Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

KYOTO-2, L’ECHEC ANNONCE

par Akram Belkaid, Paris

Un miracle… C’est ce qu’il faudrait pour que la Conférence sur le climat, qui s’est ouverte lundi à Doha au Qatar, débouche sur un accord solide et durable. Il faut rappeler que l’enjeu de ces retrouvailles est loin d’être négligeable. Il s’agit, ni plus ni moins, de jeter les bases d’une entente internationale, destinée à succéder au Protocole de Kyoto de 1997 qui régit les réductions d’émissions de gaz à effet de serre (ges) dans les pays industrialisés. Ce texte, plus ou moins respecté au cours des dernières années, arrive à échéance fin 2012, et l’on sait déjà qu’il faudra attendre 2015, pour que son successeur soit adopté et 2020 pour que ce dernier entre en vigueur.
 
DES INTERETS DIVERGENTS
 
L’une des grandes difficultés de la Conférence (elle débute le 4 décembre sur le plan ministériel), est d’arriver à concilier des intérêts extrêmement divergents. Nombre de pays industrialisés, parmi lesquels les Etats-Unis, rechignent à adopter un texte contraignant qui signifierait pour eux un nécessaire ralentissement de leur croissance ou, tout au moins, la mise en place d’investissements importants pour réduire les émissions de ges. Le cas des Etats-Unis est d’ailleurs emblématique puisque l’on sait déjà qu’aucun Congrès américain, quelle que soit sa couleur politique, ne ratifiera un texte dans la même veine que celui de Kyoto…
Quant aux pays émergents, leur présence est certes un progrès puisqu’ils sont eux aussi concernés par le futur protocole. Pour autant, ces derniers refusent d’endosser le legs polluant d’une période industrielle (celle des deux derniers siècles) dont ils ne sont pas responsables. La question qu’ils posent n’est pas sans fondements : pourquoi la Chine, le Brésil ou l’Inde, pour ne citer qu’eux, seraient-ils comptables d’émissions essentiellement provoquées par l’Amérique du nord, l’Europe ou le Japon ? Dans un monde en crise, l’urgence pour ces pays en fort développement est de diminuer le niveau de pauvreté et, dans ce cadre de figure, la seule voie possible reste encore la croissance économique. En effet, il reste encore à prouver de manière concrète, que la transition écologique est capable de créer suffisamment d’emplois pour compenser les conséquences économiques d’une lutte drastique contre le réchauffement climatique.
Autrement dit, rien ne dit que Kyoto-2 sera conclu et, surtout, qu’il sera efficace. A ce jour, les risques sont grands d’un accord a minima, vidé de son sens et, en tous les cas, peu contraignant. Les perdants immédiats seraient les Etats qui font d’ores et déjà face aux conséquences du réchauffement climatique comme c’est le cas pour certains pays d’Océanie ou du Pacifique mais aussi les pays pauvres qui n’ont pas les moyens de faire face à la montée des eaux ou à la multiplication de catastrophes climatiques (ouragans, phénomènes météorologiques extrêmes,…). Alors qu’il devrait être doté d’au moins 100 milliards de dollars, le fonds prévu à cet effet (Fonds vert) reste vide... On apprécie à sa juste mesure cette triste situation quand on sait que des centaines de milliards de dollars ont été dépensés pour sauver le système bancaire international.
 
LE CAS DU QATAR
 
On relèvera aussi l’ironie, voire le cynisme, qui consiste à organiser un sommet sur le climat dans le pays champion du monde en matière d’émission de gaz à effet de serre par habitant… Comme ses voisins, le Qatar est un pays où le carbone est roi et où les déclarations laudatives à l’égard de la « green economy » (économie verte) cachent mal une tout autre réalité. Celle d’un gaspillage constant de l’énergie et d’une omniprésence des hydrocarbures. En cela, le Qatar est un bon exemple du double discours en matière de lutte contre le réchauffement climatique : ceux qui en parlent le plus sont souvent ceux qui en font le moins.