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Le Qatar fait son marché (suite…)

par Akram Belkaïd, Paris

Combien de milliards de dollars le Qatar aura-t-il dépensé en 2013 en matière de placements et d’investissements à l’étranger ? La question n’est pas anodine, car l’émirat qui détient les troisièmes réserves mondiales de gaz naturel est devenu l’un des acteurs principaux de la recomposition de la scène capitalistique mondiale. Selon les estimations qui circulent à la City de Londres, le Qatar devrait ainsi dépenser un minimum de 50 milliards de dollars cette année en prises de participations boursières ou en acquisitions directes.
 
INVESTISSEMENTS DANS L’ENERGIE ET LA FINANCE
 
Récemment, et à en croire le site financier Wansquare, Qatar holding, l’un des bras armés de l’émirat en matière d’investissements étrangers, a augmenté sa part dans le capital de la compagnie pétrolière française Total. Cette dernière serait ainsi passée de 3% à 4,8% ce qui fait du Qatar le deuxième actionnaire de Total après le financier belge Albert Frère qui en détient 5,4% via ses multiples sociétés. On notera que le Qatar n’a pas franchi le seuil des 5% du capital ce qui l’aurait obligé à faire une déclaration officielle à l’Autorité française des marchés financiers (AMF). Par ailleurs, les spécialistes rappellent que Total est très impliqué dans l’exploitation du gaz naturel qatari et que les deux parties sont engagées dans un partenariat en Afrique. Qatar Petroleum Investment vient d’acquérir 15% de la filiale d’exploration/production de Total au Congo-Brazzaville. Un investissement stratégique qui contribuera au financement de l’investissement de 10 milliards de dollars de Total pour le développement du gisement congolais Noho nord.
La frénésie d’acquisitions du Qatar ne se limite pas à l’énergie ou aux investissements de prestige pour ne pas dire « bling-bling » (PSG en France, grands magasins à Paris ou à Londres,…). A ce jour, il détient 7% du groupe français Vinci, 12% de Lagardère, 5% de Veolia environnement, 1% de LVMH et 3% de Vivendi pour ne parler que des « pépites » françaises. En Allemagne, il détient 17% du capital de Volkswagen après avoir vendu les 10% qu’il détenait de Porsche. Le fonds souverain Qatar Investment Authority a aussi pris des parts dans Deutsche Bank et dans la banque russe VTB. Des opérations qui confirment l’intérêt de l’émirat pour le secteur bancaire et financier puisqu’il est déjà présent dans le capital des établissements suivants : Barclays, Crédit Suisse, Agricultural bank of China et Santander Brasil. Cinq ans après la crise financière de 2008, la présence du Qatar dans le secteur bancaire peut être interprétée de deux manières complémentaires. D’une part, l’émirat a profité de rachats à bon compte et, d’autre part, comme d’autres pays du Golfe, il a été encouragé par ses partenaires européens et étasunien à recycler une partie de ses gazodollars pour relancer l’économie mondiale, et plus précisément occidentale. Ainsi, ces négociations en cours entre Doha et Londres pour que le Qatar investisse 115 milliards d’euros dans les grands projets d’infrastructures britanniques (centrales nucléaires, champs d’éoliennes, etc.).
 
QUEL IMPACT APRES LE RETRAIT DE L’EMIR ?
 
Il reste à savoir comment va évoluer la politique d’investissement du Qatar dans la perspective des changements annoncés à sa tête. On le sait, l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani, 61 ans, devrait bientôt passer le témoin à son fils le Cheikh Tamim, 33 ans, tandis que l’ossature du gouvernement qatari devrait être profondément modifiée avec le retrait possible du très influent et remuant Cheikh Hamad bin Jassim al-Thani, 54 ans et actuel Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Pour autant, la majorité des experts estime que cette recomposition ne devrait pas bouleverser l’activisme financier du Qatar sur les marchés internationaux. A une réserve près : les dépenses de prestige pourraient être plus discrètes afin de contenir l’irritation croissante de la faction conservatrice de la famille régnante.