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LA ZONE EURO DANS L’ŒIL DU CYCLONE

par Akram Belkaid, Paris

C’est un sondage qui en dit long sur la ligne de fracture qui traverse désormais l’Union européenne (UE). Selon une enquête du Financial Times rendue publique le 3 septembre, seuls 27% des Allemands estiment que la Grèce devrait rester membre de la zone euro, quand 54% de leurs concitoyens pensent le contraire (En France, seuls 32% des sondés sont favorables à une sortie de la Grèce de la zone euro). Il y a bien longtemps que l’on sait que l’opinion publique allemande est très remontée contre une Grèce accusée de tous les maux, dont ceux d’être incapable de mettre de l’ordre dans ses finances et de vivre bien au-dessus de ses moyens. Le problème, c’est que la crise que traverse l’Europe est loin d’être réglée et que ce genre de défiance mine le projet européen.

LA GRECE, TOUJOURS ET ENCORE

Dans les jours et les semaines qui vont venir, ce n’est ni plus ni moins que l’avenir de la zone euro qui va se jouer. Le 12 septembre prochain, la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe va rendre son avis sur le pacte budgétaire européen et sur le Mécanisme européen de stabilité (MES). Ces deux éléments-clés de la réponse de l’UE à la crise de l’endettement de certains de ses membres sont contestés par de nombreux eurosceptiques allemands qui estiment qu’ils vont à l’encontre des règles de stabilité monétaire et financière de la zone euro. En clair, et pour résumer, la crainte est grande en Allemagne de voir revenir une forte inflation dont l’une des conséquences serait de déprécier la valeur des actifs financiers libellés en euros.
Or, et c’est là où réside le cercle vicieux, on voit mal comment les Européens pourraient affronter les difficultés budgétaires sans l’intervention du Mécanisme européen de stabilité. La Grèce, mais aussi l’Espagne et l’Italie, peut-être même demain la France, ont besoin du MES et de ses facilités financières. Les marchés financiers ont eux aussi intégré l’existence de cet instrument et sa remise en cause, même partielle, risque de provoquer une nouvelle tempête avec une augmentation brutale des taux d’intérêts imposés à l’Espagne et à l’Italie. Et la situation est d’autant plus compliquée que la Grèce est loin d’être tirée d’affaire.
Tout au long de l’été, fuites et informations non confirmées, ont fait état de la possibilité d’un défaut de ce pays quant au remboursement de sa dette. A Athènes, le gouvernement Samaras a demandé un délai supplémentaire pour atteindre les objectifs d’austérité qui lui ont été fixé par l’UE et le Fonds monétaire international (FMI). Longtemps écartée par les dirigeants européens, la perspective d’une sortie de la Grèce de la zone euro est de plus en plus plausible. Si elle venait à se concrétiser, il est certain que la même question se posera alors pour l’Espagne et l’Italie. Et, pour éviter l’implosion de la zone euro, l’Europe devra absolument aider ces pays. A condition qu’elle en ait les moyens non seulement financiers mais institutionnels (d’où l’importance du maintien du MES).
 
QUEL ROLE POUR LA BCE ?
 
La question des moyens institutionnels concerne aussi la Banque centrale européenne (BCE). Pour rassurer les marchés, cette institution s’apprête à acheter des titres de dettes de pays européens confrontés à des difficultés budgétaires ou exposés à des taux d’intérêts trop élevés. Cette approche non conventionnelle qui tranche avec l’orthodoxie habituelle en vigueur à Francfort, siège de la BCE, n’est pas du goût de tout le monde. Le directoire de la Banque serait même divisé et, en Allemagne comme en Europe du nord, plusieurs voix se font entendre pour affirmer que la BCE sort de son rôle qui est avant tout de défendre l’euro via la lutte contre l’inflation. Comme on le voit, la crise que traverse l’Europe n’est pas uniquement financière puisqu’elle pose la question de la nature et de la mission de ses institutions.