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Le mérite et la compétence : crédo des nations civilisées

par Said Mouas

Suite et fin

Tout le monde rue dans les brancards : le peuple qui n'a de cesse de réclamer de meilleures conditions de vie, les dirigeants qui ne savent plus comment s'en sortir et les mal- élus qui sont là pour tirer les marrons du feu. Le nationalisme, lui, ne se manifeste que dans le sillage des rencontres internationales de Foot Ball. Ceux et celles qui se sont sacrifiés pour ce pays pendant la guerre de libération, les luttes fratricides au lendemain de l'indépendance, les conflits de la Palestine et du Sahara occidental et la décennie rouge, l'ont fait pour une Algérie digne, fière et libre.

Nos glorieux martyrs, les moudjahidine, les appelés du service national, les femmes courageuses ont lutté pour un idéal. Pas pour que leur patriotisme, leur combat suprême, servent de monnaie d'échange. Pour que nos enfants et petits enfants puissent vivre dans le bonheur, forts des valeurs léguées par leurs ancêtres. Envers ces hommes et ces femmes sincères, la nation doit se montrer reconnaissante. Alors il est temps, à l'instar des pays modernes de renouer avec la performance, la compétence et le mérite. Il n'est plus sûre légitimité que celle qui fonde son action sur la rationalité économique, la bonne gouvernance et la justice sociale. Toutes les autres légitimités, sont caduques : Historique, politique ou rentière ; elles ne valent rien si au final la justice sociale recule et les dérives s'accentuent. Le respect des règles de gouvernance et le devoir de responsabilité envers les générations futures constituent des éléments de référence incontournables dans la conception des politiques de développement. Il n'y a qu'à prendre l'exemple du service national, celui qui, en dehors de notre patrimoine atavique, illustre le mieux le lien identitaire qui donne un sens à notre algérianité , pour dire que ce devoir est souvent ignoré par ceux là mêmes qui ont opportunément puisé dans les soubresauts de la vie nationale les instruments de leur fortune. Le mérite se mesure aussi à l'aune de cet engagement citoyen. Cela dit, combien d'hommes politiques ou qui se revendiquent tels, d'élus du peuple, d'artistes reconnus peuvent se targuer d'avoir satisfait pleinement à leurs obligations vis-à-vis de la nation, ne serait ce qu'en revêtant l'uniforme militaire pour s'acquitter de l'impôt de la sueur et honorer celui du sang versé par les libérateurs de l'Algérie. Ils sont nombreux ces nouveaux riches parvenus de la politique, du monde des affaires ou du sérail administratif- technocrates véreux-, qui n'ont d'autre mérite que celui de s'être servis au détriment de la société. Ils ont beaucoup pris, mai rien donné. Oui, assurément beaucoup de promesses et de beaux discours.

LE MERITE MAL REMUNERE

Des inégalités de plus en plus criantes au plan des salaires sont venues exacerber le sentiment d'injustice lié à la perte du mérite. Le statut en diamant octroyé aux parlementaires et l'explosion des salaires dans certains secteurs, concomitamment à la flambée des prix sur le marché des produits de large consommation, ont laissé ?'groggy'' de larges pans de la société. Est-ce normal que des footballeurs tout juste moyen ou des entraineurs sans étoffe touchent des salaires mirobolants dépassant les100 millions de centimes / mois ? La spirale inflationniste a mis à genoux les anciens retraités qui se sentent aujourd'hui humiliés. Lorsque des cadres de l'administration, professeurs de lycée ou ex-enseignants universitaires sortis à la retraite après de longues années de bons et loyaux services s'aperçoivent que leur pension équivaut aujourd'hui à une prime mensuelle d'un cadre dirigeant pas plus diplômé ni méritant, il y a de quoi être secoué par tant d'ingratitude. Lessivés et usés par des décennies de labeur puis jetés aux oubliettes dans un contexte social des plus durs, les anciens retraités souffrent en silence. La plupart des franges professionnelles de la société ont réussi à arracher des augmentations et des rappels conséquents et ce après avoir mis les pouvoirs publics au pied du mur ; les « vieux », eux, n'ont personne à prendre en otage. Ils meurent à petit feu et le jour où le gouvernement daignera faire un petit geste, le nombre de retraités aura diminué, qui emporté par la maladie, qui terrassé par une crise cardiaque. .Une ?'hogra'' qui ne dit pas son nom. Il est vrai que seuls des hommes ayant une conception élevée de l'Etat savent que le devoir de reconnaissance incarne l'une des valeurs fondamentales de la société. On le sait, l'éthique et la morale politiques, telles que conçues actuellement, ne souffriraient certainement pas davantage à dénier à des millions de vieux algériens le droit à une reconnaissance. D'où le mépris affiché à leur endroit en ce cinquantenaire de l'indépendance où ils ont eu droit, tout compte fait , à moins de 6% d'augmentation et le bras d'honneur qui leur est fait à travers les dépenses généreuses consenties en cette occasion (02 milliards d'euros) L'Algérie continuera à tourner sans eux. Les retraités, les vrais, ceux qui se sont dévoués pour la cause publique méritent assurément plus que quelques miettes récemment distribuées et vite dilapidées par une vertigineuse érosion du pouvoir d'achat. Pour services rendus à la Nation et non pour une quelconque allégeance aux hommes et aux clans.

En finir avec tous les procédés qui ont facilité l'émergence des forces d'inertie tapies dans les rouages de l'état et redonner un sens à la compétition, l'émulation et l'excellence qui doivent rester les seuls moyens permis pour accéder à une charge publique ou élective, est devenu une urgence historique. Ce sont la compétence et le mérite et non les privilèges démagogiques rattachés à des statuts périmés qui peuvent assurer à ce pays la stabilité et la grandeur auxquelles il aspire.

 L'Algérie a perdu au cours de ces dernières années des milliers de cadres de grande valeur .Rien qu'en France sont établis près de 66.000 super diplômés algériens dont 500 scientifiques de haut rang .Dans un quart de siècle si l'hémorragie continue, notre pays ne pourra plus se relever. Un immense investissement humain a été dilapidé par la faute de pratiques politiques perverses. La contribution des élites passe par la réhabilitation du mérite loin des pressions tutélaires. « Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule mais d'élever la foule vers l'élite ». notait Gustave le Bon. Il appartient aux hommes sincères, dans un sursaut éthique, de défendre les valeurs de l'effort et du travail, de primer la compétence et la réussite. De placer, en somme, le mérite au cœur du système pour ne pas hypothéquer l'avenir de la nation et le sort des générations montantes. Un défi que doit s'imposer l'état, car il y a va de sa pérennité.