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Gaz d'échappement des véhicules diesel  : Classés hautement cancérigènes par l'OMS

par Salah Azzoug

L'Organisation Mondiale de la Santé a publié le 12 juin dernier un communiqué dans lequel elle annonce qu'elle classe officiellement les émissions des gaz d'échappement des véhicules diesel dans la catégorie des produits cancérigènes (Groupe 1). Elle a pris cette décision à l'issue de la réunion tenue par l'Agence IARC (International Experts Agency for Research on Cancer).

Selon ce communiqué, les émissions des véhicules diesel, et plus particulièrement les particules de carbone qu'elles contiennent (PM10), constituent une cause directe des pathologies du cancer du poumon et représentent un facteur aggravant probable dans l'émergence des cancers de la vessie.

Ce classement officiel des gaz émis par les véhicules diesel dans le Groupe 1 des produits cancérigènes vient, en fait, confirmer les nombreuses études réalisées depuis 1998, date à laquelle l'OMS avait déjà classé ces émissions comme produit probablement cancérigène (Groupe 2).

Le Dr Christopher Portier, Chairman du Groupe de Travail de IARC, a affirmé, qu'au plan scientifique, les preuves qui établissent le lien de causalité directe entre les émissions de diesel et le cancer du poumon sont tellement évidentes que la décision de l'IARC a été prise à l'unanimité de ses membres. Il a ajouté que ces résultats sont des données probantes qui devraient servir de base à l'établissement de réglementations appropriées tant au niveau national qu'au niveau international. Dans les pays développés, le caractère cancérigène du diesel qui était connu depuis très longtemps, a déjà amené ces pays à mettre en place un dispositif réglementaire relativement strict. Ces pays ont notamment durci les spécifications de la qualité des carburants en réduisant drastiquement la teneur en soufre du diesel. Cette teneur en soufre a été ramenée à une concentration de moins de 5 parties par million (0,0001%) dans le but de diminuer la quantité de particules de carbone émises par les véhicules diesel. Depuis 2009, Ils ont aussi imposé une norme de pollution (euro 5) qui a obligé les constructeurs automobiles à développer des moteurs hautement performants et à équiper leurs vehicules de pots catalytiques et de filtres à particules très couteux. Ces mesures ont, certes, limité quelque peu les effets de la pollution. Elles sont, cependant, loin d'être suffisantes pour prémunir les populations contre les risques graves de l'exposition de l'homme, même à faible dose, aux particules de carbone. En France, où le taux de diésélisation du parc avoisine 60%, quelques 40.000 morts par an sont imputés aux émissions des particules de carbone. Cet état de fait a déjà amené la Commission de Bruxelles (CEE) à proposer le changement du système européen de la fiscalité pétrolière pour ralentir le phénomène de diésélisation (1).

Si dans les pays développés où, malgré tout cet arsenal réglementaire, le problème n'est pas encore maitrisé, que dire des pays en voie de développement qui utilisent encore des véhicules de technologie dépassée et qui ne disposent d'aucune règlementation en la matière. C'est probablement cette situation qui a amené le Dr Christopher Wild, Directeur, IARC, à mettre l'accent, dans sa déclaration, sur la nécessité de prendre des mesures au niveau mondial de façon à protéger toutes les populations y compris celles des pays en développement qui sont les plus vulnérables. En Algérie, la consommation du diesel était, jusqu'à récemment encore, limitée aux vehicules lourds. Malheureusement, depuis les années 2000, le parc des véhicules de tourisme, principale source de pollution urbaine, s'est diéselisé à un rythme très élevé (voir figure 1). Cette diésélisation résulte notamment d'une réglementation technique et fiscale très avantageuse. Ce cadre règlementaire est incompréhensible car le carburant diesel est beaucoup plus couteux, non disponible localement en quantité suffisante et, surtout, il est fortement polluant et provoque des maladies très graves comme le cancer des poumons.

La révision de la réglementation et de la fiscalité actuelles en vue d'inverser cette tendance à la diésélisation et de favoriser le développement et la généralisation des carburants gazeux (GPLC et GNC), mieux adaptés aux conditions spécifiques de notre pays, s'impose plus que jamais. L'adoption des normes de pollution automobile en vigueur au plan international (i.e. Euro 5), s'avère tout autant nécessaire.

(1) «L'industrie automobile, cap sur les véhicules décarbonés» : contribution du même auteur publiée dans le Soir d'Algérie du 04 avril 2012