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Le Salon international du livre d'Alger : succès populaire, «ratage» économique

par Kahina El-Hadj

Le 17ème Salon international du livre d'Alger (SILA) aurait drainé près d'1,5 million de visiteurs. Un succès populaire sans surprise dans un pays où beaucoup attendent le Sila pour faire leurs uniques achats annuels en livres. Les organisateurs du Salon sont satisfaits et pourtant des voix, en off, de l'intérieur admettent qu'il faut dépoussiérer l'évènement et rentabiliser le formidable engouement populaire qui se renouvelle chaque année.

« On continue d'organiser le Salon du livre selon des vieilles méthodes, à la «socialiste» sans se soucier de rentabiliser un rendez-vous qui draine des centaines de milliers d'Algériens». Vu de l'intérieur, la satisfaction exprimée par les officiels à quelque chose de routinier alors que l'évènement a grandement besoin d'être «dépoussiéré» et «modernisé». Avec un budget de 230 millions de dinars, le Salon du livre reste un gisement commercial ignoré. L'organisateur du SILA, en l'occurrence, ENAG évènement, fait payer les exposants étrangers 100 dollars le m² nu, sans panneaux, ni moquette, ni autre équipement. Pour les nationaux, le prix est de 2600 dinars dans les mêmes conditions. Le tarif représente pour l'organisateur «une petite marge qui ne lui fait ni perdre ni gagner au change» par rapport aux prestations payées à la SAFEX indique une source proche du comité d'organisation logistique du salon. Une démarche trop «pépère» alors que des pistes ne manquent pas pour rentabiliser l'évènement. «Il ne serait pas excessif d'instituer un prix de rentrée symbolique de 10 dinars au Salon. Cela n'est pas hors de portée des visiteurs, ni dissuasif et cela permettrait au moins de couvrir les dépenses relatives aux tâches domestiques et techniques». Au-delà, estime-t-on, la grande faiblesse du SILA est de se contenter du système de sponsoring classique alors qu'il serait intéressant de «louer à l'intérieur du site où se déroule le SILA des espaces publicitaires à des opérateurs économiques qui ne pourraient pas refuser une audience de plus d'un million de visiteurs chaque année».

DES IDEES SIMPLES

Parmi les idées «simples» qui auraient pu être mises en œuvre avec profit, on a évoqué l'idée de proposer à l'hypermarché ARDIS, qui se trouve à côté de la SAFEX de distribuer les flyers et les prospectus SILA contre une participation au sponsoring et au financement de certaines opérations. Mais l'idée est restée au stade d'idée et rien n'a été fait pour la concrétiser. «C'est bien dommage, estime notre source, d'autant que des partenariats avec des opérateurs du même genre, comme la chaine UNO d'Issad Rebrab auraient pu être envisagés si la préparation s'est faite plus tôt en amont». Dans le même ordre d'idée, l'aéroport d'Alger aurait pu être au logo du Sila en contrepartie d'une contribution financière, mais là également rien n'a été fait. Le rush vers le SILA 2012 a été fortement favorisé cette année par la disponibilité du métro et du tramway. Ces deux nouveaux moyens de transport ont été dans l'évènement, mais sans que l'organisation n'en profite ne serait-ce qu'en encourageant la vente de ticket à l'effigie du Sila. «Une opération «devenez partenaires du SILA» pourrait être lancée et ce ne sont pas les opérateurs économiques algériens et étrangers installés en Algérie qui refuseront l'idée». Les pistes ne manquent pas. Comme inciter la Bibliothèque nationale (BN) à faire, au SILA, une exposition payante de ses archives et manuscrits les plus précieux. «Il suffit de faire le bon plan de communication». Il y avait aussi une possibilité en cette année cinquantenaire de l'édition nationale où le numérique a été à l'honneur de faire participer les opérateurs présents dans l'informatique et les nouvelles technologies sans compter les providers et les professionnels de l'internet.

«OPERATION CHOC»

«On peut rêver d'une opération choc qui n'a rien d'impossible» estime notre interlocuteur. Le site de la SAFEX pourrait être entièrement réhabilité avec la possibilité de créer un centre commercial avec des restaurants et des boutiques à l'intérieur. Cela changerait des gargotes et du seul restaurant qui existe au bas de l'escalier de l'entrée principale du pavillon central des palais des expositions des pins maritimes». Bref, on ne voit pas suffisamment grand et le «site actuel continue de fonctionner comme au début des années soixante à l'époque où il a été créé». Le SILA est un grand succès populaire qui attend une mise en valeur économique. «Cela ne nécessite pas une révolution, mais un changement d'optique, une modernisation, un dépoussiérage où l'on parlerait enfin de développement au lieu de la climatisation défaillante qui a été «l'évènement» cette année» estime notre interlocuteur. Pour lui, il y a un paradoxe de voir que l'évènement qui rencontre le plus de succès populaire en Algérie n'est pas un succès économique ou commercial. «C'est de ce point de vue, un vrai ratage» !