Il faut bien parler de la visite de Hollande en Algérie.
Mais qu'en dire ? A force de routine, ce genre de visite ne veut plus rien dire
de plus qu'autrefois. Un Président français arrive, va à Alger, mange avec
Bouteflika, discute avec des hommes d'affaires de la chambre de commerce mixte,
va à l'APN parler à des députés paresseux après le départ du colon, puis s'en
va vers une ville de l'intérieur du pays discourir face à des étudiants qui
veulent partir en France ou qui ne le peuvent pas ou qui veulent vivre, pas
écouter. Ensuite ? Un lent temps mort qui sera meublé par les journaux. C'est
le temps de l'audit postcolonial de l'ex-colonie par les médias français. C'est
le temps du linge sale pour les médias algériens et des fausses polémiques.
Avant, on parlera de l'affaire des moines de Tibherine comme toujours. Après,
on parlera de visas. Entre les deux, on parlera beaucoup de rien du tout. Le
Président français va faire allusion à l'allusion de la repentance. En Algérie,
un ministre assis va parler des ascendants hollandais de Hollande. En France,
un nostalgique va parler de hollandisme mou envers l'Algérie. On aura des
chiffres et les deux pays ne finiront pas de se coloniser l'un l'autre:
l'Algérie en conquête de la France par les banlieues, la France qui contrôle
l'Algérie par les centres-villes et les centres de décisions. De la périphérie
vers le centre, du centre vers la périphérie. A force d'effets d'annonce, de
démentis, de reculades, de signatures et de refondations, l'évènement a fini
par tomber dans la routine des vieux couples depuis des années. C'est à peine
si l'Algérien s'y intéresse. Et encore plus pour un Président français encore
sans consistance «internationale», sans politique «arabe» et sans charisme. Et
encore plus avec l'effet troisième âge qui frappe les relations
algéro-françaises: à peine renouvelées pour les jeunes générations, à peine
respirables pour les anciennes qui s'y accrochent comme à une épopée morte. On
y parle d'ailleurs tellement de colonisation, excuses, histoires, guerres et
déchirure qu'il semble que l'audimat premier de cet échange soit les
cimetières, pas les vivants. De l'ennuyant, en somme. Et cause de myopie
généralisée: on arrive en Algérie avec la croyance que tout le monde y parle de
la colonisation, même chez les nouveau-nés et on découvre que l'on y parle
d'autre chose et qu'il s'agit seulement de discours de vieux (qui se soignent
en France) pour la consommation interne. Ici, autant qu'autrefois, on a besoin
de faire la guerre à la France pour rester aux commandes et sur l'Olympe. Et
là-bas, on a besoin de penser en «métropole» pour croire à un empire
aujourd'hui mort et enterré ou à redessiner.
A la fin ? Rien à dire. La guerre est une histoire de morts.
Les excuses sont une histoire de vieux. Les relations algéro-françaises sont
une histoire qui m'ennuie. Et moi, je suis une histoire neuve qui commence ou
qu'on empêche de commencer. Peut-on parler de la Hollande ? Peut-on récrire le
«J'accuse» sous forme de «Je m'ennuie»?