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Le militaire qui a tiré sur le président mauritanien, sur un platau télé

par Yazid Alilat

Actuellement hospitalisé à Paris après avoir été évacué en urgence, en début de la semaire dernière, le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz n'a pas fait l'objet d'une tentative d'assassinat lorsqu'il a été touché par des tirs, samedi 13 octobre, alors qu'il était dans sa voiture, à 40 km de Nouakchott. C'est du moins la version officielle du régime qui a fait parler, dimanche soir, directement à la télévision, le militaire qui aurait, selon cette version, tiré par erreur sur le cortège présidentiel. El Hadj Ould Hamoudi Ould Ahimed, qui a tiré par erreur sur le président mauritanien, samedi 13 octobre, a déclaré qu'il est ?'abattu'' psychologiquement par son geste, car la personne qui a été touchée par le tir n'est autre que le président de la République. Il a précisé qu'il a tiré par erreur sur le président, le prenant pour ?'un terroriste''. Dans des déclarations diffusées par la télévision mauritanienne, le lieutenant El Hadj Ould Hamoudi a ajouté que ses sentiments sont également au ?'plus haut, car le commandement général de l'Etat major n'a pris aucune sanction contre moi, comprenant mon geste''. Il a par ailleurs, récusé les informations faisant état de son arrestation, soulignant que ?'je n'ai été arrêté en tout et pour tout qu'une demi-heure''.

Selon le colonel Tayeb Ould Ibrahim, chargé de la communication et des relations générales à l'Etat major, qui intervenait au cours de la même émission, à la télévision mauritanienne, le lieutenant El Hadj Hamoudi ?'a été convoqué à l'«Etat major où il été entendu par le chef d'Etat major, puis est retourné à son unité''. Il a précisé qu'aucune sanction n'a été prise à l'encontre de cet officier. Quant à l'événement proprement dit, il a affirmé que l'unité dont un des éléments avait tiré par erreur sur le cortège présidentiel qui empruntait une piste est une unité d'infanterie de l'aviation qui faisait des manoeuvres dans la région, et le tir n'est pas venu d'un point de contrôle fixe de l'armée. Et, sur l'événement lui-même, c'est-à-dire le tir sur le cortège présidentiel, le lieutenant El Hadj Hamoudi s'est longuement expliqué, devant les caméras de la TV mauritanienne, sur ce qui s'est passé cette nuit-là. Un récit au bout duquel on apprend qu'il est sorti de sa caserne au volant de sa voiture personnelle, portant des vêtements militaires et civils, pour intercepter un convoi de véhicules qui se dirigeait directement vers leur unité tous phares allumés, et certains des occupants étaient enturbannés. Il raconte qu'il a tenté de faire arrêter les voitures, sans succès. Pensant avoir affaire à des terroristes, il a tiré plusieurs coups de feu sur une des voitures, visant également ses roues. Mais le cortège ne s'est pas arrêté et a poursuivi sa route vers la nationale. Ce n'est qu'après qu'il apprendra qu'il avait tiré sur la voiture du Président. Le soir même, le gouvernement donne sa version: le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a été «légèrement» blessé par balle près de Nouakchott, a affirmé le ministre de la Communication, Hamdi Ould Mahjoub (gouvernement), évoquant un ?'tir par erreur de l'armée''. «C'est un tir par erreur contre le cortège du président qui revenait de l'intérieur du pays, l'unité militaire à l'origine du tir ne savait pas qu'il s'agissait de son cortège», a ajouté le ministre de la Communication. Mais un responsable sécuritaire mauritanien assure que le tir était destiné à M. Ould Abdel Aziz, qui a été «légèrement touché au bras par une balle, tirée contre lui par un automobiliste qui l'a directement visé alors qu'il se trouvait au volant de sa voiture», vers Tweila, à environ 40 km au nord de Nouakchott. M. Ould Abdel Aziz revenait du Nord, «où il se rend pratiquement tous les week-ends» en excursion. Il a été évacué le lendemain dimanche vers Paris après qu'une première opération ait été faite à l'hôpital militaire de Nouakchott pour extraire la balle de son corps'. Juste avant d'être évacué vers la France, Ould Abdelaziz est apparu à la télévision, et a déclaré que « je veux, à travers ce mot, tranquilliser tous les citoyens mauritaniens. Je les rassure que l'opération qui m'a été faite, hier soir, a été un succès grâce à l'efficacité de l'équipe médicale qui l'a menée?. Couché sur le dos, le corps recouvert d'un drap jusqu'au cou, selon les images diffusées par la télévision, il a ajouté: ?'je veux les rassurer sur ma santé après cet incident commis par erreur par une unité de l'armée sur une piste non goudronnée, dans les environs de la localité de Tweila?. Selon des médias mauritaniens, Ould Abdel Aziz aurait été touché au bras et/ou à l'abdomen. D'où l'explication plausible de son évacuation vers un établissement parisien spécialisé. Si officiellement le dossier est clos, officieusement, c'est bien la thèse d'une tentative d'assassinat dont a été l'objet le président mauritanien, et les soupçons vont directement vers les groupes terroristes d'Aqmi qui ont menacé, à plusieurs reprises, de l'assassiner. La thèse du complot n'est pas également à écarter, le président mauritanien ayant lui-même pris le pouvoir en 2008 lors d'un putsch militaire.