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Prolifération des locaux commerciaux dans les nouveaux quartiers d'Oran: L'appât du gain au détriment de la commodité urbaine

par Ziad Salah

La différence entre les immeubles d'Oran-Est, érigés il faut le préciser à la fin du siècle dernier, et les grands ensembles datant du fameux plan de Constantine, réside dans l'usage du sous-sol et du rez-de-chaussée. Pour le commun des Oranais, les cités « Résidence Perret », « L'Antinéa », la « Cité Perret », la « Résidence Leclerc », sont toutes dotées de sous-sols servant de parkings pour les locataires. Autrement dit, à la fin des années du siècle dernier, on a pris en ligne de compte le souci du locataire pour stationner son véhicule. Projection qui n'existe pas encore chez l'urbaniste ou le promoteur de ce début de siècle. A la place d'une commodité urbaine, ce dernier a pensé plutôt profit et maximum de gains à réaliser. Ainsi, les nouveaux immeubles et ensembles d'habitat construits les quinze dernières années commencent au premier étage parce que le niveau zéro est affecté pour les magasins. Dit simplement, la nouvelle norme consiste à réaliser des magasins au bas de chaque immeuble nouvellement construit. L'explication de cet état de fait nous est fournie par un promoteur : « c'est à ce niveau que nous réalisons le bénéfice ou nous amortissons nos frais dans le cas de certains ». Précisons que cette option n'est pas l'apanage exclusif des promoteurs privés. Au contraire, ce sont les entreprises de réalisations publiques qui l'ont inaugurée.

 Par ailleurs, petits et grands promoteurs y ont recours. Une exception cependant : les tours de Mobilart sises sur le prolongement du Front de mer et considérées, à tort ou à raison, comme l'une des réussites urbanistiques au niveau national.

 Ce nouveau cadre urbanistique clairement dominant à Oran-Est, vers où se déplace le centre-ville, répond, à n'en pas douter, à une demande. Il a coïncidé avec l'explosion de l'économie de l'import, remarque un importateur de produits cosmétiques. En effet, l'engouement des ménages pour les divers produits qui venaient d'inonder le marché (ce que certains sociologues désignent par l'entrée dans l'ère de la consommation et du consumérisme) a nécessité l'existence d'une infrastructure servant de réseau de distribution. Donc, ces magasins sont venus à point nommé répondre à cet impératif. Poussant l'analyse plus loin, un économiste relèvera que la prolifération de ces locaux, destinés soit à la vente ou à la location, a coïncidé avec le désengagement de l'Etat de la sphère de l'emploi. Débutant le plus souvent « au noir », c'est-à-dire sans registre de commerce ni inscription au niveau de la Casnos, des centaines voire des milliers de jeunes ont réussi ainsi à la fatalité du chômage devenue endémique, nous signale notre interlocuteur. Abondant dans ce sens, il ajoutera que l'instauration des dispositifs pour résorber le chômage, tel que celui de l'Ansej, a été un stimulant à ce nouveau marché immobilier. En effet, depuis janvier 2011, et après la réactivation de ce dispositif, un nombre impressionnant de locaux servant de siège à des micro-entreprises de location de voitures a vu le jour au niveau d'Al Akid Lotfi, un des gros quartiers d'Oran-Est. On notera que certains de ces locaux abritent des activités qui attirent de plus en plus l'intérêt des jeunes tel le lavage des voitures.

L'HABILLEMENT, LA COIFFURE, LES COSMETIQUES, LES PIZZERIAS?EN TETE DES ACTIVITES COMMERCIALES

Appréhendée d'un autre côté, la prolifération des locaux au bas des nouveaux immeubles répond à un impératif : celui de fixation des habitants au niveau des quartiers. Les nouveaux commerces que ces locaux abritent permettent aux nouveaux habitants de s'approvisionner sur place, sans être obligés de se déplacer jusqu'au centre-ville. L'habillement, notamment féminin, la petite restauration, surtout la pizzeria et la sandwicherie, le cosmétique et les salons de coiffure, viennent en tête des nouvelles activités créées dans ces locaux. Actuellement, pour les jeunes des quartiers Est de la ville d'Oran, notamment les jeunes filles, la descente au centre-ville s'apparente davantage à la balade pour le plaisir qu'à la nécessité de s'y rendre pour se procurer tel ou tel produit. « On trouve tout sur place » note un gérant d'une agence immobilière ayant pignon sur rue. La tendance est en train de s'inverser, remarque un autre observateur, puisque de plus en plus nombreuses sont les personnes qui se rendent dans ces nouveaux quartiers pour prendre un « pot » dans un café. Même les restaurants chics commencent à s'y installer, relèvera un autre, en évoquant le cas d'un Espagnol qui a ouvert un établissement sur un boulevard de la nouvelle ville.

 Par ailleurs, nous relèverons que les acquéreurs de ces nouveaux magasins, sont presque tous acquis à ce qu'on pourrait appeler la culture de l'esthétique de la devanture. Pour attirer la clientèle, les nouveaux commerçants, jeunes pour la plupart, soignent et la devanture de leur magasin et l'intérieur. On s'ingénie à trouver des appellations accrocheuses à ces nouveaux commerces. On ne lésine pas sur l'installation de la clim, commodité mais aussi un moyen d'appel à l'adresse de la clientèle. On fournit des efforts pour trouver des couleurs apaisantes et attirantes. Bref, tout un travail de marketing sommaire est déployé pour rendre le lieu de travail agréable d'une part et surtout pour s'assurer une part du marché. Parce que la concurrence s'annonce rude pour les années à venir?