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L’AUSTERITE EN QUESTION

par Akram Belkaid, Paris

Peut-on sortir d’une grave crise financière en optant pour une sévère cure d’amaigrissement ? C’est la question qui est posée aux pays de la zone euro, mais aussi aux Etats-Unis, et vis-à-vis de laquelle les avis divergent.
Avant d’aller plus loin, il faut d’abord rappeler que, par le passé, jamais aucune crise n’a été réglée grâce à l’austérité. L’exemple de 1929 et de la Grande Dépression qui a suivi le montre bien. Tôt ou tard, il est nécessaire d’injecter de l’argent public pour réamorcer l’activité économique, rassurer les banques et aider au retour de la croissance (ce qu’a fait Franklin Roosevelt avec son New Deal). Reste que l’ampleur des déficits publics en Europe et l’atonie de la croissance poussent nombre d’experts et de politiques à réclamer une remise en ordre drastique des finances avant toute tentative de relance.

DEUX OPTIONS OPPOSEES

En clair, le choix porte sur deux options diamétralement opposées. La première consiste à creuser encore plus les déficits et l’endettement public en finançant des chantiers économiques (grands travaux, infrastructures, aides à la consommation et à la création d’emplois,…) susceptibles d’entraîner l’économie dans un cycle vertueux. Une fois la croissance revenue, les recettes fiscales tirées notamment de l’activité des entreprises doivent permettre d’effacer les déficits et de renouer avec les excédents budgétaires. Dans cette optique, les dépenses sociales sont le plus souvent préservées et les effets de la crise sont atténués notamment par le biais d’amortisseurs sociaux (subventions, aides à l’emploi, etc.).
La seconde option est défendue par celles et ceux qui craignent une aggravation abyssale des déficits et donc une faillite des Etats avec ce que signifie cela comme perte de souveraineté possible. Ces défenseurs d’une austérité sans faille sont donc opposés à une augmentation des dépenses et exigent l’inverse, y compris une réduction drastique des budgets sociaux. Privatisations et baisses des dépenses publiques sont alors présentées comme des mesures d’urgence destinées à assainir les finances publiques et à permettre un réveil de l’économie. Souvent, cette attitude n’est pas dénuée d’arrière-pensées car la diète drastique prônée peut aboutir à un retrait encore plus marqué - et définitif - de l’Etat du champ économique.
Les deux camps s’affrontent aussi sur la taxation des plus hauts revenus. Pour l’un, il est normal qu’en temps de crise les ménages les plus aisés soient mis à plus forte contribution. Pour l’autre, partisan de l’austérité, il faut au contraire diminuer la pression fiscale sur les plus riches afin de leur permettre de soutenir l’économie en investissant et en consommant. C’est tout le débat qui agite actuellement la France avec la menace de plusieurs grands patrons de s’installer ailleurs en Europe, notamment en Belgique ou en Suisse.

L’AUSTERITE, VECTEUR D’INEGALITES

Reste que pour le Prix Nobel d’économie (2001) Joseph Stiglitz, «l’austérité est un désastre» dans la mesure où elle pénalise les plus démunis alors qu’elle épargne les plus aisés. Il est vrai que dans un tel contexte, la moindre coupe dans les dépenses publiques peut faire des dégâts immenses dans la société alors que, dans le même temps, cela fait plusieurs décennies que les ménages les plus aisés bénéficient de baisses d’impôts. En s’engageant dans une voie socialement dangereuse, les pays européens dont l’Allemagne et la France risquent ainsi d’aggraver leurs difficultés financières et de miner leurs sociétés avec, au final, une crise politique et économique encore plus grave que celle d’aujourd’hui.