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Attaque du complexe gazier d'In Amenas : Des vérités et des zones d'ombre

par Moncef Wafi

Les informations se suivent pour ne pas se rassembler dans l'après gestion des événements tragiques du complexe gazier d'In Amenas, où certitudes et contradictions s'entrechoquent et la vérité partagée entre pseudo-spécialistes du terrorisme et sources d'information pour le moins hasardeuses.

Aux lendemains de l'intervention du Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal et la lecture d'un bilan qui, si elle n'est pas définitive, reste pour le moins exhaustive, un flux d'informations continue de circuler autour de cette attaque terroriste et les commentaires les plus « naïfs » s'érigent en cahier de charges de la bande à Belmokhtar. Si dans un premier temps on a assisté à un cafouillage autour de la provenance des preneurs d'otages, Mali, Libye ou encore partis de l'intérieur même du territoire national, selon la version du ministre de l'Intérieur, il paraît plus clair maintenant que le commando islamiste est arrivé de Agalhouk du nord du Mali, non loin de la région de Tinzaouatine, en passant de la frontière algéro-malienne à la frontière algéro-nigérienne avant d'entrer dans la région d'Abid, Ijil et Tiguentourine, le site du complexe gazier, selon la version officielle. Le périple à travers le désert aurait pris deux mois. Si Tripoli avait démenti, par la voix de son Premier ministre, Ali Zidan, que les ravisseurs soient partis de Libye, affirmant solennellement au passage que le territoire libyen ne servira pas de point de départ d'opérations qui menacent la sécurité des pays voisins, des témoignages affirment que le commando aurait bénéficié d'une « aide logistique » d'islamistes en Libye. « Une aide logistique a été fournie depuis la Libye », a indiqué à l'AFP une source, sous couvert de l'anonymat, présentée comme très proche des groupes extrémistes en Libye. Elle dira que des islamistes libyens ont été chargés d'établir le contact entre les ravisseurs et les médias d'où le fait que des médias internationaux ont pu entrer en contact avec les ravisseurs. Cette aide logistique est à chercher aussi du côté des véhicules utilisés pour l'attaque selon certains médias qui affirment que les tenues et les armes utilisées par les assaillants venaient également de Libye. Une information loin d'être un scoop puisqu'il est de notoriété publique que les armes de Kadhafi ont fini entre les mains des hommes d'Aqmi retranchés au nord du Mali. Une situation que l'Algérie avait toujours redoutée appelant à plusieurs reprises à se pencher sérieusement sur ce dossier.

La source citée par l'AFP infirme par contre tout lien organisationnel entre les « Signataires par le sang » de Mokhtar Belmokhtar et les islamistes en Libye. Un constat refusé par Jaber al-Abidi, un analyste et activiste politique libyen qui estime qu'« il est évident qu'il y a un lien entre des groupes extrémistes libyens et ceux qui ont mené l'opération d'In Amenas ». Pourtant, et malgré les démentis officiels de Tripoli, le limogeage de al-Seddik al-Obeidi, ancien vice-ministre de la Défense pour les gardes-frontières, ancien membre et fondateur du Groupe islamique libyen pour le combat (Gilc) proche d'Aqmi, prié de quitter son poste, sonne comme un désaveu à sa capacité à contrôler ses frontières. Pourtant aucun lien de cause à effet n'a été fait par les autorités libyennes entre ce limogeage et l'attaque d'In Amenas.

Par ailleurs, le dénouement tragique de la prise d'otages de Tiguentourine continue de secouer les pays des victimes. Officiellement, ce sont 37 étrangers de 8 nationalités différentes et un Algérien qui ont été tués. 7 de ces victimes ne sont pas encore identifiées alors que 5 étrangers sont encore portés disparus. Pour l'identification des corps retrouvés certainement carbonisés, la Norvège a décidé d'envoyer, avec l'accord d'Alger, six experts médico-légaux avec des échantillons génétiques pour déterminer la présence éventuelle des Norvégiens disparus parmi les corps restant à identifier. Rappelons que la Norvège est toujours sans nouvelles de cinq de ses ressortissants. « On espère le meilleur mais on craint le pire », a déclaré le directeur général de Statoil, Helge Lund, lundi.

Le parquet roumain spécialisé dans la lutte contre le terrorisme (DIICOT) a annoncé, quant à lui, ouvrir une enquête après le décès de deux Roumains en précisant que l'enquête porte sur des « violations de la loi concernant la prévention et la lutte contre le terrorisme ». Tout en reconnaissant la difficulté « de mener une enquête jusqu'en Algérie », le Premier ministre roumain, Victor Ponta, se dit réjoui pour « les deux familles qui doivent savoir la vérité sur les circonstances des deux décès ». Samedi, M. Ponta avait annoncé le décès d'un otage roumain, précisant qu'un deuxième avait été libéré et se trouvait sous la protection de l'armée algérienne. Mais le lendemain, le ministère des Affaires étrangères a annoncé que ce dernier était mort dans un hôpital algérien. Les dépouilles des deux Roumains ont été rapatriées mardi matin où des autopsies seront effectuées afin de connaître les causes des décès, rapporte l'agence Mediafax. Rappelons que trois autres Roumains ont été libérés après l'intervention des forces spéciales algériennes. Quant aux travaux de remise en marche du complexe qui ont commencé, « il faudra attendre une semaine avant que tout ne rentre dans l'ordre », a déclaré une source anonyme à l'AFP. Le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, avait indiqué dimanche que le redémarrage du site allait se faire dans deux jours.