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Farouk Ksentini : «L'Armée doit être la seule gardienne de la Constitution»

par El-Houari Dilmi

«Les revendications des jeunes chômeurs du sud du pays dont je préside la Commission sont tout à fait légitimes et méritent toute l'attention des autorités concernées» a déclaré hier le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini, au micro de la Chaîne 3 de la radio nationale.

Interrogé sur le contenu du rapport remis au Premier ministre par la CNCPPDH au sujet justement des revendications des jeunes du sud du pays, Farouk Ksentini a précisé qu'il s'agit en fait d'une «mission de médiation dont la commission a été chargée pour aider à trouver des solutions idoines à ces graves disparités sociales dont souffrent les populations du sud du pays». Pointant du doigt les multinationales et la société Sonatrach qui «recrutent difficilement les jeunes chômeurs du Sud», le président de la CNCPPDH s'est dit «révolté par la cette sorte de préférence nationale accordée aux jeunes issus du nord du pays qui sont recrutés plus facilement que ceux du Sud, alors que ces derniers disposent des mêmes qualifications professionnelles» a-t-il ajouté. Interrogé sur ce que certaines ONG ont qualifié de «traite des personnes issues du sud du pays», Farouk Ksentini a déclaré que « même si nous n'avons pas la prétention de tout savoir, je peux vous assurer que la Commission que je préside n'a à aucun moment été saisie de quelque problème que ce soit lié à cette histoire inventée de traite des individus» a-t-il souligné.«Il s'agit d'une intox pure et simple» a-t-il martelé. Rappelant que les revendications de l'emploi et l'accès au logement restent les leitmotive des jeunes issus du Sud, avec une «exaspération qui atteint son paroxysme», Farouk Ksentini a pointé du doigt ce qu'il a appelé des «manipulations» dont sont victimes ces jeunes, sans identifier clairement les auteurs. Précisant qu'une copie du rapport sur la situation des jeunes chieurs du Sud et le Grand sud du pays a également été transmise au chef de l'Etat, le président de la CNCPPDH a estimé que les disparités ne se limitent pas aux seules wilayas du Sud mais concernent également d'autres régions du pays, comme l'ouest du pays et la Kabylie. «Dans l'Algérie d'aujourd'hui, je crois que de nombreux citoyens ont la malchance de vivre loin de la capitale, il faut absolument corriger cette injustice qui est en elle-même une atteinte aux Droits de l'Homme. Il n'y a aucune raison pour q'une région soit favorisée par rapport à une autre» a-t-il encore martelé.

«ARMEE, GARDIENNE DE LA CONSTITUTION»

Abordant un sujet d'actualité, celui lié à la révision de la Constitution, dont la Comission de rédaction a été installé ce lundi par le PM, Farouk Ksentini a réitéré son vœu de voir l'article 70 de la Constitution amendé pour «consacrer l'ANP dans son rôle de seule gardienne de la Loi fondamentale du pays»,estimant, dans ce registre, que le président de la République élu au suffrage universel «était lui garant de son bon fonctionnement, le souci premier étant de protéger le texte fondateur de la république algérienne contre toute manipulation ou trituration» a-t-il ajouté.

S'inspirant du modèle turque, le président de la CNDPH a indiqué que l'exemple de stabilité de l'ex-empire ottoman est un «cas d'école, et que l'Algérie gagnerait à le prendre pour exemple».

Manifestant son désaccord de voir l'article 2 de la Constitution abrogé, Farouk Ksentini a néanmoins estimé que si l'Islam était la religion de l'Etat, «cela n'empêche pas l'Algérie d'être un pays laïque, à ne pas confondre avec l'athéisme» a-t-il souligné. Estimant que les constantes nationales étaient le «véritable ciment du pays», Maître Ksentini a réitéré son souhait de voir la Justice «devenir plus juste et consacrée dans son indépendance, avec des moyens à la mesure de la mission ô combien complexe qui est la sienne ; il faut comprendre une bonne fois pour toutes que la justice n'est pas une industrie, ce sont des hommes qui rendent la loi au nom du peuple et il faut les considérer en tant que tels» a-t-il estimé, ajoutant que le «nombre d'erreurs judiciaires demeure encore élevé en Algérie».

Regrettant de voir le rapport de la Commission Issad sur la réforme de la justice «végéter dans un tiroir à cause de la paresse intellectuelle de certains bureaucrates patentés», le président de la CNCPPDH a cité l'exemple du code de procédures civiles et administratives le comparant à «un fatras de choses absolument inadmissibles». Rebondissant sur la prochaine révision de la Constitution, Maître Ksentini a émis le souhait de voir la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire «consacrée dans la prochaine Constitution», se disant contre ce qu'il a appelé «la République des juges». Se montrant favorable à une révision de la Loi fondamentale par voie référendaire et non parlementaire, le président de la CNCPPDH a souhaité voir la loi sur la profession d'avocat améliorée en consacrant les «droits sacrés de la défense» a-t-il dit. La peine de mort, la lutte contre la corruption qui prend, selon lui, «des proportions alarmantes et ravage l'image du pays à l'extérieur», et le report «inexpliqué» du procès Khalifa ont été les autres points abordés par Farouk Ksentini dans son entretien accordé à la radio algérienne.