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Le prix de référence du baril à 37 dollars décrédibilise les autres chiffres de la LF 2013

par Abed Charef

Le projet de loi de finances 2013 est basé sur un prix de référence du pétrole à 37 dollars. Un prix largement déconnecté du réel, qui pousse à une série d'approximations.

Les autres prévisions, elles sont à l'inverse, très optimistes. La croissance à 5% et l'inflation à 4% notamment, sont totalement contredites par la conjoncture. Exercice de magie.

Karim Djoudi n'a guère de problèmes avec les chiffres. A force d'approximations et d'extrapolations hasardeuses, le ministre des finances réussit à établir un projet de budget aussi vague que déconnecté du réel. Mais il sait que personne ne lui tiendra rigueur en cas de dépassement ou d'excédent. Et il est d'autant plus à l'aise dans cet exercice qu'il n'a de comptes à rendre à personne, ni à un parlement sans pouvoir, ni à un chef de gouvernement réduit à un rôle de coordinateur du gouvernement.

En présentant le projet de loi de finances pour 2013, M. Djoudi a aussi fait preuve d'un talent certain pour présenter les choses sous un jour favorable. Il prévoit une croissance de 5% et une inflation de 4%. Au vu de la conjoncture internationale et du bilan de l'économie algérienne en 2012, ces chiffres relèveraient du miracle.

Comment l'économie algérienne réalisera-t-elle de telles performances ? M. Djoudi reconduit les mêmes recettes pour encourager l'investissement, booster l'activité économique, dynamiser le secteur industriel, favoriser l'activité et offrir des facilités supposées relancer la croissance. Les mêmes recettes sont là depuis une décennie, mais elles n'ont débouché sur aucune avancée. Par quel miracle vont-elles donner des résultats cette année ? M. Djoudi ne le dit pas. Khelil Mahi, président de la commission des finances de l'Assemblée Nationale, et donc interlocuteur de M. Djoudi au parlement, a parfaitement exprimé ce paradoxe. «Quelque chose ne tourne pas rond», a-t-il dit à propos de la faiblesse de l'investissement. Il a toutefois reconnu qu'il n'arrive pas à préciser de quoi il s'agit. Comme M. Djoudi, il nage dans le flou.

Cela n'empêche pas M. Djoudi d'afficher des objectifs précis en matière de croissance et d'inflation. On peut tout de même noter cette coïncidence : la croissance prévue par M. Djoudi en 2013 sera le double de celle prévue par le FMI en 2012, et le taux d'inflation sera moitié moins élevé que celui de l'année en cours. L'économie algérienne comporte trop d'heureux hasards.

Autre approximation, celle concernant le budget d'équipement, qui fait l'objet d'un véritable exercice de style. Il y a une baisse, mais c'est un «budget de stabilité, pas un budget de rigueur», selon la formulée relayée par M. Khelil Mahi. En réalité, cette formule savante désigne une réalité beaucoup moins reluisante : différents secteurs avaient de l'argent à leur disposition en matière d'équipement, ils ont dépensé autant qu'ils pouvaient, mais ils n'ont pu mener leurs projets à terme. Ceci leur permet de dire que ce qui reste fait partie du plan 2010-2014, dont on poursuit la réalisation. Qu'est-ce qui était prévu, en quelle année, avec quel financement et dans quel délai ? Personne n'est en mesure de répondre.

300% DE MARGE D'ERREUR SUR LES RECETTES PETROLIERES

A l'impossible n'est tenu. Mais pour une fois, concernant le prix du pétrole pour l'année prochaine, personne ne peut avancer un prix avec certitude, et certainement pas M. Djoudi. Le projet de loi de finances est établi sur un prix de référence du baril de pétrole à 37 dollars. En 2012, le prix a été trois fois plus élevé. On n'est donc pas dans une marge de quelques points, mais à 300%. Une prudence excessive, qui montre la nature des données utilisées pour établir la de finances: on est dans la fiction pure.

Ceci est valable pour de nombreux autres domaines. Quel sens donner, dès lors, à une information, du moment qu'on sait qu'elle est purement virtuelle ? Ainsi en est-il du déficit budgétaire, qui devrait s'élever à 18.9% du PIB. C'est peu ou c'est beaucoup ? L'Europe a établi des règles contraignant les pays membres à ne pas dépasser 3% de déficit budgétaire. Mais en Algérie, on estime que 18.9% est un chiffre encourageant, car il y a un progrès par rapport à 2012, où le déficit prévisionnel était de 28%.

Mais si le prix du pétrole reste à son niveau actuel, les recettes de la fiscalité pétrolière, qui représentent 42% du total des recettes avec un pétrole à 37 dollars, devraient assurer un large excédent. Ce qui permettra au gouvernement de dire, en fin d'exercice, que le déficit budgétaire a été mieux maitrisé que prévu.