SUR LE SYSTEME EDUCATIF ?

Il me semble que la réponse se trouve aujourd'hui chez les jeunes qui se sont insérés dans les sociétés autres que la leur. Nous pouvons citer combien de jeunes issus de cette école appelée souvent de l'handicape. Ils ont pu s'intégrer dans divers domaines où la concurrence était rude et la paie conséquente.  

Rappelons aussi ce que voudrait un jeune, c'est la joie de bomber son thorax devant ses camarades quand cela est possible. En effet, nos jeunes sont souvent téléguidés par des principes hasardeux et visant la plupart du temps le social. Or, le jeune voudrait se montrer, briller parmi ses confrères. Vous pouvez me reprocher peut -être l'égoïsme du jeune, c'est vrai, mais vous ne pouvez pas le forcer à aller à la philanthropie excessive et exigée par notre société. Combien de jeunes m'ont répété que "chez nous, le jeune ne vit pas ".Cette affirmation est certes lourde de sens. En effet, les jeunes voudraient d'abord vivre de la même manière que tous les jeunes du monde et ensuite, ils voudront choisir le mode de vie qui les arrange. Donc, tous ces jeunes s'attachent tout d'abord aux réseaux sociaux : ils vivent, en somme, en autarcie par rapport à la génération qui est au-dessus. Donc, l'école telle qu'elle s'effectuait auparavant, ne peut les comprendre et ne peut s'ouvrir à leur désir. Nous devons donc changer de méthodes et de moyens pour pouvoir d'abord les comprendre si nous voulons que ces jeunes nous comprennent. Autrement, tant que la vieille génération est aux commandes et qu'elle ne désire point se faire détrônée, l'incompréhension sera le maître mot de la situation et le fossé se creusera davantage entre les deux générations. Il me semble que l'incompréhension devrait être levée pour que les deux générations redeviennent de véritables vases communicants. Il ne s'agit pas d'une faillite du système, mais tout simplement d'une incompréhension de génération nantie de tous les outils modernes que les vieux n'eussent éprouvé le besoin de les comprendre. A juste raison, quel est l'ancien qui a tenté de comprendre les messages que s'envoient les jeunes, à travers les médias sociaux??.etc. En quelque sorte ceci n'incombe pas à la jeune génération, mais bien plus à l'ancienne. Les Jeunes peuvent nous reprocher leur éducation qui ne coïncide avec la réalité de nos jours. En tant que nostalgique, Monsieur     Le Professeur a raison de reprocher à ces jeunes beaucoup de choses qui ne répondent pas à l'éducation de la génération passée.

Il me semble qu'il ne s'agit pas de programme, ni de commission Benzaghou, ni de lister les besoins attendus par les anciens, mais il aurait fallu d'abord se dire que peut-on réaliser avec les nouveaux outils que possèdent les jeunes aujourd'hui ? A partir de là, nous essayerons de fabriquer tout un programme qui pourrait utiliser les nouveaux outils que le monde moderne a livrés à ces jeunes, tout en intégrant le passé et le futur. Là, nous aurons répondu avec justice aux aspirations des jeunes d'un côté, et aux vœux des anciens.

Quant à l'enseignement -apprentissage de bourrage n'incite point les enfants d'aujourd'hui au désir de l'apprentissage. N'oublions pas que nous avons donné à ces jeunes de très mauvais exemples : Les parents ne payent plus leurs impôts d'une manière allègre pour leur permettre d'en tirer le profit nécessaire, mais au contraire, la citoyenneté est totalement éclipsée, si ce n'est, totalement évacuée de nos dires pour montrer aux jeunes comment éviter de perdre des sous. Où est donc, la morale ? Qu'elle soit morale sociale ou religieuse ? C'est là que notre école a axé tous ses efforts sur l'apprentissage mémoriel au lieu d'effectuer un apprentissage-enseignement basé sur la réflexion de l'humanisme. Evidemment dans un travail tel que celui-ci, il n'y a plus de place à l'esprit d'analyse et à l'humanisme.

Nous sommes toujours préoccupés par l'apprentissage-enseignement que nous devons fournir aux jeunes algériens, mais nous n'avons jamais pensé à ce que ces jeunes savent déjà faire pour les rendre plus en adéquation avec les outils disponibles qu'ils savent manipuler. En effet, nous oublions trop vite que jeune algérien aimerait d'abord se lancer dans les travaux qu'il rencontre sur son chemin avant d'aller vers l'inconnu. Nous avons donc oublié la méthode qui nous demande d'aller du simple au complexe, c'est-à-dire du connu vers l'inconnu.

La véritable réflexion serait donc d'amener notre enfant du connu vers l'inconnu, c'est à dire partir du connu et aller vers l'inconnu. C'est avec cet effort que nous pensons arriver à lui assurer la base nécessaire à la réflexion et pouvoir créer chez lui l'homme de demain. Donc, il nous incombe de le pousser à réfléchir selon les stratégies que la nature ou le monde moderne lui offre. Le système éducatif actuel n'est point atrophié ou mal pensé, c'est parce qu'il n'épouse pas la réalité du terrain, sa philosophie ne prend pas en charge l'ensemble des composantes du monde moderne pour raison, nous citerons seulement un cas : Nous continuons à ignorer les savoir-faire que le jeune algérien maitrise probablement mieux que son père et nous continuons à l'obliger à s'exercer à la plume sergent major de jadis comme nos ainés nous l'ont fait auparavant. Nous avons soufferts des châtiments qui nous ont été imposés et nous voulons les répercuter aux générations à venir. Est-ce une vengeance, une nostalgie ou tout simplement, à défaut d'une réflexion, nous continuerons à imiter le passé, parce que le passé pour nous est la seule chose que nous avons su nous rappeler.

 Nous n'avons pu faire autre chose que celle d'imiter le passé qui nous a été inculqué par nos ainés, mais nous ne l'avons pas imité d'une manière sereine, mais parfois détourné et même parfois à l'envers.

* Ex inspecteur, enseignant