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Le bâtonnier national se dit satisfait : La loi sur la profession d'avocat divise les robes noires

par A. Zerzouri

«Exit» le projet de loi portant organisation de la profession d'avocat. En approuvant avant-hier le projet de loi en question, les députés ont mis fin à un feuilleton juridico-administratif dont le suspense, long d'une quinzaine d'années, aura duré jusqu'au bout.

Jusqu'au bout sera le bras de fer - entre les avocats et la tutelle, et jusqu'au bout il aura provoqué la division et suscité une vive polémique dans les rangs des robes noires qui, pour certains d'entre eux, les avocats du barreau d'Alger particulièrement, ont continué à critiquer la position de l'UNBA et son président, tout en manifestant leur rejet du projet de loi régissant la profession d'avocat, jusqu'au jour même où il a été soumis au vote des députés le mardi dernier. Les robes noires qui appréhendaient le « sceau » de la tutelle sur sa mouture finale, craignant une limitation des droits de la défense et croyant dur comme fer qu'il ne sera pas tenu compte des amendements introduits par l'Union nationale des barreaux algériens (UNBA) autour de 19 articles du projet initial soumis à l'approbation par le gouvernement, ont anticipé la protesta, appelant au gel du projet et criant au scandale pour ce qui est des graves dérives qui guetteraient la profession avec la promulgation de la nouvelle loi. Mais, il s'avère que les inquiétudes soulevées par les uns et les autres autour de quelques articles se sont dissipées après le vote des députés.

Nous avons vainement tenté hier de joindre maître Silini pour avoir sa réaction après le vote des députés. Pour sa part et en tant que président de l'UNBA, Maître Lenouar Mostefa qui a subi toute la pression de ses pairs et de la tutelle, nous a avoué hier toute sa satisfaction face au résultat jugé «positif» qui a été obtenu à l'issue d'innombrables réunions avec les directeurs centraux du ministère de la Justice et d'assemblées générales houleuses des robes noires. « Nous nous réjouissons de l'issue du vote des députés qui a répondu favorablement à nos aspirations professionnelles », souligne maître Lenouar Mostefa d'un air de fierté. Une fierté qu'il veut opposer, dans les règles du respect, à ses détracteurs qui l'ont accusé de tous les noms. « Je ne voulais pas me prononcer ou répliquer aux accusations qui me ciblaient afin d'éviter toute polémique stérile qui perturberait la sérénité des débats des députés, mais aujourd'hui et sans rancune aucune je dirais que le résultat est là pour prouver tout à fait le contraire de ce qui se disait de méchant autour de ma personne, et Dieu seul sait que je n'ai pas lésiné sur l'effort, au détriment de ma santé, pour trouver des solutions aux articles gênants et qu'on rejetait dans la fond et dans la forme», a-t-il laissé entendre. Rappelons que le président de l'UNBA n'a jamais abandonné sa sérénité et sa confiance quant à une issue «bien arrangée» du dossier.

Pour précision, et d'après la copie de la loi organisant la profession d'avocat votée par les députés, dont un exemplaire est en notre possession, le fameux article 24, devenu article 25, a été modifié, de sorte que l'incident d'audience n'est plus laissé à la seule appréciation du président de l'audience, en cela il a été plutôt question d'un recours au règlement à l'amiable à plusieurs niveaux. Aussi, la perquisition d'un bureau ne peut se faire sans la présence du président de l'ordre des avocats ou son délégué, et le barème des honoraires a été finalement laissé à la libre appréciation du justiciable et de l'avocat.

Sur un autre plan, alors que les avocats revendiquaient la création d'une école nationale dédiée à la formation, la nouvelle loi plaide pour la création d'écoles (au pluriel) régionales pour la formation des avocats et la préparation des candidats au CAPA. En somme, comme le soutient maître Lenouar Mostefa, les textes ou les articles de la nouvelle loi organisant la profession d'avocat sont bien meilleurs que ceux adoptés par des pays à la pointe de la démocratie et de la défense de l'état de droit. « Toutes les dispositions « fâcheuses » ont été aplanies grâce au concours du ministère de la Justice et de la commission juridique de l'APN, et aujourd'hui l'on peut affirmer que l'indépendance et les droits de la défense sont garantis par la nouvelle loi », soutient maître M. Lenouar. Et, au sujet de la réaction « hostile » de certains présidents de groupes parlementaires de l'Assemblée populaire nationale (APN), qui ont contesté, mardi à Alger, le «rejet» par la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de leurs propositions «substantielles» dans le cadre de l'enrichissement de la loi portant organisation de la profession d'avocat, estimant que la commission n'a adopté que des amendements introduits «sur la forme» concernant la terminologie sans pour autant changer le fond des articles qui touchent à l'indépendance et à la liberté de l'avocat, le président de l'UNBA dira « qu'ils font de la politique ».

Dans ce sens, il évoquera la position du président du groupe parlementaire du Front pour la justice et le développement (FJD), Lakhdar Benkhellaf, lequel a estimé que cette loi «ne sert dans sa mouture actuelle ni l'avocat, ni les magistrats et encore moins la justice algérienne», mais aura-t-il tenu les mêmes propos « si les députés auraient répondu favorablement à l'accès des licenciés en sciences islamiques à la profession d'avocat (?) », s'est interrogé maître Lenouar Mostefa. Ajoutant dans ce sens que « c'est le rôle des hommes politiques de se chercher des bases d'appui ». Pour précision, d'autres groupes parlementaires, ceux du PT, de l'alliance de l'Algérie verte et le FFS n'ont pas voté «pour», à cause «du rejet par la commission de l'APN des amendements proposés par leurs députés», lors des débats autour du projet de loi.