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Trafic de carburants : Sale temps pour les hallaba

par Cheikh Guetbi

Avec les nouvelles mesures de lutte contre le trafic des carburants, la situation semble se gâter dans la région frontalière.

L'opération de creusage de tranchées le long de la frontière pour empêcher le passage des véhicules et des baudets des contrebandiers, le jaugeage par les différents services de sécurité du niveau du carburant dans les réservoirs des véhicules suspects et la rigueur, de « circonstance », au niveau de la frontière qui viennent s'ajouter à la limitation de la quantité servie au niveau des stations-service (l'équivalent de 500 DA pour les véhicules de tourisme et 2000 DA pour les camions) ont énormément ébranlé le milieu du trafic de carburants.

La mise en œuvre de ces mesures sur terrain, gonflée par la rumeur selon laquelle certains types de véhicules (R25, R21?), présumés utilisés pour le transport du carburant, ne doivent pas être servis en Sirghaz, ont accentué la psychose. Le résultat sur le terrain est palpable : « hibernation » des camions servant à la contrebande, retour au bercail des contrebandiers qui ont afflué de l'intérieur du pays, le déferlement habituel des véhicules dotés de réservoirs de petite contenance se fait moins important, les files de baudets transportant les jerricans vers la frontière se font rares et plus discrets. Conclusion : les nouvelles mesures ont réussi à limiter grandement l'activité laquelle se trouve actuellement au point mort et la tension s'est quelque peu relâchée au niveau des stations-service.

C'est le désarroi chez les hallaba lesquels semblent être en position de « wait and see ».

La grogne est perceptible au sein de la « corporation » dans les principaux pôles notamment les régions de Maghnia, Baba El-Assa et Zouia. « N'ayant pas trouvé de boulot, nous sommes 3 à avoir cotisé pour acheter cette R25. Maintenant que la situation s'est gâtée, nous allons rejoindre le rang des chômeurs », dira ce licencié en sciences économiques lequel nous présente ses 2 associés dont l'un possède un DEUA. A l'unanimité, les hallaba incriminent les centaines de hallaba qui sont arrivés de l'intérieur du pays avec des camions servant à faire dans la grande quantité et les prennent pour seuls responsables de cette situation qui les a grandement pénalisés. « La majorité des hallaba locaux utilisent des véhicules dont la contenance ne dépasse pas les 90 litres alors que les camions qui ont afflué d'ailleurs transportent jusqu'à 1000 litres avec la spécificité que ces camions travaillent en 3X8 ce qui présente bien sûr un sérieux préjudice à l'économie national », dira ce hallab du village frontalier de Boukanoun, lequel ajoute « je suis le seul à travailler dans la famille composée de 7 personnes. Maintenant je suis, à l'image de beaucoup de collègues qui sont dans ma situation, sans travail ».

Avec l'explosion du parc automobile que les différentes facilitations à l'acquisition des véhicules ont engendrée et la chute de la production causée par les différentes opérations de mise à niveau des raffineries, l'invasion du créneau par des centaines de camions venus de tous les horizons du pays est un autre facteur, et pas des moindres, qui a grandement accentué la crise ces dernières années et a fait atteindre le préjudice économique à une proportion alarmante. Selon les déclarations d'officiels, le préjudice atteint est de 1 million de litres par jour. Pour le moment le trafic est en déclin, les hallaba sont en attente et des concertations, dans les milieux officiels, sont en cours pour qu'une solution réaliste soit trouvée. « La solution au problème est simple : réduire d'abord le fléau en exigeant un motif valable à la présence dans la wilaya des camions immatriculés ailleurs tel un contrat de travail, transport de marchandises? puis penser des programmes spéciaux pour la création d'emplois dans les pôles de trafic et procéder à des quotas de recrutement identiques à ce qui a été appliqué au sud du pays pour enfin s'attaquer radicalement au phénomène », propose ce hallab qui se dit outré par ces mesures répressives. En effet, il est reproché aux pouvoirs publics leur nonchalance dans la lutte contre ce fléau à ses débuts. « C'est le mutisme des pouvoirs publics qui a favorisé le phénomène lequel a vidé l'agriculture et le bâtiment de leur âme et qui souffrent actuellement du manque flagrant d'ouvriers », dira cet enseignant lequel signale au passage le travail au noir généralisé au vu et au su de tous les services pratiqué dans les 2 secteurs cités.