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Nouveaux heurts entre la police et les salafistes : La Tunisie aux portes d'une implosion

par Moncef Wafi

Les événements se suivent et se ressemblent dans une Tunisie aux portes de l'implosion. Le bras de fer sur injonction des Américains entre le pouvoir en place et ceux qu'on appelle désormais les salafistes djihadistes, une branche rigoriste de l'islam sunnite, est en train de tourner à l'affrontement armé avec, à chaque «mêlée», mort d'homme. Le dernier en date est l'attaque, ce mardi soir, de deux postes de la Garde nationale, l'équivalent de la gendarmerie, par de présumés militants salafistes djihadistes dans la localité populaire de douar Hicher, à l'ouest de Tunis.

Cette attaque est perçue comme étant une réponse aux forces de l'ordre suite à l'arrestation d'un des leurs, qui serait impliqué dans les violences, la semaine dernière, dans cette bourgade, au cours desquelles le chef de la brigade de sécurité publique de la Manouba, Wissem Ben Slimane, a été grièvement blessé, ce samedi, à la tête par un coup de hache. Ripostant à cette attaque des deux postes de la Garde nationale de douar Hicher et de Khalid Ibn Walid, les forces de l'ordre ont répliqué, tuant par balle un des assaillants alors que trois agents de sécurité ont été blessés, dont deux sont dans un état critique, selon Khaled Tarrouche, le porte-parole du ministère de l'Intérieur. Selon un membre du syndicat de la Garde nationale, les affrontements ont été provoqués lorsque des salafistes armés d'épées, de couteaux et de bâtons ont tenté d'attaquer un poste de police.

Ces mêmes syndicats ont dénoncé à cette occasion les agressions dont les policiers sont les victimes et ont appelé à une manifestation, aujourd'hui, devant le ministère de l'Intérieur. Hier, la région des affrontements était quadrillée par le déploiement d'un fort renfort sécuritaire. La police et l'armée étaient présentes, ce mercredi, dans un quartier de la Manouba pour prévenir toute nouvelle flambée de violence. «Il y a un grand renfort de sécurité, de la Garde nationale, de l'armée sur place pour prévenir toutes représailles», a encore indiqué Khaled Tarrouche. Le ministère de l'Intérieur se dit prêt à toute éventualité n'excluant pas le recours aux balles réelles en cas de nouvelles violences contre les forces de l'ordre. Ces affrontements sont les plus violents après l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis, le 14 septembre dernier, et qui a fait 4 morts parmi les manifestants. Une centaine de salafistes suspectés d'avoir participé à cette attaque en représailles à un film islamophobe diffusé sur internet ont été arrêtés depuis.

Le ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, a évoqué récemment, devant l'Assemblée constituante, le chiffre de «122 suspects» interpellés depuis l'affaire de l'ambassade.

Le gouvernement, dominé par le parti islamiste Ennahda, est accusé par l'opposition de faire preuve de laxisme face à cette mouvance islamiste et sur pression de Washington, le président Merzouki s'est dit déterminé à lutter contre les salafistes violents. En début de semaine, et dans une tribune publiée dans le quotidien tunisien «La Presse», l'ambassadeur américain, Jacob Walles, a appelé le gouvernement à mener son enquête et à traduire les auteurs et les commanditaires de cet attentat en justice. Ainsi, et depuis quelque temps, une vague d'arrestations a touché les rangs des salafistes djihadistes et l'on parle de près de 300 de leurs membres qui seraient en prison.

Parmi eux, Ali Harzi, 28 ans, soupçonné, sur la base de documents et de photos fournis par le FBI, d'avoir participé à l'assaut contre le consulat américain à Benghazi en Libye, qui a coûté la vie, le 11 septembre dernier, à l'ambassadeur des Etats-Unis et à trois de ses agents. D'autres arrestations ont été enregistrées dans les rangs salafistes suite à l'accrochage meurtrier survenu en février dans la région de Sfax entre l'armée et un groupe présenté comme une cellule d'Al-Qaïda par le ministère de l'Intérieur tunisien ou encore dans le cadre du dossier dit «des filières syriennes», avec l'arrestation d'une trentaine d'hommes suspectés d'organiser le transfert de jeunes pour rejoindre les rangs des combattants djihadistes contre le régime de Bachar Al-Assad.