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Les ambitions Institutionnelles des BRICS

par Akram Belkaïd, Paris

Le cinquième sommet annuel des grands pays émergents qui a débuté hier à Durban (Afrique du sud) est tout sauf un événement marginal. Réunissant les fameux BRICS, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, il est une nouvelle étape dans la remise en cause de l’ordre hérité de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est ni plus ni moins qu’une poursuite du basculement de la planète vers de nouveaux centres de décision plus indépendants de l’Occident en général et des Etats-Unis en particulier.
 
UNE NOUVELLE BANQUE, UN NOUVEAU FONDS
 
Que veulent les BRICS ? Leurs ambitions sont importantes. Il y a d’abord le projet de nouvelles institutions qui seraient concurrentes du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM). On le sait, ces deux organisations sont entre les mains des Etats-Unis et de l’Europe comme le montre le processus de désignation de leurs dirigeants ou la répartition des droits de vote dans leurs instances de direction. Les BRICS ambitionnent donc de créer une nouvelle banque internationale destinée à financer les grands projets d’infrastructures. Du coup, cela affaiblirait la Banque mondiale et cela donnerait le choix à d’autres pays qui pourraient de ce fait échapper aux règles drastiques et non dénuées d’arrière-pensées politiques qu’impose cette institution.
 
De même, et c’est peut-être encore plus important, les BRICS souhaitent la naissance d’un fonds international qui aurait comme mission de gérer une partie de leurs fabuleuses réserves de change (près de 5000 milliards de dollars à eux cinq). Dans ce cas, le FMI perdrait une partie de son pouvoir et de son influence, n’étant plus l’unique argentier mondial. Là aussi, cela donnera une plus grande marge de manœuvre pour les pays désireux de contracter des prêts ou de boucler leurs budgets. Dès lors, on comprendre pourquoi ni Washington ni l’Union européenne ne voient d’un bon œil les projets institutionnels des BRICS qui pensent aussi à créer une agence de notation, une structure de soutien pour les entrepreneurs et même leur propre système de classification des grandes universités mondiales.
 
Rien ne dit que les BRICS vont réussir là où, par exemple, les pays asiatiques ont jusqu’à présent échoué. On se souvient que ces derniers avaient envisagé de créer un Fonds asiatique destiné à concurrencer le FMI. C’était juste après la crise de la fin des années 1990 où l’intervention de l’argentier basé à Washington avait été particulièrement mal vécue en Asie. A ce jour, le projet existe encore mais il n’a guère évolué. Pour les BRICS, la réussite passe donc par l’adhésion des autres pays qu’ils soient émergents ou en voie de développement. Si ces derniers soutiennent cette démarche, alors on pourra estimer que le rééquilibrage institutionnel du monde est bel et bien enclenché. La partie de bras de fer ne fait donc que commencer comme en témoigne les tournées diplomatiques des dirigeants du FMI et de la Banque mondiale dont un volet concerne nécessairement leur volonté de contrer les velléités indépendantistes des BRICS.
 
L’ALGERIE DEVRA SE POSITIONNER
 
Cette évolution ne peut qu’interpeller l’Algérie. Comment se pays va-t-il se déterminer ? Restera-t-il dans le giron du FMI à qui, d’ailleurs, il vient de prêter de l’argent ? Va-t-il, au contraire, renouer avec ce qui paraît être un lointain écho du mouvement des non-alignés ? Les questions sont posées mais elles ne peuvent permettre d’éluder un point majeur. Pour avoir son mot à dire, l’Algérie et son économie devront d’abord entrer dans l’émergence. Ce qui, n’en déplaise à certains, est encore loin d’être le cas.