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Belgique: Base de recrutement pour les djihadistes ?

par M'hammedi Bouzina Med : Bureau De Bruxelles

Le pays découvre que de jeunes Belges s'engagent dans les combats en Syrie, Afghanistan et ailleurs. Les autorités politiques sont en alerte. Le débat sur l'islamisme politique déborde sur la question migratoire.

Les pouvoirs politiques belges s'interrogent, avec inquiétude, sur l'existence de réseaux de formation et de recrutement de jeunes candidats au «djihad islamique». Citant des sources sécuritaires, la presse avance le chiffre de plus de 60 jeunes belges, partis ces derniers temps vers la Syrie pour combattre auprès des groupes rebelles contre les forces de l'armée syrienne. Du coup, des associations à caractère islamique autant que les mosquées sont sous surveillance des services de renseignement et de sécurité ( Sûreté d'Etat).

 Rappelons qu'il existe plus de 400 mosquées agréées par les pouvoirs publics et représentées par un conseil : l'Exécutif des musulmans de Belgique.

Les responsables de cette instance qui vit des crises répétitives, en raison de luttes internes entre les différents courants de l'Islam et aussi entre les communautés d'origine, ne semblent pas maîtriser les risques de noyautage des mosquées par les filières djihadistes. Des imams professent, souvent, des discours marqués par le radicalisme religieux. Les responsables belges réfléchissent à une stratégie de «contrôle» du fonctionnement des mosquées, autant que les associations caritatives se prévalant de l'Islam. Et pour cause, l'Etat belge finance tous les cultes religieux et veut, par conséquent avoir un droit «de regard» dans la diffusion des idées et discours et jauger de leur compatibilité avec l'esprit des lois et de la Constitution belge. Le problème n'est pas simple : la Constitution belge prône la «neutralité de l'Etat en matière religieuse», tout en distribuant subsides et salaires aux responsables religieux (curés, imams, rabbins, etc.) C'est donc un vrai débat d'ordre politique et idéologique qui divise les constitutionnalistes et autres spécialistes en la matière. Le droit de regard (contrôle) des discours dispensés par les imams dans les mosquées ne contredit-il pas le concept de «neutralité de l'Etat ?». Pendant que les politiques sont embourbés dans ce débat, des parents de jeunes volontaires partis pour le combat en Syrie, en Afghanistan et ailleurs, s'inquiètent et interpellent les pouvoirs publics sur l'absence d'une réaction adaptée et ferme.

 «Les parents de jeunes partis pour combattre en Syrie et en Afghanistan sont désemparés et nous supplient de faire quelque chose», nous a déclaré un responsable associatif et ancien membre du Conseil de «l'exécutif des musulmans de Belgique». Plusieurs ministres ont fait des déclarations, ces derniers jours, pour tirer la sonnette d'alarme sur ce nouveau regain d'activisme de l'islamisme politique en Belgique. C'est le cas, notamment du ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, et de la secrétaire d'Etat à l'asile et l'intégration sociale, Maggie De Block. Cependant, cette volonté légitime et juste de vouloir lutter contre les courants radicaux de l'islamisme politique, dérive sur un autre discours, tout aussi pernicieux et dangereux, qui stigmatise les communautés musulmanes qui vivent leur foi en harmonie avec la société belge. En effet, comme par effet de ricochet, une soudaine campagne se dessine, mettant en cause les politiques de regroupement familial des étrangers installés dans le pays, ainsi qu'un durcissement des conditions des mariages mixtes. Après le «mariage blanc», un nouveau concept revient dans les médias et déclarations politiques : «le mariage gris». Le doute et la suspicion touchent les demandes de mariages mixtes, bien entendu ceux concernant les pays hors Union européenne. En clair, même si le pourcentage de mariages mixtes de complaisance est minime, ce seront les vrais mariages qui seront pénalisés. Voilà une nouvelle compétence pour les responsables politiques : juger du degré de sincérité et d'amour dans chaque demande de mariage hors Union européenne. Que la demande émane d'un immigré ou d'un Belge.