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La lutte contre la pauvreté patine

par Akram Belkaïd, Paris

Comment entériner et relativiser l’échec d’un programme de développement ? La réponse est simple : en en lançant un nouveau avec des objectifs plus ambitieux de façon à faire oublier que les précédents n’ont pas été atteints... C’est ce qui se passe avec les fameux objectifs dits du Millénaire (ODM) en matière de réduction de la pauvreté et dont le bilan sera établi en 2015. On sait d’ores et déjà que ce dernier sera négatif même si 500 millions de personnes dans le monde ont quitté la catégorie de la pauvreté extrême pour ne pas dire de la misère. Une catégorie définie souvent par un revenu quotidien inférieur à 1,25 dollar. Pour autant, il reste près de 2 milliards d’êtres humains pauvres qui restent à l’écart du développement et dont plus des deux tiers ne font qu’un seul repas par jour.

UNE NOUVELLE FEUILLE DE ROUTE

Il y a quelques jours, des experts ont remis au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et à l’Assemblée générale un texte stipulant que les objectifs prioritaires d’ici à 2030 devront être l’éradication de l’extrême pauvreté dans le monde et la promotion de l’économie verte. Elaboré par 27 personnalités -dont le Premier ministre britannique, David Cameron, le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, et la présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf-, ce texte est donc la nouvelle feuille de route en matière de développement durable pour 2015-2030.

Dans le détail, ce document auquel ont contribué la reine Rania de Jordanie, l’épouse de Nelson Mandela, Graça Machel, ou l’ex-directeur général de l’Agence française de développement, Jean-Michel Severino, propose de définir 12 priorités pour le développement. Outre la lutte contre la pauvreté, il prévoit la mise en place de stratégies pour l’égalité homme-femme, pour le développement de l’éducation, notamment chez les enfants, pour la santé, la sécurité alimentaire et l’accès universel à l’eau.

Fidèle aux préconisations des scientifiques en matière de lutte contre le réchauffement climatique, la feuille de route propose aussi le doublement de la part de l’énergie renouvelable dans le système énergétique mondial. De même, les pays riches sont appelés à consacrer 0,7% de leur Produit national brut (PNB) à l’aide au développement dont 0,15% à 0,20% seraient destinés aux pays les plus pauvres. A ce jour, il faut noter que rares sont les pays riches qui respectent ce taux de 0,7%, cela d’autant que la crise économique de 2008 et ses conséquences ont poussé la majorité d’entre eux à réduire leur aide de manière plus ou moins assumée.

UNE PETITE AVANCEE

A lire le document en question, on peut penser que les mêmes vœux pieux continuent à être énoncés à propos du développement comme celui qui consiste -quelle trouvaille- à appeler à la réduction des conflits afin d’améliorer le bien-être des populations. Mais, dans le même temps, il faut tout de même relever que le rapport écrit noir sur blanc qu’il est nécessaire de lutter contre les flux illicites de capitaux et la fraude fiscale.
Certes, ce n’est pas une mise en accusation directe des firmes transnationales dont le rôle en matière de frein au développement et de destruction de l’environnement n’est toujours pas reconnu par l’ONU. Mais, en pointant du doigt la fraude fiscale, activité dans laquelle les multinationales excellent, les experts ayant rédigé le rapport osent une critique implicite bienvenue. Il reste désormais à espérer que le plan 2015-2030 sera plus efficace que son prédécesseur.