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Le FLN réunit son CC demain : Quitte ou double

par Ghania Oukazi

Le secrétaire général du FLN jouera ce jeudi à quitte ou double, en imposant aux membres du Comité Central un vote de confiance, le cas échéant, l'élection de son remplaçant, les deux par bulletin secret.

Abdelaziz Belkhadem persiste et signe. «Je ne partirais pas de mon poste tant que le président de la république ne me l'a pas demandé,» a-t-il déclaré à ses proches collaborateurs. L'un d'eux relève avec perspicacité que «le président ne lui a pas non plus demandé de rester.» En fait, tout est dans ce jeu de non-dits. Belkhadem doit certainement savoir de quoi il parle, quand il fait une telle déclaration. C'est en effet à Bouteflika de lui signifier une fin de mission, comme ce fût le cas pour toutes celles dont il a été chargé. C'est la règle du jeu de ceux qui décident. Aucun élément de leurs personnels « en mission » ne peut partir sans qu'ils n'aient donné leur signal. Ahmed Ouyahia n'a pas échappé à la règle. L'on raconte que quand il avait reçu l'instruction de quitter son poste de secrétaire général du RND, il ne voulait pas l'exécuter. Il aurait même envoyé une lettre au président de la république pour lui demander de le maintenir. «Mais les jeux étaient faits, il fallait qu'il quitte la table,» nous disent nos sources. C'est donc ainsi, une histoire de jeux par lesquels le pouvoir se maintient depuis des lustres. L'on rappelle pour la circonstance, que lors de la dernière réunion du CC du FLN, Belkhadem n'avait reçu aucune instruction pour réagir aux violents de ses dissidents qui l'avaient empêché par la force de procéder à l'ouverture de la session. Il fallait un autre coup de force -plus marqué celui-là - de ses soutiens, notamment les députés qui jouent des bras et des poings comme certains de ce qu'on appellent les redresseurs, pour lui permettre juste d'ouvrir les travaux mais de ne les poursuivre que dans l'après-midi. Il semble qu'entre-temps, qu'il ait reçu l'instruction qu'il attendait.

«Attendez-vous qu'on vous prenne le parti de votre bouche, » aurait-il entendu dire le président d'honneur du FLN. Le message était on ne peut plus clair. « Nous avons reçu le feu vert pour mettre les dissidents dehors et terminer la session, nous les avons fait sortir à coups de poings, et de pieds pour les plus récalcitrants, » nous avait fait savoir un député le jour même de cet affrontement.

LE JEU DU BULLETIN SECRET

Pour jeudi prochain, Belkhadem aurait déjà élaboré sa stratégie. Puisqu'à ce jour, il n'a pas été autorisé à quitter son poste, il tentera alors de le garder avec les moyens qui s'imposent à lui. «Tout de suite après qu'il ouvrira la session, il soumettra sa personne à l'appréciation des membres du CC présents, en organisant un vote de confiance à bulletin secret,» nous disent des sources proches du SG. « Si le résultat était en sa défaveur, il organiserait de suite l'élection d'un nouveau secrétaire général, à bulletin secret aussi, » souligne-t-on. Il est clair que cette démarche ne sera pas acceptée par les redresseurs et ce, pour plusieurs raisons. « Ils ne veulent pas du tout entendre parler de vote secret mais ils le veulent à main levée, en même temps, ils refusent la présence physique de Belkhadem dans cette session, puisqu'ils prétendent qu'ils l'ont déjà destitué par la force d'une liste de signatures, qu'ils détiennent contre lui, en même temps ils risquent, eux aussi, d'être confrontés à l'épineuse difficulté du choix d'un nouveau SG, ils veulent tous être candidats à ce poste, ils le convoitent tous, si Belkhadem arrive à les obliger à passer au vote, ils ne pourront pas le faire puisqu'à ce jour, ils ne se sont pas entendus sur le nom de son remplaçant?. » De telles affirmations nous ont été faites par un groupe de redresseurs qui tient pourtant toujours à en découdre avec Belkhadem.

Il faut croire que les textes régissant le parti plaident en sa faveur, dans la mesure où ils stipulent que le SG doit avoir 50% des voix du CC alors que les dissidents doivent en détenir les deux tiers, pour arriver à leur fin, ce qu'ils n'ont pas,» nous dit un cadre influent du cabinet du SG.

Les ministres FLN donnent, eux, l'impression qu'ils veulent sa tête plus que tout. Pourtant, ils ont regagné le camp des dissidents que quand la fronde a atteint des niveaux intolérables.

RETRAIT DE? COUVERTURE DU FLN A SES MINISTRES

«Les ministres FLN savent qu'ils n'ont plus la couverture du parti pour qu'ils soient reconduits en tant que tels, en cas de remaniement du gouvernement,» nous expliquent encore nos sources. Pour plus de précisions, l'on nous indique que «c'est sur instruction du président de la république que les partis doivent changer les têtes de leurs ministres, si l'on s'en tient au discours de Sétif, le gouvernement d'après la révision de la Constitution sera totalement changé, ce sera pratiquement une refondation de l'Exécutif, Belkhadem n'a donc rien à voir dans cette situation.»

Les ministres FLN ne l'entendent pas de cette oreille. «Tout le marasme dans lequel baigne le parti, c'est Belkhadem qui a fait en sorte qu'il en soit ainsi, il faut qu'il parte, » nous affirme l'un d'entre- eux.Rares sont ceux qui parlent et qui déclinent publiquement leur identité.» Il faut nous comprendre, on ne sait jamais dans quelle direction les vents peuvent tourner, » nous soulignent beaucoup d'entre-eux sans se soucier d'être qualifiés de grands opportunistes.« C'est d'ailleurs au milieu de ce genre de soutiens ou reniements instantanés, c'est donc au gré des vents d'en haut que le vote à bulletin secret pourra être utile,» nous dit une source de la présidence de la république qui pense que «cette 9ème session du CC du FLN a une grande importance».

L'on nous fait savoir que « cette session qui se tiendra en principe pour trois jours, à partir de jeudi prochain à l'hôtel Riadh de Sidi Fredj, sera encadrée par près de 500 éléments de la sécurité, sans compter les nombreux jeunes qui devront avoir tous les perturbateurs à l'œil.»

On nous précisera surtout que «cette session sera très difficile à tenir parce que si on n'a pas dit à Belkhadem de se retirer ou de rester à son poste, on n'a pas non plus dit aux dissidents d'arrêter leur hostilité à son égard, les deux camps ont un accord tacite pour continuer ce qu'ils font, jusqu'à ce que leur soit sifflée la fin de la confrontation, sauf qu'on ne sait pas quand.» Tout est annonciateur de batailles rangées bien tenaces encore.

QUAND «LES AFFAIRES D'ETAT CHANGENT LA DONNE»

Autre fait politique marquant, le départ d'Ouyahia du RND n'a pas entrainé la sérénité recherchée au sein des rangs du parti. Réunis au moins trois fois pour mettre en place la commission de préparation du congrès, pour l'élection d'un nouveau secrétaire général, les animateurs du mouvement du changement et Bensalah, le SG par intérim depuis le 17 janvier dernier, n'arrivent pas à trouver un terrain d'entente. «Yahia Guidoum en est presque arrivé aux mains avec lui, à propos de la composition de cette commission, »nous dit une source présente à l'une de ces réunions. Le coordonateur du mouvement n'a pas, selon notre interlocuteur, accepté que la commission soit constituée d'éléments de l'intérieur du pays, en poste au niveau des structures du parti. «Ils ont été nommés et installés par Ouyahia, si vous les mettez au sein de la commission, c'est comme si Ouyahia y était, » a lancé Guidoum à Bensalah. Ce dernier campe sur ses positions même si, selon ses proches, le poste qu'il occupe par intérim ne l'agrée pas du tout. «Mon cartable est prêt, je peux partir tout de suite,» a-t-il dit le 17 janvier dernier lors de la réunion du bureau politique du RND qui s'est tenue à Zéralda. Il avait donc brandi la menace de la démission dès son plébiscite comme SG intérimaire par le bureau politique. Il l'a fait quand Mme Flici lui a suggéré de «faire démissionner les militants du RND en poste, puisque nommés par Ouyahia, comme ça, la préparation du congrès se fera correctement.»

Il semble que le fameux «tab Ejnana» lancé par Bouteflika à partir de Sétif concerne en premier, la classe politique qui montre qu'elle a été instruite pour choisir de nouvelles têtes que celles habituelles. La scène politique devra faire «peau neuve» peut-être même avant le vote, pour une Constitution amendée qui pourrait intervenir dans les trois mois qui suivent. Le changement de gouvernement suivra tout de suite après, selon nos sources, qui n'omettent pas de lancer que «Abdelmalek Sellal restera cette carte joker qui sera brandie au moment opportun des choix décisifs.» Ceci, tant que le jeu programmé sur les tablettes des décideurs n'imposera pas de nouveaux bouleversements. L'affaire d'In Amenas est évoquée pour souligner que «les affaires d'Etat pourraient surgir au moment où l'on s'attend le moins pour changer la donne.»