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L’or pâlit

par Akram Belkaïd, Paris

Mauvaise passe pour l’once d’or dont le prix est tombé la semaine dernière au-dessous du seuil des 1300 dollars. Déjà, en avril dernier, le métal précieux avait perdu 200 dollars en à peine deux séances. Selon la majorité des experts, ce recul devrait se poursuivre voire s’aggraver. Pour les analystes de Goldman Sachs, l’once se stabilisera tout de même autour de 1300 dollars à la fin 2013 et ne devrait valoir que 1050 dollars à la fin 2014. D’autres spécialistes la voient même passer sous la barre symbolique des 1000 dollars. Bien sûr, on reste loin des niveaux de la fin des années 1990 où l’or peinait à dépasser le cours des 300 dollars l’once mais le repli actuel est tout de même une mauvaise nouvelle pour les épargnants à la recherche de placements sûrs.
 
L’ECONOMIE AMERICAINE VA MIEUX, L’OR CHUTE
 
Il y a plusieurs raisons conjointes qui expliquent le recul du métal jaune. La première est directement liée aux déclarations de Ben Bernanke, le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed). Ce dernier a annoncé que la Banque centrale étasunienne allait progressivement diminuer ses injections de liquidités dans le secteur financier jusqu’à les cesser au milieu de l’année prochaine (ces injections consistent, entre autres, à prêter de l’argent aux établissements bancaires à des taux très inférieurs à ceux du marché afin de soutenir l’activité économique). Ce propos, basé sur les perspectives d’amélioration de l’économie américaine, a immédiatement fait monter le dollar par rapport à d’autres devises comme l’euro ou le yen (si une économie est solide, sa monnaie s’apprécie). Or, quand le dollar augmente, cela pénalise les détenteurs d’autres devises qui souhaitent acheter du métal précieux. En effet, comme les transactions sur l’or sont libellées en billets verts, il leur faut d’abord acheter du dollar et donc payer le prix fort du fait de sa vigueur.
La seconde raison relève de l’évolution des marchés boursiers. En signifiant que l’ère de l’argent gratuit ou presque est terminée, Ben Bernanke a provoqué un dévissage des marchés d’action. Pour compenser leurs pertes, les opérateurs ont donc été obligés de vendre de l’or ce qui a accentué l’effet baissier pour l’once. A cela s’ajoute le fait que l’appréciation du dollar s’accompagne par une hausse des taux d’intérêt. Pour les investisseurs, il devient dès lors moins rentable de placer leurs fonds dans le métal jaune puisque la vigueur des taux d’intérêt leur offre deux avantages : d’abord la possibilité de placements mieux rémunérés et, ensuite, l’assurance que l’inflation ne sera pas au rendez-vous durant les prochains mois (la hausse des taux est la meilleure garantie contre l’inflation voire l’hyperinflation). Du coup, l’or perd de son attrait. Il n’est plus un placement idéal et n’apparaît plus comme la valeur refuge contre l’inflation.
 
UNE VALEUR QUI RESTE SURE
 
Faut-il pour autant se résoudre à vendre de l’or ou à s’en détourner ? Rien n’est moins sûr. D’abord, la demande physique pour ce métal ne baisse pas. Les Banques centrales du monde entier continuent d’en acheter et les particuliers, notamment en Asie, ne sont pas près de s’en détourner. De plus, les paris de Bernanke sur un redémarrage de l’économie américaine sont risqués et rien ne dit que la Fed ne va pas être obligée de revenir à une politique monétaire plus accommodante en 2014 (par le biais d’une baisse des taux ou par de nouvelles injections de liquidités dans le circuit financier). Et cela profitera automatiquement à l’once de métal précieux. Le dilemme est donc réel. S’il faut se garder de vendre ses avoirs en or, la question reste de savoir quand est-ce qu’il sera rentable de se remettre à en acheter. A 1000 dollars l’once ? Mais qui peut être sûr qu’elle ne baissera pas à 900 dollars avant de repartir à la hausse…