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Tendance à la baisse des recettes d'hydrocarbures : Tir ministériel groupé contre les hausses de salaires

par Salem Ferdi



C'est comme un tir groupé qui a été lancé par les membres du gouvernement pour dire que les temps durs vont arriver et que les demandes d'augmentation de salaires ne sont pas de mise. Et alors que les recettes d'hydrocarbures s'annoncent à la baisse, le gouvernement a tenu à laver les entreprises pétrolières étrangères de tout soupçon d'évasion fiscale.

Le ministre du Travail, Tayeb Louh, en s'abritant derrière les craintes exprimées par les patrons des entreprises publiques, a pratiquement fermé l'idée d'une abrogation de l'art 87 bis du code du travail qui bride, depuis 1994, le SNMG en y incluant les primes. Les patrons publics auraient fait valoir que l'abrogation de l'article aurait des incidences financières insoutenables et que l'unique solution pour préserver l'équilibre des entreprises est de faire des compressions d'effectifs. Message on ne peut plus clair : si on abroge, on licencie. Donc garder le 87 bis, c'est garder l'emploi. Et Tayeb Louh le dit : quand on parle de compression, le gouvernement sort le « carton rouge ». Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a lui également envoyé une mise en garde contre les demandes d'augmentation de salaires, la tendance à la baisse des cours mondiaux du pétrole doit conduire à « plus de prudence ». Avertissement tout aussi clair aux travailleurs de la fonction publique : il ne faut pas trop tirer sur la corde et les hausses de salaires démesurées seront dangereuses. ''Le budget de l'Etat est comme le budget d'un ménage : si on dépense trop et qu'on tire trop fort sur la corde, on va tout perdre'', a-t-il dit en réponse à un journaliste qui l'interrogeait sur l'orientation du gouvernement quant aux dépenses de fonctionnement et notamment les salaires. Les hausses de salaires décidées en 2009 ont été faites pour des besoins de rattrapage ou de restructuration mais, a-t-il dit, « si on va au-delà, on mettra en difficultés l'avenir de nos équilibres budgétaires ». Le ministère des Finances a l'implacable arithmétique pour lui, les recettes pétrolières vont baisser et les dépenses de fonctionnement vont creuser le déficit. Seule assurance au tableau, le « niveau actuel » des salaires et des transferts sociaux ne sera pas touché.

MEME LES DEPENSES D'EQUIPEMENT?

Dans la foulée, le ministre a apporté une précision au sujet des mesures du gouvernement au profit des wilayas du Sud. Les entreprises n'ont pas reçu des ordres de recruter « plus » mais de veiller dans le cadre de leur programme « d'utiliser au maximum la main-d'œuvre locale ». Il n'en reste pas moins que le «recrutement» est mis en opposition avec les exigences d'augmentation salariale. «Il est évident que les entreprises ne pourront plus recruter, car c'est un élément de déstructuration de la situation financière de ces entreprises», a-t-il fait valoir. Même les dépenses d'équipement seront révisées à la baisse en cas d'aggravation de la baisse, le gouvernement aura alors à faire des arbitrages entre les projets en fonction des priorités. Après ce constat « inquiétant », le ministre passe à l'optimisme presque sans transition en affirmant qu'un effondrement des revenus d'hydrocarbures n'aura pas d'impact sur la croissance. Affirmation qui devrait faire sursauter les économistes. Il est vrai que le PIB hors hydrocarbures s'est multiplié par quatre mais il est très largement porté par la commande publique notamment dans le BTP. Karim Djoudi est cependant plus dans le « vœu » que dans la projection en souhaitant voir la demande privée ''se substituer graduellement à la demande publique'' en Algérie. ''Notre économie traverse un moment crucial parce qu'elle va devoir basculer d'une demande publique à une demande privée, ménages-entreprises voire exportations, qui tire la croissance. Il s'agit de passer d'une économie quasiment de rente à une économie de production''.

LES COMPAGNIES PETROLIERES LAVEES DU SOUPÇON DE FRAUDE

Les prochaines années risquent de ne pas être roses dans le secteur des hydrocarbures et la décision de BP de suspendre ? sans les annuler ? deux importants projets est un avertissement. Que le lancement avec Anadarko du gisement d'El Merk n'atténue pas totalement. D'où d'ailleurs chez Karim Djoudi un discours de défense des entreprises étrangères contre les accusations d'évasion fiscale. Le ministre a expliqué que des infractions ont pu être commises pour des raisons d'incompréhension de certaines dispositions fiscales mais que cela ne relève pas d'une évasion fiscale intentionnelle. 60 millions de dollars ont pu être récupérés par l'administration fiscale entre 2009-2011 à la suite de redressements faits à 19 compagnies étrangères activant dans le secteur des hydrocarbures. Mais le ministre a insisté : «Il ne s'agit pas d'une évasion fiscale volontaire. Ce sont juste des infractions essentiellement dues à l'incompréhension, par ces sociétés, de certaines dispositions fiscales. Parler d'évasion fiscale dans le secteur des hydrocarbures ou alors de contrebande me semble infondé», a dit M. Djoudi en réponse à une interpellation d'un député.