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Il faut de l'audace pour sortir le pays de son statuquo

par Mohamed Ghriss

D'un point de vue philosophique, on a tendance à dire en ce qui concerne la quête identitaire de l'être, ou d'un pays, en général, à la recherche éperdue de ses marques, qu'il lui faut absolument courir le risque de se perdre, en s'engageant dans les voies innovatrices du renouvellement qu'il redoute, pour pouvoir se retrouver ! Même dans le processus de recherche scientifique, il est bien connu qu'une loi ne pourrait être établie qu'en passant au préalable par la phase procédurière dite de l'expérimentation des postulats émis, exigeant l'incontournable saut dans l'inconnu pour en ressortir avec les résultats confirmatifs ou infirmatifs des hypothèses formulées, avec donc la prise en ligne de compte de tous les risques d'échecs encourus !       

Et concernant les sociétés arabo-musulmanes, il semble bien que ce recours nécessitant l'acceptation du facteur risque dans l'engagement responsable est loin d'être observé, pour ne pas dire presque jamais, l'audace entrepreneuriale étant redoutée, exécrée, s'y conformer pour quiconque souhaiterait avancer, paraissant malheureusement chose inadmissible dans le monde arabo-musulman, tout particulièrement. Ce défi d'engagement audacieux dans des voies novatrices et de créations originales a été pourtant, pour rappel, à l'origine de la révolution de la Renaissance occidentale dans notamment ses compartiments culturel ( démocratisation des arts et savoirs et autonomie universitaire), spirituelle ( réformes Luthérienne et autres exégèses «selon l'Esprit qui vivifie», libératrices du dictat de la mainmise religieuse du classique rigorisme «selon la Lettre qui tue» ) et industrielle ( mécanisation, construction de bateaux et nouvelles voies d'exploitation commerciales, maritimes, marchandes industrieuses pourvoyeuses de fabriques, d'extractions minières, de crédits bancaires ouvrant l'accès à la gérance de domaines agricoles, biens manufacturiers, l'urbanisme, etc., etc.,

 Cette disponibilité de l'esprit caractérisant le mental de tout responsable doué de bon sens, - à savoir sa propension à accepter de courir le risque des idées ou réformes audacieuses qu'il entreprend de manière résolue- si elle caractérise, donc, la volonté d'aller de l'avant de l'occidental, parait effectivement absente, dans la majorité des cas, chez les leaders de nos infortunées contrées, adeptes des politiques de bricolages et de prestiges masquant mal les «couteuses avancées inappropriées? en arrière» ou des statuquos choyés des raccourcis aisés des recours stérilisants des «moualfa khir men talfa» : apparats de développements voilant les flagrantes incohérences et incompétences chez nos stratèges arabo-maghrébins aux projets de réformettes ou des réformes de façades sans grands portées notables, en général. Mais qu'on ose proposer, nonobstant leurs carences de fond, aux malheureux peuplades de ces contrées arides où le génie est constamment recalé et contraint à l'exil intérieur ou extérieur, et où les citoyens - perçus en vérité comme des sujets soumis à tous les bons vouloirs des responsables infatués se comportant en néo-caïds ( hacha el moukhlissine li ma yest ? tehelouch ) - n'en ont pas fini d'évoluer sous les sempiternelles pressions politiciennes accablantes dans un environnement socioéconomique déficient, en manque croissant d'infrastructures industrielles renouvelées et de chantiers entrepreneurials diversifiés pourvoyeurs de travail aux milliers de jeunes chômeurs. Parallèlement à la rénovation des institutions éducatives et culturelles dans un esprit allant en harmonie avec les exigences du XXI è siècle et les nécessités impérieuse, sur le plan politico-institutionnel de réformes authentiques, mettant concrètement à l'abri l'Algérie des périls futurs que lui font encourir les caciques du système cherchant coute que coute a faire hériter le pouvoir à leurs ouailles. Comme c'est la tendance chez tous ces courtisans des hautes sphères dirigeantes, brillant moins par leurs aptitudes à apporter les remèdes convenables à la situation du développement national biaisé, que par leurs désirs inavoués de briguer des places au soleil quitte à barrer les voies d'accès démocratique aux jeunes générations montantes. C'est ce qui ressort en tout cas de ces persistantes manœuvres politiciennes de mainmise de pouvoir par la reconduction de toujours les mêmes, maintenant un contrôle totalitaire qui ne dit pas son nom, en vigueur dans pratiquement toutes les instances nationales, la police de la pensée court-circuitant perpétuellement toute initiative d'émergence d'une société civile participative.

Cet hyper contrôle et la mentalité diffuse de ses tenants arguent de la présence du fléau résiduel du terrorisme abject nécessitant, effectivement une constante vigilance nationale, à divers niveaux d'ailleurs, mais cela ne doit pas constitue un prétexte aux services des pouvoirs apparatchiks pour bâillonner les libérées individuelles et publiques, et partant, contrecarrer les nobles aspirations démocratiques ? pluralistes de toute une nation. Y compris de ceux qui aujourd'hui reconsidérant leurs positions religieuses maximalistes d'auparavant, reviennent actuellement à des considérations pacifistes plus terre à terre, instruits notamment par les vicissitudes du Printemps arabe, prônant résolument un «Ijtihad» ( Islah moderniste parallèlement au son de cloche des réformes annoncés des partisans de l'alternative démocratique : soit l'option globalement du réformisme salvateur souhaité à divers niveaux de la société par tous les pacifistes adhérant ouvertement à l'option démocratique - pluraliste dans le respect des valeurs patrimoniales nationales et des postulats républicains, démocratique et social de la proclamation du 1er Novembre 1954. Loin du spectre, d'une part de l'obscurantisme des fanatiques menaçant demain de tout légiférer selon leurs rigorismes extrémistes propagateurs de vices et sévices au nom du Suprême Miséricordieux qui ne les a point mandatés pour châtier sauvagement leurs compatriotes?musulmans. Et loin d'autre part, des vicissitudes politicardes persistantes qui ont favorisé le terreau du terrorisme abject, tels que l'injustice sous toutes ses formes, et actuellement ce qui concourt à faire le lit des révoltes et émeutes sporadiques à travers l'ensemble du territoire national, c'est encore et toujours toutes ces formes d'injustices criardes dans le bled, générées évidemment par les incompétences, la corruption, le népotisme, les passe-droits, l'oppression ( hogra), la gabegie, etc., aggravant la situation dramatique du vécu social des jeunes «hististes», «harraga», des démunis et des sans logis voyant certains propriétaires de villas-châteaux construites avec de l'argent sale, venir leur arracher leurs quotas destinés avec la complicité, bien sur, d'individus véreux, etc.

Et à propos de ces ingrédients nocifs qui servent de mèche aux révoltes sporadiques qui risquent dans un proche futur de se généraliser si d'ici-là rien d'efficient sur le plan des réformes institutionnelles n'est envisagé de façon profonde non leurrante, - force est de constater que pas grand-chose n'a été entrepris dans la voie de l'assainissement institutionnel rigoureux en vue de dégager les voies d'une possible assisse rénovatrice politico-structurelle, susceptible de relancer concrètement le processus démocratique en Algérie dans un proche futur.  

Les récentes législatives, bien avant les proclamations des verdicts électoraux, ont laissé entrevoir au cours des opérations de dépouillement des résultats de votes des pratiques scandaleuses dont ceux qui s'en sont rendus coupables, - malgré que les statistiques et leurs bons offices leur ont assuré que leurs traditionnels partis d'obédience allaient l'emporter sur leurs différents rivaux - se doivent d'assumer devant l'Histoire la responsabilité de leurs actes irresponsables qui ont encore une fois fait rater l'occasion à l'Algérie de se pourvoir d'institutions saines. Et partant semé les graines des graves dérives et sombre perspective, non souhaitable du tout au pays, et dont il convient d'en annihiler d'ores et déjà l'éventuel et fort probable funeste avènement, provoqué par les irresponsables fossoyeurs de ka démocratie algérienne. Annihilation qu'il convient d'entrevoir, non pas par les discours ressasseurs type «notre printemps algérien nous on l'a fait», mais par l'entreprise audacieuse de sérieuses et radicales réformes, aux élaborations et enrichissements desquelles devraient être démocratiquement conviés les meilleures compétences algériennes. La désaffection quasi-totale du peuple, en général, pour la composante de la nouvelle Assemblée Nationale «élue», un remake en somme de l'antérieure, et fort discréditée par les couches populaires, particulièrement par la jeunesse - un simple sondage confirmerait ce constat- est là pour fournir la preuve qu'il y a lieu d'envisager d'urgence un projet politico- institutionnel viable, la présente Assemblée ne jouissant point de crédit populaire apparaissant d'ores et déjà condamnée à péricliter, compte tenu des composants schismatiques et conditionnements implosifs qui la minent intérieurement et qui caractérisent son environnement évolutif qui n'annonce rien de bon

Par ailleurs, il ne faut pas s'aveugler : en l'absence de recours démocratiques judicieux, une révolte généralisée peut survenir au moment le plus imprévu. L'idée entretenue du faux printemps arabe déjà réalisé en Algérie, il va falloir l'évincer de la tète de ceux qui hier fustigeant la révolte d'Octobre 1988 et qui aujourd'hui s'en servent comme paravent pour tromper qui accorde foi à leurs propos de reconsidérations à la 25è heure. Nenni, on ne la fait pas es esprits perspicaces qui se font un devoir d'objecter aux allégations des beaux parleurs du pouvoir versatile qu'on oublie que les acquis d'Octobre 1988 ont quasiment presque tous été laminés. Même la presse privée subsistante, soi-disant indépendante, est étroitement surveillée, certains titres étant carrément la vitrine ou la voix rebattue des clans apparatchiks du système. Et que dire du secteur audiovisuel dont le musèlement persiste, sous prétexte qu'une fois libéré c'est le branle ?bas de combat, l'impérialisme, la propagande islamiste, sioniste, et autre invasions néocoloniales attentant aux bonnes mœurs de la société algérienne évoluant sous la bonne guidance de leurs sages timoniers éclaireurs qui savent ce qui est bon au peuple et ce qui ne l'est pas, vu qu'ils sont là pour penser à la place des 36 millions d'Algériennes et d'Algériens et veiller à la sauvegarde de leur culture, éducation, bonnes mœurs, etc., etc. Ce qui n'a pas empêché des millions de téléspectateurs algériens, dès l'avènement des paraboles de ces cultures impérialistes, colonialistes, néocolonialistes, sionistes, antinationalistes, antimusulmanes, etc., etc., de se pourvoir de chaines étrangères au point d'en adopter beaucoup d'entre elles, comme «chaines nationales», comme l'a si bien souligné le regretté Abdou B. Alors que la télévision de ceux qui cherchaient à protéger contre les dangers de l'invasion culturelle impérailo-sionisto- amériacano- machin s'en est trouvée du jour au lendemain désertée, reléguée au statut d'orpheline pour paraphraser le sobriquet galvaudé en arabe de «yatima».

Ne valait-il pas mieux libérer en-temps voulu ce secteur stratégique au lieu d'avancer des prétextes masquant mal une volonté à tout vouloir contrôler et régir, alors qu'ailleurs même les héritiers des staliniens ont pris des décisions salutaires dans ce sens et sauvé leurs productions télévisuelles et cinématographiques et médiatiques nationales. Les cahiers de charges et autres impératifs réglementant strictement le travail des chaines ?tv et radios privées en perspective, n'existant pas pour rien pour autoriser ces pays de l'ex rideau de fer et maints autres africains et voisins limitrophes à inaugurer en toute quiétude leurs nouvelles stations ?tv et radios particulières au son de cloche naturellement divergent de celui des caisses de résonnance du pouvoir monopolisateur de tout chez nous . Et parce que l'Algérie a trop tardé et perduré sur ce plan audiovisuel, d'aucuns considèrent qu'à présent c'est trop tard pour l'ouverture de ce secteur en Algérie ; intervenant ou pas, elle s'avère d'ores et déjà sans grande efficience et les responsables de cette longue retenue n'auront plus qu'à assumer leurs responsabilités devant l'Histoire.

Et sur le plan des acquisitions d'institutions et instances politiques nationales démocratiquement fiables, il est regrettable que les fossoyeurs de la démocratie chez nous aient encore une fois donné l'occasion aux pires détracteurs de l'Algérie sur le Net, de diaboliser plus que jamais tout le pays et ses citoyens, confondant oppresseurs et oppressés. Quand au régime algérien, comparé à ceux des ex- régimes totalitaires de l'Est qui ont néanmoins relativement évolué vers plus d'acquis démocratiques citoyens, certains en sont venus, par conséquent, à évoquer un néofascisme larvé dans l'Algérie politique de 2012 ! Comme quoi la sonnette d'alarme est tirée. Non pas pour le menu peuple qui prend acte de toutes les tractations politiciennes qu'on réalise sur son dos mais pour les thuriféraires du système qui viennent de rater encore une fois l'occasion historique de faire élire un bon Parlement national représentatif.

Les bonnes volontés existent, certes à différents niveaux des institutions dirigeantes du pays où œuvrent avec dévouement de sincères responsables patriotes, Cependant, l'ampleur du gâchis causé par les esprits prédateurs et autres calculateurs des gestion anarchiques et de prise à la légère des questions cruciales engageant le devenir de toute une nation, font que l'acte citoyen honnête dans l'Algérie d'aujourd'hui apparaisse hélas comme vaine quantité négligeable pour ne pas dire nulle . Les parfaits successeurs du colonialisme qui se donnent bonne conscience parce que inconscients de leurs crimes économiques, étant là pour veiller à l'isolement et la marginalisation du bon grain par rapport à l'ivraie envahissant de partout le pays, et le menaçant telle la prolifération de cellules cancéreuses gagnant progressivement un corps malade dont il urge d'y apporter sans tarder davantage les indispensables recours de remèdes appropriés. Par le recours aux mesures et initiatives hardies, pardi ! Alors de l'audace Messieurs les responsables à tous les niveaux, y compris son excellence le Président de tous les Algériens qui se devrait d'entreprendre ce que la nation, le peuple et l'ensemble du territoire du pays sont en attente de voir appliquer terre à terre et judicieusement : des Réformes profondes et viables, puisse Dieu assister dans cette noble tache tous celles et ceux qui l'entreprennent avec dévouement, particulièrement en cette année de la célébration du cinquantenaire de l'indépendance nationale. Avènement qui, espérons-le, fournira l'occasion au pays d'entreprendre des changements radicaux, rompant avec la pensée monolithique apparatchik qui n'a que trop sévi jusqu'ici engendrant les maux que l'on sait. Le temps presse, les peuples et les nations du monde entier guettent le pays aux détours de l'Histoire. Il faut agir rapidement et surement, armés d'une volonté manifeste d'audace responsable et en laquelle le peuple saura y adhérer pleinement quand il constatera de visu que le processus démocratique authentique est relancé en Algérie. En hommage aux glorieux martyrs, et à la mesure des grandes figures de l'Algérie, ou de ses hommes et femmes honnêtes surtout !