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Des vacances sans vacance du pouvoir

par Cherif Ali

Les membres du gouvernement se contenteront cette année de congés au format japonais. Ils ne bénéficieront que d'une courte pause estivale.

Pour le président, le Premier ministre et le gouvernement, les vacances sont, quasiment, réduites à leurs portions congrues ! Deux semaines pour les ministres et une seule semaine pour le Premier ministre et le président.

Le premier ministre promet, quant à lui, de rester " en vigilance " et compte imposer des vacances " minimalistes " pour ses ministres. Il s'emploie, déjà, à convaincre son équipe de ne pas s'éclipser trop longtemps. " Ne pars pas en vacances ; aurait il déjà écrit à plusieurs de ses ministres. Tous les ministres ont été priés de rester " joignables et mobilisables " et si possible, à moins de deux heures de la capitale. Chacun devra avoir en tête " une rentrée chargée en défis, et intense, avec des sujets aussi majeurs pour les citoyens que la réforme des retraites, qui doit être présentée au conseil des ministres dès le 18 septembre, le financement de la protection sociale, l'assainissement des finances publiques, mais aussi la réforme de la formation professionnelle. Le président de la République a demandé, par ailleurs, à chacun de ses ministres, de se pencher pendant l'été, sur la thématique " Le pays, à l'horizon 2023 " et de lui faire des propositions en conséquence.

" Ça va vous faire des devoirs de vacances", aurait il plaisanté, alors que ce thème sera bien à l'ordre du jour de la rentrée gouvernementale. Penser le pays à l'horizon 2023, c'est assurer la continuité avec le plan d'investissement sur dix ans, c'est ce que dit le premier ministre corroborant les instructions du président de la République.

" Des devoirs, on savait qu'on en avait, des vacances, on ne savait pas ", aurait lancé, avec humour, l'un des ministres proches du président.

Crevés, les ministres ? Ils sont plusieurs, -tous en off-, à regretter de ne pas pouvoir profiter d'une pause plus marquée. On n'est pas des surhommes, encore moins des mécaniques, souffle l'un d'eux.

Il faudra pourtant se contenter du minimum de vacances et si possible, rester au pays, a affirmé le président de la République.

Mais pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de faire aussi sobre pour ses vacances ? Il y a, au moins, deux raisons à cela.

La première, c'est que les années précédentes, les ministres ont donné le sentiment qu'ils ne démarraient pas assez vite après leur nomination et la formation du gouvernement ; donc ça a cassé une dynamique !

Et la deuxième raison, c'est qu'en période de crise, comme celle qu'on traverse, on ne va pas, évidemment, étaler sa richesse ; qu'il y ait une mise en scène de la cohérence entre le gouvernement et la société qui souffre, semble quelque chose de normal. Et puis le chômage lui, il ne part pas en vacances.

Ces ministres qui râlent en off, bombent, en public, le torse pour dire à l'unisson : " nous ne pouvons pas nous plaindre, nous avons été appelés à une tâche difficile et nous considérons que c'est un honneur que de servir le pays. Comment les ministres, vont il passer leurs vacances ? Le ministre de l'industrie a dit qu'il allait se consacrer à l'écriture et entamer le troisième chapitre, de son nouveau livre.

Le ministre de l'agriculture pour sa part, prendra des vacances " dans l'ouest ", avec un ouvrage de l'historien Fernand Brandel, sous le bras.

Tel autre, occupera le terrain médiatique, par des interviews et des communiqués qu'il postera sur son blog.

Avec tout ça, un ministre, parmi les plus diserts, a refusé de se dire "crevé ": Au risque d'être traité de fayot par les autres membres du gouvernement, il s'applique à occuper le terrain, à travers d'incessants déplacements dans le pays profond.

Ce même ministre a ajouté en souriant : " Toutes ces spéculations sur les vacances des ministres font sourire. C'est quand même la gauche, qui a inventé les congés payés ! C'est un comble ", ajoute-t-il.

Je vous vois surpris amis lecteurs, vous pensez vraiment que je parlais de nos ministres ? Que nenni ! Il s'agit de ceux de " Fafa ", qui se sont exprimés dans leurs journaux, pour livrer leurs sentiments sur les restrictions qui leurs ont été imposées par leur président, en matière de vacances, et " les devoirs studieux " qui leurs ont été assignés par ce même président.

Et puis, franchement, si un de nos ministres, pendant ses vacances, s'attaquerait au 3e chapitre de son livre, ça se saurait, d'autant plus que ça serait, presque ou complètement, inédit !

Les nôtres, j'y viens ! Comme leurs collègues d'Outre-mer, ils piaffaient d'impatience " de décrocher " de leurs bureaux et d'aller faire trempette dans des lieux paradisiaques? pour sortir de la monotonie du Club des Pins et de Moretti !

Déjà, lors d'un périscoop du Soir d'Algérie, on a appris que beaucoup de membres du gouvernement attendaient le mercredi passé, avec impatience.

A en croire des sources sûres, c'était la date fixée par Abdelmalek Sellal, pour trancher la question d'un éventuel départ en congé pour les ministres. Beaucoup d'entre eux, n'ont pas pu d'ailleurs, programmer des vacances avec leurs familles, selon quelques indiscrétions recueillies. Une date a été même avancée ! Le 14 août 2013, avant que le premier ministre n'intervienne, pour semble-t-il, mettre fin au sujet des vacances des ministres " qui auraient été sommés de rester à leurs postes et de préparer la rentrée sociale ".

Le même premier ministre a clairement signifié aux membres du gouvernement " de faire le ménage " pour une rentrée sociale calme.

Le premier concerné par cette directive est certainement le ministre de l'éducation nationale, Abdelatif Baba-ahmed, qui s'est, d'ailleurs, très vite attelé à la tâche en procédant à un mouvement dans les rangs des directeurs de l'éducation des wilayas, ceux notamment qui ont été défaillants dans la gestion de l'examen du baccalauréat et des tricheries qui s'en suivirent.

Le ministre de la justice, lui aussi, semble concerné par la directive du premier ministre dans ce qu'il doit préparer comme " ressources humaines " aptes à cerner les affaires de corruption ,en général, et l'affaire Sonatrach- Khelil, en particulier, d'autant plus que le dernier nommé, a fait état de sa volonté de rentrer au pays et de se soumettre à la justice, " si on lui assure un procès juste et régulier ".

L'Education, la Justice, la Santé et aujourd'hui, les Postes et Télécommunications sont des secteurs en crise depuis 2012 et dont les responsables doivent apporter les réponses adéquates aux revendications de leurs travailleurs, au risque de voir le front social s'exacerber davantage.

Le ministre des affaires religieuses, n'est pas en reste, lui dont le département " ferme ses portes " en juillet, août mais aussi les mois qui suivent pour cause de " Hadj " et du départ de tous ses cadres en Arabie Saoudite. Et pourtant il a à faire avec cette montée des " Salafistes " qu'il faut contenir et aussi cette histoire de brouilleurs de téléphones dans les mosquées, avant, pendant et après la prière ; cela cause des désagréments aux usagers des trois réseaux téléphoniques et les gens de Diar.El.Mahçoul, notamment, en savent quelque chose, eux qui n'en finissent pas de se plaindre.

Que dire aussi du ministre du Tourisme qui n'essaye même pas de mettre à profit les crises sévissant en Egypte et en Tunisie, pour réajuster, en conséquence sa politique touristique : ne dit-on pas " Maçayeb qom inda qom akhar Faouaid ? " ? Mais bon.

Le Commerce enfin, sinon ou peut épingler presque tous les ministres, le commerce donc, qui continue à s'embrouiller avec les chiffres des commerçants qui sont restés ouverts pendant l'Aïd allant jusqu'à polémiquer avec des journalistes, alors qu'il est attendu de lui une intervention ferme, pour mettre fin aux hausses vertigineuses des prix : viandes blanches et rouges, fruits, vêtements, ou encore, ces tabliers d'écoliers qui sont proposés à 1000 Dinars pièce, au grand dam des parents qui ne savent plus où donner de la tête !

Et puis, franchement, qui pense à laisser son maroquin vacant et aller en farniente, alors que les clignotants aux frontières, sont en mode warning ?

Et que dans la wilaya d'Adrar, le feu a failli prendre, si ce n'était la sagesse et le sens de la responsabilité des autorités locales et des notables qui ont mis fin à ce conflit survenu entre Touaregs et Brebiches.

On apprend, avec soulagement, qu'un accord aurait été signé par toutes les parties en cause, ce qui est de nature à nous rassurer, en espérant que " les apprentis-sorciers " à l'origine des évènements seront neutralisés.

Parler donc de vacances à ce niveau frôle l'insouciance voire l'indécence.

Sellal, en toute responsabilité, a tranché : pas de congé pour les ministres ! Il y aura une continuité de l'Etat en Août et une présence continue dans les wilayas, que lui-même d'ailleurs, sillonne sans relâche.

Mais voilà, dans la conjoncture actuelle, cette omniprésence risque soit de lasser, soit de susciter la critique.

Elle risque de lasser, car déjà entendue les exercices précédents. Et puis présenter l'idée de " s'arrêter de travailler " comme un mal, comme quelque chose de négatif est incongrue pour ne pas dire démagogique. Il ne suffit pas de jouer aux " besogneux " pour monter dans l'estime de la population (à défaut de sondages).

Et puis, à contrario, on ne voit pas en quoi le fait d'empêcher, en pratique, les autres de se reposer va améliorer la gestion du pays.

Elle risque, aussi, de susciter la critique, oui certainement, car beaucoup seront enclins de dire, si les résultats ne sont pas là, qu'il ne s'agit que de " gesticulations " et " d'enfumage ".

A moins que le premier ministre n'ait décidé de maintenir l'exécutif en place, en perspective d'un remaniement qu'on dit imminent, ce qui serait de nature à faciliter "les passations de pouvoir". Et ce remaniement toucherait des ministres, prétendument indéboulonnables, en plus des ministres défaillants ou dont les secteurs sont en crise, comme cités supra.

Mais aussi des ministres de souveraineté, âge oblige, et pour être en parfait accord avec le discours prononcé, le 20 mai 2013 dans la wilaya de Sétif, par le président de la République !

Là, la décision de Sellal d'annuler les congés du gouvernement tiendrait la route, d'autant plus qu'il n'y a plus de temps à perdre, en matière :

" d'économie nationale qui se caractérise, encore, par l'absence de l'Etat, en tant que régulateur du marché.

" d'encouragement de l'investissement privé national, de stimulateur des I.D.E, de mise en place d'un réseau dynamique de P.M.E P.M.I, de lutte contre l'économie informelle, de l'économie de l'import-import, de celle qui est à l'origine de l'hémorragie des devises et qui a suscitée l'ire de Sellal.

" de réforme des finances et de la fiscalité locales à même de dynamiser les collectivités locales et, notamment, toutes ces communes moribondes qui ne survivent que grâce " aux subsides" du FCCL.

" du mode de fonctionnement des attitudes acquises et des comportements quotidiens de l'administration, centrale et locale, prise en otage par ceux se croyant indétrônables, du fait de leurs soutiens, souvent familiaux, ou de leur appartenance à une corporation qui se veut " élitiste ", suivez mon regard.

" de communication, tout azimut, pour régler tous ces conflits, qui montent en puissance, faute d'écoute, d'absence de politique de proximité et de prise en charge adéquates.

Congé ou pas, le président de la République s'est rappelé, pour sa part, au bon souvenir de tout le monde, à travers ses dernières audiences, qui ont valeur de messages et dont le plus significatif concerne le pouvoir qu'il continue à exercer, aujourd'hui plus que jamais.

Il a reçu successivement Abdelmalek Sellal et Gaïd Salah.

Au premier il a réitéré ses instructions " de bien préparer la rentrée ".

Avec le deuxième, la discussion a certainement portée sur la protection du pays contre tout danger, au moment où se sont instaurées des situations tendues aux frontières.

Opération de communication, magistralement réussie, avec à la clef une présence visible du chef de l'Etat, manifestement sur la voie du rétablissement.

Et échec et mat à tous ceux qui, à un moment ou un autre, ont essayé de surfer sur l'article 88 de la constitution.

En conclusion, pas de vacances pour les ministres, " car ministre ça ne dure qu'un temps et ministre, on doit l'être à 100 % ! (Nadjat Vallaud- Belkacem, membre du gouvernement Français).