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Le chef du service de la promotion du commerce et de l'investissement de l'ambassade de Pologne Jaroslaw Jaroszewicz au « Le Quotidien d'Oran » : Les polonais misent sur le bâtiment algérien

par Z. Mehdaoui



Après une absence qui a duré près de deux décennies, les entreprises polonaises reviennent en Algérie. Jaroslaw Jaroszewicz, chef du service de la promotion du commerce et de l'investissement de l'ambassade de Pologne à Alger, est convaincu que les deux pays ont tout à gagner en travaillant directement?. Sans intermédiaires.

Le Quotidien d'Oran :

Les compagnies polonaises reviennent peu à peu après une «éclipse» qui a duré près de 20 ans. Qu'est ce qui justifie ce retour et est ce que vous pensez que le marché Algérien est devenu attractif ?

Jaroslaw Jaroszewicz :

Merci pour la question. Je tiens tout d'abord à remercier votre journal avec lequel nous maintenons des relations assez suivies.

Vous dites dans votre question que la Pologne s'est éclipsée pendant une vingtaine d'années et que nous souhaitons revenir en Algérie. Il y a une grande part de vérité dans cette question. C'est clair ! Mais d'un autre côté nous n'avons jamais vraiment déserté l'Algérie. Depuis des années, plus précisément depuis une dizaine d'années, la Pologne participe régulièrement à différentes foires en Algérie.

Je comprends la portée de votre question mais je vous dirai que lorsque l'Algérie a recouvré son indépendance en 1962, la Pologne a répondu présente, dès les premiers jours. Nous avions convié chez nous les combattants Algériens pour les soigner et pour leur apporter de l'aide. Aux jeunes, nous avons ouvert nos universités. A partir des années 1960 il existait déjà une diaspora Algérienne en Pologne. Parallèlement à cela, compte tenu de la proximité, non pas géographique, mais du système politique qui résidait dans l'économie dirigée, il y a eu une collaboration intense entre la Pologne et l'Algérie. Beaucoup d'ingénieurs, de médecins et d'enseignants polonais étaient venus en Algérie avec leurs familles. Le capital laissé en Algérie par ces polonais a apporté ses fruits. La Pologne était présente en Algérie durant une trentaine d'années.

Durant les années 1990, il y a eu deux phénomènes importants. Du côté Algérien d'abord. C'est la période difficile, je pense à la décennie noire qui était extrêmement difficile pour les entrepreneurs étrangers, vous en conviendrez avec moi. Des sociétés Polonaises ont quitté l'Algérie parce que les employés étaient avec leurs familles et leurs enfants. On ne va pas s'étaler la-dessus mais le contexte traumatisant était évident. De l'autre côté, la Pologne avait des objectifs à réaliser. C'était d'intégrer l'Union Européenne et de réussir sa transformation économique, à savoir d'un marché dirigé et centralisé vers un marché libre. Cette transition s'est très bien déroulée. Je pense que la Pologne est le plus grand pays de l'Europe centrale et de l'Est, ce qu'on appelle PECO, est un exemple dans cette transformation. Cette dernière ne s'est bien évidement pas faite du jour au lendemain. Cela a duré près d'une vingtaine d'années. Il faut dire aussi qu'il y a eu beaucoup de facteurs qui ont favorisé ce changement et cette réussite. La Pologne est un pays millénaire. La pensée entrepreneuriale dans notre pays n'est pas nouvelle. Ce n'est pas parce que nous étions un pays socialisé à partir de 1945 que les gens ont arrêté de faire des affaires. Il y a une tradition aussi bien dans la production, dans la recherche scientifique que dans le commerce. Le système dirigiste ne nous a pas empêchés de nous développer. Nous avons lutté pacifiquement avec les organisations ouvrières et une fois sur la trajectoire des transformations, nous avons fait vite, ce qui n'est malheureusement pas le cas de l'Algérie. La transformation en Algérie perdure, parfois traverse des vagues, d'autres fois se dirige vers la libéralisation du marché et une fois c'est le contraire. Une chose est certaine, cela dure depuis longtemps. On ne connait pas réellement le devenir du monde entrepreneurial en Algérie. Il y a une sphère d'entreprises privées qui se développe mais d'un autre côté le gouvernement tient quand même les rênes d'une grande partie de l'économie nationale.

Ceci dit, pour notre part, 80% du chiffre d'affaires des entreprises Polonaises est réalisé avec les autres pays membres de l'UE.Vous comprenez que c'est un peu logique pour les entreprises Polonaises d'aller vois vers l'Ouest et l'Est et de ne pas trop penser au sud (Sud de la méditerranée, notamment l'Afrique du nord). Mais il ne faut pas non plus occulter qu'il ya une crise en Europe et dans le monde et que personne n'est à l'abri.

L'Algérie s'en sort très bien dans cette zone géographique qui est le Maghreb mais elle n'est pas à l'abri non plus. Donc les sociétés Polonaises, dans cette situation de crise qui touchent ses principaux clients à l'Ouest de l'Europe commence à voir plus loin, c'est-à-dire revenir sur les marchés où elles étaient avant, d'où un regain d'intérêt vers l'Algérie. Mais il ne faut pas également mettre tout sur le dos de la crise. La Pologne a toujours gardé des relations politiques et humaines excellentes avec l'Algérie.

Il existe un fond de confiance et d'amitié sur lequel nos deux pays bâtissent depuis des années et de plus en plus d'entreprises polonaises viennent en Algérie pour trouver des partenariats.

Q. O.: Le cadre législatif algérien, qualifié par certains de «contraignant» ne vous dérange pas trop ?

J. J.: Très honnêtement il y a tout de même des différences entre le système économique Algérien et le système libéral en Pologne. Par voie de conséquence il y a des différences dans la gestion des affaires, dans les lois que le gouvernement estime justes à mettre en place. Certaines lois ne sont pas les mêmes que chez nous. A titre d'exemple, nous n'avons pas de règle 51/49%. Chez nous un entrepreneur est libre de trouver un partenaire et de se mettre d'accord sur le taux de pourcentage dans une société mixte. Ce n'est pas le cas en Algérie. D'un autre côté c'est une loi qui appartient au pays et il faut l'accepter. Moi très honnêtement je dirai que si cette loi (51/49%) ne convient pas à certaines sociétés alors elles peuvent toujours aller ailleurs. On focalise trop sur la loi 49/ 51 alors que même si le capital est partagé de cette manière, la gestion de l'entreprise peut cependant être accordée au partenaire minoritaire.

Cela compense un peu le partenaire minoritaire. Je voudrai aussi attirer votre attention qu'il existe plusieurs lois en Algérie très favorables à l'investisseur étranger et également Algérien. Il existe des aides pour la création d'emplois, pour le transfert de technologies. Il existe également des aides de l'état Algérien au profit des entreprises implantées dans les hauts plateaux, sans parler du grand Sud. Donc, il y'a beaucoup d'avantages qui sont ignorés et je trouve que les journalistes,en questionnant les hommes d'affaires, focalisent trop sur la question de 49/51 alors que cette règle entre dans un contexte plus large.

Q. O.: Quels sont les secteurs qui intéressent les Polonais dans notre pays ?

J. J.: Je dirai que tout nous intéresse. Il n'existe pas un secteur qui ne nous intéresse pas. La Pologne est un pays industrialisé, un pays des services. Quand vous regardez la structure du PIB Polonais vous vous rendez compte que 63% du PIB en Pologne est réalisé grâce aux sociétés qui sont dans le service. 33,5% sont réalisées par des sociétés qui sont dans l'industrie et seulement 3,4% exercent dans l'agriculture.

Notre économie est moderne. La Pologne fournit beaucoup de produits agricoles de base comme des produits transformés. Je cite notamment le lait en poudre Polonais qui est exporté vers l'Algérie dans le cadre des appels d'offre lancés par l'ONIL mais aussi par des sociétés privées. Vous ne savez peut être pas, mais la Pologne est également un grand producteur de viande bovine « Hallal ». Nous avons aussi des musulmans chez nous. Le marché principal pour cette viande reste la Turquie mais j'espère que très prochainement nous allons commencer des exportations vers l'Algérie parque tous les certificats de conformité ont été certifiés par les autorités de part et d'autre.

La Pologne n'est pas un pays d'agriculture mais nous sommes très bien placés dans ce secteur.

Ce qui nous intéresse plus particulièrement en Algérie et surtout dans le cadre du « BTI'WEST » ce sont tous les sous-secteurs du bâtiment, c'est-à-dire les constructions métalliques, les ouvrages d'art, le bâtiment dans le sens habitat. On ne cherche pas à concurrencer la Chine car nous on se base sur un rapport de qualité-prix et non pas uniquement sur le prix. Pour nous la balance penche plutôt vers la qualité que vers le prix.

Entre la Chine et les pays de l'Ouest de l'Europe il y a la Pologne. On a un rapport qualité prix très avantageux. Ce qui nous intéresse également c'est le vieux bâti, à savoir la restauration du patrimoine Algérien. Vous savez certainement que la Pologne réalise actuellement des expertises à la Casbah d'Alger notamment le palais du Dey.

Le programme de restauration du patrimoine colonial notamment est grandiose. Selon le programme gouvernemental il y'a 1700 bâtiments à Oran et quelques 12 500 bâtiments à restaurer à Alger.

Lors de la deuxième guerre mondiale, une partie des grandes villes polonaises étaient détruites.

Mais si vous allez aujourd'hui à Varsovie, vous comprendrez l'effort consenti et le savoir- faire déployés par les bâtisseurs Polonais.

Q. O.: La Pologne a participé avec 5 entreprises au salon BATI'WEST, qu'a organisé la ville d'Oran du 7 au 12 novembre. Qu'attendiez-vous de ce salon ?

J. J.: En fait, il s'agit d'une dizaine d'entreprises.

Les hommes d'affaires Polonais qui ont fait le déplacement à Oran étaient présents sur le stand de la Pologne. Nous considérons la foire comme une plateforme de rencontre pour toute la région. Nous avons vu des clients potentiels, découvert la ville et les opportunités.

Je vous signale que les sociétés Polonaises qui ont participé à ce salon représentent les secteurs de la construction d'aluminium et de verre, la menuiserie en PVC, des différentes branches du secteur BTP, du mobilier urbain, des structures en acier et du vieux bâti.

Je vous donne un scoop, il y a de la marchandise Polonaise qui est vendue dans votre pays dix fois son prix par des intermédiaires d'autres pays de l'Europe de l'Ouest. Ces pays s'approvisionnent en Pologne et vendent à l'Algérie à des coûts exorbitants.

Notre objectif est d'aller directement vers l'Algérie pour, d'un côté, augmenter nos ventes et de l'autre, faire économiser aux Algériens de l'argent.

Je lance un appel aux algériens de sortir un peu des sentiers battus. L'Europe ne s'arrête pas seulement à la frontière Allemande.

Q. O.: La concurrence fait rage en Algérie entre les compagnies étrangères à cause du programme de développement public doté de plusieurs centaines de milliards de dollars. Pensez-vous être suffisamment concurrentiels pour arracher des parts de marché ?

J. J.: Ce n'est pas que je le pense, j'ai la certitude. Je vous ai dit au début de notre rencontre tous les « fragments » du secteur du bâtiment nous intéressent. Nous sommes également intéressés par le programme de développement du réseau routier, la nouvelle autoroute, mais aussi toutes les jonctions qui relient les ports et les grandes villes, les ponts, les viaducs, les bâtiments d'utilité publique, les salles de sport, les stades, les hôpitaux. Nous avons des offres très intéressantes pour la création d'hôpitaux et de cliniques privées, clés en main avec le matériel. J'attends d'un jour à l'autre la visite d'un imminent cardiologue polonais. Cette année à Oran nous avons été, avec le centre mondial de l'ORL, dans le cadre d'un programme de dépistage scolaire. Il y a une collaboration entre les universités qui est actuellement développée. Il y'a beaucoup de secteurs qui nous intéressent et dont j'en suis sûr qu'on peut développer.

L'Algérie est le plus important pays pour la Pologne dans toute l'Afrique du nord. L'importance de l'Algérie a été confirmée au niveau du ministère de l'économie polonais par notamment la décision de financer un programme de rapprochement sur une période de trois ans. Ce programme concerne cinq pays. Il s'agit du Canada, la Turquie, le brésil, le Kazakhstan et l'Algérie. Cela démontre l'importance que nous accordons à votre pays. Vous voyez que vous êtes pas mal placés. C'est un programme de promotion et de rapprochement et de partenariat, financé par le ministère de l'économie polonais et qui va débuter pour ce qui est de l'Algérie, à la mi-2013.

Le programme est une suite de manifestations dans le sens de la promotion. C'est-à-dire il y a des foires, des conférences, la réception d'hommes d'affaires, la publicité dans les médias. On financera également des visites de part et d'autre. Cela ne concerne pas seulement les hommes d'affaires mais tous nos partenaires en Algérie.

Cela m'amène à vous dire que depuis quelques années l'Algérie est très présente en Pologne. Je profite de cette occasion pour saluer l'ambassadeur d'Algérie à Varsovie, qui fait un excellent travail depuis quelques années. Il fait un travail de proximité excellent.

Pour moi c'est un ambassadeur hors pair, qui représente très bien l'Algérie en Pologne et qui nous facilite également notre travail en Algérie. On ne peut pas faire la promotion d'un pays dans un seul sens. Moi si je veux promouvoir les entreprises Polonaises ou la Pologne en Algérie je suis obligé de promouvoir l'Algérie en Pologne.